Aujourd'hui, les fruits des négociations menées par l'Office national marocain du Tourisme (ONMT) et les professionnels avec les T.O russe, suite à leur récent déplacement à Moscow, devraient se traduire par l'arrivée de 70.000 ressortissants russes. Ces flux devront reprendre en mars et avril prochains. Les Russes qui passent leurs séjours touristiques à Agadir n'ont pas déserté la destination, mais ils sont plutôt rares sur la corniche de la ville. Moins des deux tiers de cette clientèle ont été «perdus» durant cette saison touristique, alors que la ville d'Agadir a accueilli à peine quelque 6.845 touristes russes en 2015, par rapport à 16.894 en 2014. Pire, le taux de fréquentation a pratiquement diminué de 72% par rapport aux années 2013 et 2010 où la destination Agadir avait respectivement accueilli 24.586 et 24.735 ressortissants russes. Ces derniers ont été classés huitièmes sur le podium des arrivées et des nuitées à la destination Agadir, avec une part d'environ 3%. Aujourd'hui, avec l'absence temporaire de l'Egypte et de la Turquie, les Russes sont en manque de destinations ensoleillées après le crash de l'avion russe à Sinaï et le bombardier abattu à la frontière syrienne. C'est ce qui justifie la mobilisation des opérateurs touristiques marocains sur le marché russe où la politique menée auparavant a été qualifiée d'approche de «saupoudrage» en raison de l'absence d'une stratégie à long terme et de moyens financiers insuffisants en relation avec les besoins des autres marchés. Toutefois, pour grignoter des parts de marché additionnelles, en tant que destination de substitution à l'Egypte et à moindre mesure la Turquie, qui ont respectivement accueilli, l'année dernière, 3 et plus de 4 millions de touristes russes, la destination Maroc devra s'outiller des mêmes armes pour saisir cette opportunité immédiate. Cela, au moment où la Tunisie, se trouve également dans une situation sécuritaire encore fragile. Aujourd'hui, les chiffres des premières négociations menées par l'ONMT et les professionnels du tourisme avec les T.O russe, suite au récent déplacement à la Russie, devraient générer l'arrivée de 70.000 ressortissants après la sécurisation de la capacité réceptive, surtout durant la période estivale et la réduction des tarifs liés au coût du package par les professionnels du tourisme. C'est à partir de l'année prochaine que les flux russes devront reprendre, notamment en mars et avril prochains avec des vols charters. La réalisation des objectifs, retenus sur ce marché suppose également la mobilisation de la taille critique industrielle en termes de capacité litière pour générer une rentabilité pour les compagnies qui constitue un obstacle dans l'accompagnement des flux russes et le développement de la proximité aérienne en plus de la mise en place d'une communication institutionnelle pour installer durablement la destination Maroc sur le marché russe. Sur ce dernier point, la campagne institutionnelle à destination du marché russe devrait être lancée en février 2016 afin de garantir plus de visibilité à la destination Maroc, tandis qu'un vol au départ de Moscou vers Agadir, avec une escale technique à Marrakech, sera prochainement lancé. Maintenant, il reste aux parties prenantes d'accompagner également le développement de ces flux par la maîtrise de la langue russe, puisque les ressortissants russes ne parlent pas forcément anglais. Cette situation a conduit à un début d'apprentissage du russe à Agadir, il y a plus de 5 ans, mais l'initiative était vouée à l'échec. Actuellement, «on prend en charge les frais de la formation en plus de la mise à la disposition des professionnels d'une salle pour l'apprentissage de cette langue», annonce Chafik Mahfoud Filali, président de l'Association de l'industrie hôtelière d'Agadir (AIHA). Par ailleurs, certains professionnels du tourisme à Agadir ont demandé à l'ONMT d'injecter le budget adéquat en faveur du marché russe en dehors de la contribution classique de l'office sous forme d'actions promotionnelles et co-marketing. Cependant, le chiffre dédié à l'intervention sur le marché russe n'est pas encore arrêté, puisque les contrats devront être signés avec les T.O russes dans une dizaine de jours. Salah-Eddine Benhammane Président du Conseil régional du tourisme Souss-Massa-Drâa «En termes de prix, l'Egypte est plus compétitive sur ce marché» Les ECO: Certains professionnels de la destination Agadir ont critiqué le timing de l'intervention de l'ONMT sur le marché russe. Qu'en pensez-vous? Salah-Eddine Benhammane : Nous estimons en toute logique que le déplacement à Moscou, 10 jours après la début de la crise politique entre l'Egypte et la Russie, était une réaction très rapide puisqu'il fallait prendre des rendez-vous, sachant que le Maroc en général et Agadir en particulier ne sont pas des destinations très populaires auprès du marché russe. S'agissant de la réunion de communication au sujet de cette visite à Agadir, seul un professionnel a critiqué le timing pour des raisons purement subjectives. Certains ont également abordé la signature avec la Jordanie et Israël de contrats de vols charters, en tant qu'alternative à l'Egypte -ce qui est vrai- mais ces professionnels n'analysent pas la situation de façon très objective. Ils oublient que ces deux destinations sont à 2h30 de vol de moins qu'Agadir; autrement dit, leurs coûts sont beaucoup moins importants en termes d'aérien. Il y a également la similitude des produits. La Jordanie et Israël sont dans la même veine que Charm el-Cheikh, ce qui n'est pas le cas pour la destination Maroc avec son package, qui est plus cher de 35 à 40%. Critiquer cette action est une chose; il faut démontrer le bien-fondé de ces reproches au moyen de propositions ou d'alternatives, ce qui n'a pas été fait. Quid de la visite des TO? Pour pouvoir réagir rapidement, nous savons tous qu'il y a deux TO qui, pendant l'été, ont assuré des charters vers Agadir. Il s'agit d'Anex Tour et de Coral Travel, qui auront fait office de locomotive. Bien entendu, il a été plus facile de contacter ces TO qui ont l'habitude de «charteriser» sur Agadir et de les convaincre de «reprendre» leurs avions le plus tôt possible avec une fréquence importante. Il était donc évident, en vue de convaincre ces TO, d'impliquer leurs réceptifs sur place. Le premier a accepté, tandis que le second n'était pas disponible, en raison des congés. L'aérien pèse sur le coût du package de la destination. Êtes-vous parvenus à un terrain d'entente, concernant la réduction des tarifs entre professionnels et TO? Nous avons négocié pendant des heures avec ces TO et beaucoup d'autres personnes pour comprendre le fonctionnement du marché russe. Le premier facteur est la proximité, qui est étroitement liée au coût. L'Egypte, qui fait près de 3 millions de touristes russes, est compétitive sur ce marché en raison de son prix. C'est une destination qui est installée depuis plusieurs années sur le marché russe, sans parler de la concordance de facteurs culturels, économiques et sociaux. Par conséquent, le package de l'Egypte est très attractif en vue d'un tourisme de masse. Pour ce qui est du Maroc, il en est encore loin. S'ajoute à cela la structure de l'hébergement qui grève le coût, ce qui rend le package plus cher. En chiffres, quand un TO achète un package égyptien à 350 dollars, il se permet de le vendre sur le marché à 600 dollars avec une marge bénéficiaire importante. Au Maroc, le package sort à environ 750 à 780 dollars, et le TO le met sur le marché à 850 dollars. À cet égard, le royaume n'est pas compétitif puisque la marge pour le TO est d'à peine 10%, tandis que la marge est beaucoup plus confortable pour l'Egypte avec des facilités de commercialisation et de promotion, avec 3 millions de touristes reçus. D'où l'intérêt des TO de vendre l'Egypte et d'autres destinations plutôt que le Maroc. Compte tenu des ces éléments, l'ONMT et le ministère ont fait de ce marché une priorité pour investir davantage sur le long terme et installer la destination Maroc. Des négociations ont été menées avec les TO russes. Que ressort-il des conclusions des discussions menées par l'ONMT et les professionnels? Si on concrétise les accords verbaux à travers des contrats avec les TO rencontrés, nous passerons à environ 70.000 ressortissants à partir de l'année prochaine puisque le business est censé reprendre en mars et avril prochains avec des vols charters. Quelles sont les raisons du retrait prématuré d'Agadir du TO Pegas Touristik? Ce TO a commencé à programmer Agadir pendant l'hiver. Il y a plus de deux années, les décideurs de ce grossiste se sont déplacés au Maroc pour signer le contrat permettant que leurs charters commencent à la mi-octobre, ce qui étaient une première. Historiquement, personne n'a jamais programmé un seul charter, durant l'hiver, de la Russie vers Agadir. Pegas, qui est l'un des grands TO russes, a voulu installer ses charters sur la destination et, partant de son expérience sur les autres destinations, il a voulu remplir ses appareils. Cependant, à cause de la mauvaise étude du marché pour l'hiver, le taux de remplissage n'a pas été à la hauteur. De plus, il faut reconnaître qu'on ne dépensait pas grand-chose, sur le plan de la communication et de la promotion, pour remplir ses charters à l'époque. Quand le TO a arrêté son activité, il n'était pas facile de reprendre facilement. Si demain, ce marché est redynamisé en suscitant l'intérêt des TO et en communiquant comme il se doit au moyen de campagnes institutionnelles, le TO Pegas sollicitera le retour sur le marché en raison de la demande. La capacité commercialisable est nettement insuffisante à Agadir, se situant au dessous de la taille critique industrielle. Où comptez-vous héberger ces touristes, dans le cas où le marché se développe? C'est un autre débat. Je pense qu'il faut d'abord installer la destination Maroc et celle d'Agadir, de sorte qu'elle soient bien connues en Russie. Aujourd'hui, en fonction de notre capacité, on peut réguler en choisissant la clientèle russe moyenne. Une chose est sûre: nous ne disposons pas de capacités et infrastructures pour recevoir autant de Russes que la Turquie et l'Egypte. Qu'en est-il de l'animation? Il faut qu'on s'améliore. Certes, il y a beaucoup de débat et écrits sur cette question, mais je rappelle que l'animation ne consiste pas en la production d'une troupe dans la rue. L'animation consiste à donner vie à une ville qui a une vocation touristique, allusion faite à toute une offre variée. Les professionnels ainsi que la commune et l'autorité locale sont convaincus de la nécessité de développer cet aspect. Une ligne directe de Moscou vers Agadir, avec escale à Marrakech, est prévue prochainement... Actuellement, on n'a pas le choix. La liaison Moscou-Agadir est un vol qui peut être fait, en fonction des conditions climatiques en 5h50 et jusqu'à 6h10. Les appareils dont dispose la compagnie marocaine, qui est une flotte composée de 737, ne peuvent pas, sur le plan technique, faire un tel vol. Un avion 737 ne peut faire un trajet long et direct Agadir-Moscou avec un réservoir plein. Il peut le faire avec une charge réduite, autrement dit, avec un taux de remplissage de 70 à 75%. Cependant, si le remplissage est supérieur à 75%, le coût flambera, surtout si on ajoute le facteur de la distance, avec un taux de remplissage réduit pour opérer un vol direct. De ce fait, la destination sera invendable et, bien entendu, non profitable à la compagnie. Cette ligne ne peut être faite qu'avec des avions plus grands.