Les ravages provoqués par la grippe H9N2 mettent à mal les performances du secteur avicole. Bien que la santé des consommateurs ne soit pas mise en danger, leur porte-monnaie, lui, en ressent déjà les effets. Sale temps pour le secteur avicole marocain. Un mois à peine après son apparition sur le territoire national, la grippe aviaire de souche H9N2 s'est propagée tel un feu de forêt parmi les élevages de viande blanche, causant immédiatement des dégâts significatifs. Pour l'heure, aucun cas de contamination humaine n'a été rapporté. Youssef Alaoui, président de la Fédération interprofessionnelle du secteur avicole (FISA) affirme que «la grippe H9N2 est spécifique aux volailles. Elle est sans danger pour le consommateur». Par contre, le virus se montre particulièrement hostile à la capacité de production des éleveurs, en particulier celle des œufs. D'emblée, les aviculteurs s'alarment de la baisse de productivité des poules pondeuse atteintes de cette pathologie à près de -30%. Un chiffre confirmé par la FISA. Conséquence directe : une augmentation des coûts de revient de +50% que les éleveurs ont reporté sur le prix du marché. Habituellement compris entre 1DH et 1.20 DH, celui-ci atteint désormais 1,50 DH. Et comme un malheur ne vient jamais seul, la canicule vient s'ajouter à la grippe pour faire monter le taux de mortalité des volailles à 20%. Naturellement, l'alimentation du marché de gros en poulets vifs accuse une baisse relative, augmentant le prix du kilo de +6%. Sérénité Enfin, vu que 60% des besoins du pays en poussins reproducteurs sont importés de France, pays principalement touché par ce fléau et accessoirement témoin de contaminations humaines depuis quelques années, des mesures sanitaires ont été mises en place afin de protéger le marché marocain du risque d'aggravation de la propagation du virus. Il s'agit de la mesure du zonage sanitaire préconisée par l'Organisation mondiale de la santé animale et adoptée par l'Union européenne (UE). Or, les conséquences d'une contamination de ce type au niveau sectoriel ne s'arrêtent malheureusement pas à ce niveau. Elles risquent de se développer pour donner à cette crise, même passagère, une dimension à variables multiples. En effet, il est à escompter un rétrécissement des flux commerciaux à l'international pour les filières inféodées au secteur, dans l'hypothèse où le phénomène venait à persister. Le risque d'une baisse plus importante de la production de viandes blanches provoquera automatiquement une augmentation plus substantielle des prix suite à la raréfaction de l'offre, que ce soit pour le prix du poulet vif que pour celui des œufs. L'élasticité de la demande nationale étant de plus en plus rigide, l'on devrait s'attendre à une redirection spontanée vers les viandes rouges et les produits de la mer. Là aussi, réciprocité oblige, la hausse de la demande provoquera une augmentation des prix sur le marché. Finalement, ce qui était au départ une «crisounette» limitée dans le temps pourrait bien muter en une problématique tentaculaire suivant la logique du cercle vicieux. Pour autant, la FISA opte pour la sérénité et attire surtout l'attention sur la dangerosité de l'effet boule de neige psychologique, faisant référence à la prolifération d'informations qualifiées d'«erronées», qui risquent grandement d'entacher la crédibilité commerciale du pays. La Fédération soutient que toutes les précautions ont été prises dans le but de contenir la contamination et protéger la performance du secteur. Youssef Alaoui Président de la Fédération interprofessionnelle du secteur avicole (FISA) Les Inspirations ECO : Le secteur avicole national est en crise. Ses effets sont-ils réversibles ? Youssef Alaoui : Ils le sont puisque cette crise n'est que passagère. Certes, le secteur avicole se passerait bien d'une mauvaise surprise telle que le virus H9N2, qui reste une grippe tout à fait naturelle dont les effets sont à la fois mesurables et maîtrisables. Il n'en demeure pas moins que les effets commencent déjà à s'estomper. La flambée des prix des œufs va-t-elle se prolonger ? Il est vrai que le passage du prix unitaire de 1,20DH à 1,50DH est assez incongru. Cette hausse est symptomatique de la décélération de la production d'œufs. Cette perte a été reportée par les éleveurs sur le prix du marché. Cela dit, une décision a été prise afin de ramener le prix à 1,20DH. Les choses devraient rentrer dans l'ordre avant la fin du mois, même si ce sont les éleveurs qui encaisseront les pertes. Existe-il un risque de transmission de cette pathologie au consommateur ? Aucun. Les consommateurs n'ont rien à craindre du virus H9N2. La souche est différente de celle propre au virus H1N1 qui, lui, présentait un risque certain. Par contre, ce qui est à craindre est la campagne de désinformation qui contamine l'opinion publique avec des chiffres catastrophistes qui ne trouvent leur légitimité nulle part. Une campagne médicale a été menée sur un échantillon de 600 éleveurs. Sur cet échantillon, seule une vingtaine ont été désignés comme nécessitant une opération de vaccination. Elle est en cours en ce moment même.