La première édition du World Investment Conference North Africa a fini sur un discours d'engagement à la promotion des IDE vers la région, dans un contexte d'incertitudes politiques et économiques. Experts, opérateurs économiques et institutionnels sont convaincus que l'Afrique du Nord est la nouvelle plateforme de croissance de l'économie européenne, mais c'est sans compter avec la crise globale des investissements et les instabilités issues du Printemps arabe. Dans cet imbroglio, le Maroc se veut une économie d'exception. Les IDE ont légèrement progressé à fin 2012 (3%). La première World Investment Conference North Africa (WIC-North Africa) tenue dans la région - du 20 au 22 mars - et co-organisée avec l'Agence marocaine de développement des investissements (AMDI), a fini comme elle a commencé : sur des incertitudes. Si d'un côté, certains investisseurs voient la région nord africaine comme la terre promise à la croissance, d'autres sont encore frileux et perçoivent encore le Printemps arabe comme un bouleversement qui a plongé les économiques de la région dans une instabilité qui justifie difficilement des projets d'investissements viables à long terme. Entre les deux, les organismes internationaux indépendants et agences de notation n'arrivent même pas encoreà accorder leurs perceptions sur la région et entretiennent, eux aussi, des tergiversations, d'un rapport à un autre, sur la situation économique de la région. «Nous ne sommes ni optimistes, ni pessimistes. Nous sommes tout simplement réalistes». Ces propos sont de Lucio Vinhas de Souza, chef économiste au Moody's Investors Service, au panel inaugural de la WIC-North Africa. Ils illustrent bien ces incertitudes, objectivement suscitées par l'interaction - très complexe - de trois facteurs conjoncturels. Il s'agit de la crise économique européenne - donc celle des investissements provenant de cette partie du monde -, couplée aux instabilités de l'après-Printemps arabe - donc une crise de confiance sur les marchés de cette région - le tout contrastant néanmoins avec la multiplication des opportunités à exploiter dans des économies encore loin de la saturation. Selon le rapport 2012 sur les investissements de la Conférence des Nations-Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), les flux d'IDE vers l'ensemble de l'Afrique, d'un montant de 42,7 milliards de dollars en 2011, sont en recul pour la troisième année consécutive. Ce repli est principalement attribué par l'organisme, à «la baisse constatée en Afrique du Nord, où les flux vers l'Egypte et la Libye, qui étaient des bénéficiaires importants de l'IDE, se sont arrêtés en raison de leur situation prolongée d'instabilité politique». Les 300 experts, investisseurs et politiques qui se sont exprimés tout au long de cette manifestation d'envergure la semaine dernière, ont ainsi pris la juste mesure de cette complexité conjoncturelle dans laquelle se trouve la région. Opportunités L'objectif de cette WIC-North Africa, était de souligner toutes les opportunités qui permettraient une relance rapide de la machine des investissements occidentaux vers les pays du Maghreb. La thématique globale de la rencontre parle d'elle-même : «L'attraction de l'Afrique du Nord en termes d'investissements directs étrangers». Selon Jean Bernard Guerrée, le directeur exécutif de la WIC, la promotion de la région en tant que destination clé des investissements et l'identification de nouveaux secteurs porteurs, sont parmi les missions de l'évènement. Sur ce dernier aspect, des plateformes d'échange et de réflexion se sont penchés sur trois secteurs d'activité à fort potentiel pour la région. Il s'agit de la «private equity», de l'agro-business, ainsi que des services et technologies de l'information. Economie d'exception ? En cette période de «vaches maigres», le Maroc tente tant bien que mal de tirer sur lui la couverture de l'économie d'exception. Le choix du royaume, justement, pour abriter cette première délocalisation de la WIC vers l'Afrique, est bien significatif. Il devrait contribuer à davantage renforcer le positionnement de ce pays en tant que porte d'accès aux marchés africains, pour les investissements européens ou ce qu'il en reste à ce jour. Pour Ahmed Fassi Fihri, directeur général de l'AMDI, l'évènement est important pour rehausser d'un cran la «visibilité» du royaume, dans une région qui cherche à redorer son blason aux yeux des investisseurs des pays avancés. C'est donc une occasion parmi d'autres pour revendre l'attractivité du marché local, les nombreuses réformes entreprises dans le but de favoriser les IDE (mise à niveau des marchés financiers, des infrastructures, etc.) : un vrai marketing territorial. Il faut savoir que le royaume fait tout pour aplatir les amalgames avec les autres économies de la région - devenues très instables - qui ternissent son image économique et son attractivité commerciale. Le Maroc veut se tailler une véritable «exception», dont l'objectif ultime serait de maintenir le niveau des flux d'IDE annuels vers le pays, à défaut de les développer. Cette stratégie semble avoir porté ses fruits. À fin 2012, le cumul des investissements et prêts privés étrangers dépasse la barre des 30 milliards de dirhams, après une année 2011 difficile, caractérisée par une chute de 27% des recettes d'IDE en comparaison à 2010. Le Maroc a donc fait cette année légèrement mieux qu'en 2011, avec une progression de 3%, annonçant ainsi une reprise progressive des IDE, après trois années successives de baisse, coïncidant avec celle annoncée, de la croissance économique dans l'Eurozone, principale source d'investissements au Maroc. En répartition sectorielle, selon les statistiques de l'AMDI, «l'immobilier a attiré 32% du total des IDE absorbés par le Maroc en 2011, soit une hausse de 12,8% par rapport à la même période de 2010. L'industrie confirme sa position de 2e destination sectorielle des IDE avec 24% du total IDE, après avoir enregistré une croissance de 29% par rapport aux chiffres de 2010». L'autre retombée directe de cette stratégie, est relative à une éventuelle réorientation d'une vague d'investissements vers le Maroc, face à l'instabilité perdurant dans les économies du voisinage nord africain comme la Tunisie. Le Maroc semble en effet avoir beaucoup profité de ces détournements d'IDE au profit du marché local, une configuration opportuniste de la répartition des IDE dans la région, révélée dans le rapport 2012 de la CNUCED, cité un peu plus haut. Selon les experts de l'organisme international, le royaume a enregistré en 2011 la plus forte hausse de flux d'IDE nets à destination de la région nord africaine. Cette performance est estimée à un taux de progression de 60% en 2011 par la CNUCED. Pétrodollars Si le royaume est une exception dans sa région, c'est également dû en grande partie à l'apport de plus en plus important des pétrodollars. Les autorités publiques marocaines, à divers niveaux, s'évertuent depuis les deux dernières années à se rapprocher davantage de ces investisseurs du Golfe arabique, encore très peu portés à financer des projets d'envergure sur le marché local. Dans le dernier rapport de l'AMDI, si la France parvient tant bien que mal à conserver la première place du top-ten des investisseurs étrangers au Maroc (malgré une baisse de 58% par rapport à 2010), l'Hexagone est dangereusement talonné par les Emirats arabes unis (EAU) et l'Arabie Saoudite, respectivement 2e et 3e plus importants investisseurs au Maroc. Le premier a cumulé 4,5 MMDH en investissements, là où le second a bouclé l'année avec 1,6 MMDH, soit des améliorations respectives de 17% et 6%. La contribution des pays du Golfe aux IDE reçus par le royaume devrait rapidement progresser sur les années à venir. Cela sera le résultat direct de toute la politique de rapprochement stratégique entamée par le royaume avec ces pays, notamment dans le cadre de sa nouvelle coopération du Conseil de Coopération du Golfe (CCG). Cette importance grimpante des économies du Golfe, passe, par ailleurs, pour une tendance mondiale. Selon la CNUCED, «les crises actuelles ont en effet accentué le poids économique des pays émergents, aux dépens des pays en développement, accélérant un mouvement de long terme». Ce nouvel ordre économique mondial a ainsi provoqué une délocalisation des capacités d'investissement, des pays industrialisés vers ceux en émergence économique. Une chose est sûre : le Printemps des investissements n'est pas encore là...