Mezouar a-t-il vu juste en poursuivant sa politique sociale axée sur une dynamisation de la croissance en dépit du risque sur le maintien des équilibres fondamentaux et notamment une dégradation des comptes courants nationaux ? C'est en tout cas ce que laisse entendre la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED) qui vient de publier son rapport mondial 2011 sur le commerce et le développement. Intitulé «L'économie mondiale face aux enjeux politiques d'après-crise», le document, dont la présentation a été faite hier simultanément à Genève et à Rabat, le moins que l'on puisse dire est qu'il conforte, à tous points de vue, le ministre de l'Economie et des finances qui a essuyé les critiques au regard de la situation délicate dans laquelle se trouvent actuellement les finances publiques. La CNUCED n'y est pas allée avec le dos de la cuillère en dénonçant «les mesures d'austérité vantées par la plupart des gouvernements des pays développés». Pour la CNUCED, c'est la «libéralisation irresponsable des marchés financiers» qui est «à l'origine de la crise actuelle», et par conséquent l'impératif est de s'engager dans une réglementation plus rigoureuse de celle-ci. Preuves à l'appui, au regard des résultats enregistrés au niveau international, les experts de la CNUCED estiment, en effet, qu'il est plus nécessaire de poursuivre le soutien aux politiques de relance économique que «d'essayer de regagner la confiance des marchés financiers, en réduisant prématurément les dépenses publiques». Le constat que dresse la CNUCED à ce niveau est que les «salaires et les revenus collectifs ne progressent pas suffisamment pour contribuer à un processus de croissance durable et globalement équilibré fondé sur la demande intérieure». La recette de la CNUCED est, sans ambages, comme suit : «le rétablissement économique tient à des salaires plus élevés et à des politiques fiscales plus soutenues». Equation complexe Le débat risque d'être houleux pour l'adoption de la prochaine loi de Finances. Salaheddine Mezouar est, en effet, très attendu au niveau de l'hémicycle pour dévoiler les grandes lignes de l'orientation budgétaire pour l'exercice qui vient, et surtout, sa recette pour ramener la confiance des acteurs économiques qui s'inquiètent de la situation, assez critique, des finances publiques dont certains indicateurs, comme ceux du déficit, clignotent en rouge. Le ministère de l'Economie et des finances, qui a tenu à rassurer dans nos colonnes que «tout sera fait pour que la dynamique de réformes soit poursuivie et la confiance dans la bonne santé de notre économie préservée» (Les Echos quotidien daté du 16 août), aura fort à faire pour convaincre de l'efficacité de la solution à apporter à l'équation complexe de la maîtrise des équilibres macroéconomiques, dans un contexte marqué par un déficit public qui ne cesse de se creuser davantage, porté par l'impact des mesures sociales et des charges de compensation, dont le coût a lourdement pesé sur l'exécution du Budget de l'année en cours. Ce qui a valu au Maroc une sorte de mise en garde du FMI lequel avait, au terme d'une mission au mois de juillet dernier, averti que «pour atteindre un taux de croissance élevé et durable à moyen terme, les autorités devront adopter des mesures vigoureuses de réorientation de la politique budgétaire». Une métaphore qui dans le langage de l'institution de Bretton Woods se traduit par une invitation à une restriction budgétaire, voire une politique d'austérité, comme celles actuellement imposées à certains pays de la zone euro. Les experts du FMI qui ont passé en revue l'état des comptes nationaux ont, en tout cas, signifié au gouvernement «qu'il existe peu de marges pour de nouvelles mesures d'augmentation des dépenses publiques». Une remarque qui semble trouver écho auprès du gouvernement, au vu de quelques annonces sur de nouvelles mesures de «rationalisation budgétaire», notamment la réduction de 10% des allocations budgétaires «pour les dépenses non essentielles» et l'autofinancement pour les entreprises publiques bénéficiaires. Plus, le FMI a estimé, au rang du signal donné par les autorités dans le cadre de la «maîtrise et de la rationalisation des dépenses», qu'une réforme de la fonction publique «devrait ramener la masse salariale à environ 10% du PIB dans les prochaines années». Des mesures qui, à défaut de rappeler «les fameux» Programmes d'ajustement structurel (PAS) des années 80, ne sont pas loin de celles contenues dans les politiques d'austérité ou de rigueur actuellement en vogue. Or, c'est précisément ce que rejette une autre institution internationale de la CNUCED qui fait état de leur inefficacité avérée. Une nouvelle donne qui s'invite au débat et qui ne manquera pas d'alimenter la polémique entre partisans et détracteurs d'une politique de rigueur qui réduirait la dynamique de soutien à l'investissement public et à la consommation intérieure. La règle d'or Les recommandations de la CNUCED et du FMI ont un seul dénominateur commun: la préservation des équilibres macroéconomiques à travers une réorientation des politiques budgétaires. Et c'est là où les divergences commencent. En effet, pour les experts de la CNUCED, il est plus souhaitable, «de réorienter les politiques budgétaires en tenant compte des impératifs de la situation macroéconomique globale plutôt qu'en s'attachant exclusivement à rééquilibrer les budgets ou à atteindre des objectifs rigides en matière de déficit public». À défaut d'un renversement d la tendance actuelle, qui privilégie des perspectives de diminution des revenus du ménage moyen, la CNUCED avertit que «dans les pays riches comme dans les pays pauvres, toutes les autres tentatives pour renouer avec la croissance resteront vaines». Une recommandation déjà au programme de la loi de Finances en préparation, selon Salaheddine Mezouar, qui a indiqué que «la croissance en 2012 sera soutenue par la demande intérieure, avec une augmentation prévue de 4,2% en volume contre 3% cette année. L'effort d'investissement public sera soutenu en 2012 et l'année 2011 a enregistré des augmentations substantielles de revenus». L'un dans l'autre, le gouvernement est appelé à souffler le chaud et le froid...