L'Afrique continue de marquer des points dans le développement de ses infrastructures TIC, mais demeure sous-connectée au reste du monde. Seules l'Île Maurice et l'Afrique du Sud figurent dans la première moitié des 144 pays étudiés dans le rapport 2013 du Forum économique mondial sur l'économie numérique. Le Tchad (142e), la Sierra Leone (143e) et le Burundi (144e), à la traîne... Décryptage. Le Forum économique mondial (FEM) est formel. En dépit des efforts relevés dans certaines économies du continent, l'Afrique est globalement encore très peu «connectée» au monde. C'est l'une des principales conclusions tirées du dernier rapport de l'organisme sur les technologies de l'information et l'économie numérique. Le diagnostic de base établi est pourtant assez favorable au continent. «L'Afrique continue de marquer des points dans le développement de ses infrastructures technologiques, à travers notamment, les améliorations notées sur le haut-débit et la forte pénétration du mobile», relève-t-on d'entrée. Le résultat en est que l'usage des TIC, même s'il reste toujours à un degré modéré comparé aux autres régions du monde, s'est légèrement amélioré dans plusieurs pays du continent. Cela transparaît notamment à travers une progression du nombre d'utilisateurs d'Internet sur le continent, combinée aux efforts de certains gouvernements à rendre de plus en plus de services accessibles «on line». «Cependant, malgré toute cette tendance positive, la grande fracture numérique vis-à-vis des économies avancées, notamment en termes d'améliorations socioéconomiques provoquées par les TIC, persiste», selon les experts du FEM. Dans le classement 2012 des 144 pays les plus connectés dans le monde, établi par l'organisme, seuls deux pays africains - l'Île Maurice (55e) et l'Afrique du Sud (70e) - ont ainsi pu se glisser parmi les 74 premières économies numériques de la planète. Ces pays sont donc, respectivement, les deux premiers du continent en termes d'accessibilité aux TIC, suivis, contre toute attente, de l'Egypte (80e mondial). On remarque que malgré la difficile transition politique qui perdure encore dans ce pays d'Afrique du Nord, elle parvient tout de même à se maintenir parmi les meilleures économies numériques du continent, ayant été classé à la 79e place mondiale dans le classement 2012. Secrets de «champions» Il faut noter, cependant, que les évolutions sont relativement marquées d'un pays à l'autre dans ce trio de tête. L'Île Maurice, en l'occurrence, a perdu deux places dans le classement 2013 du FEM par rapport à celui établi en 2012, là où l'Afrique du Sud, a quant à elle gagné le même nombre de places passant de la 72e à la 70e position mondiale. Dans le détail, le géant sud-africain a surtout gagné des points grâce à son «environnement politique et réglementaire», parmi les plus propices au développement d'une économie numérique sur le contient, mais aussi dans le monde. L'Afrique du Sud est ainsi classée à la 21e place dans le classement global, sur cet indicateur. Ce pays a connu des améliorations notables au niveau de ses «infrastructures digitales», de ses degrés d'usage des TIC dans le milieu des affaires et professionnel, ainsi que sur «l'impact économique» généré par cette situation. Stagnations Dans le reste du tableau des économies numériques les plus développées du continent, la configuration est globalement restée inchangée sur les deux dernières années. Le Cap Vert arrive en effet à la 3e position continentale, pour un classement de 81e à l'échelle mondiale, sans évolutions majeures. Le Rwanda et le Maroc viennent compléter le «top5», occupant respectivement les 88e et 89e positions mondiales. Si le premier pays a connu une forte régression, reculant de six places dans le classement 2013, le royaume en gagne deux, grâce notamment aux bons points cumulés dans ses améliorations infrastructurelles (95e mondial), au niveau de «l'accessibilité» globale du secteur (30e mondial) et de la disponibilité de profils pointus et de ressources humaines spécialisées sur le marché local (114e mondial). Quant au Rwanda, au moment où les usages explosent dans plusieurs économies du continent, ils ont fortement perdu en intensité depuis 2012, ce qui a coûté au pays ses six places dans le classement mondial. Ce pays d'Afrique de l'Est reste le mieux connecté dans sa région. «À la différence de la plupart des économies africaines, le Rwanda a des ressources naturelles très limitées. Cela a poussé les autorités du pays à développer une approche de développement différente des pays voisins, une approche dans laquelle le secteur tertiaire, en l'occurrence celui des TIC, occupe une place prépondérante», peut-on lire dans le rapport du FEM. À cela s'ajoute une forte pénétration de la téléphonie mobile, qui pousse les entreprises du pays à innover dans l'accès à distance à certains services. Ces deux pays sont suivis par le Kenya (92e mondial), le Ghana (95e mondial), le Bostwana (96e mondial), le Libéria (97e mondial) et la Gambie, qui finit à la 98e place dans le monde. Mauvais élèves Si la majorité de ces pays peuvent s'enorgueillir de figurer dans les 100 premières économies numériques de la planète, il n'en est certes pas de même pour ceux en bas de tableau. L'Afrique domine cette partie du classement : quatre des cinq derniers pays du monde appartiennent au continent. Il s'agit plus précisément de la Guinée (140e), du Tchad (142e), de la Sierra Leone (143e) et du Burundi (144e). Ces mauvais classements, en dépit d'une prolifération des technologies mobiles ces dernières années dans ces pays, sont principalement justifiés par le sous-développement des infrastructures qui prévaut dans le secteur des TIC. Cette situation entrave les évolutions technologiques de ces pays entraînant une connectivité numérique très limitée par rapport au reste du monde. Croissance et emplois Au delà du classement et des performances individuelles, les TIC prennent de plus en plus de place dans la promotion de la croissance économique et de la création d'emplois, deux défis majeurs et actuels pour les économies africaines. Selon le cabinet Booz & Company, l'un des plus importants cabinets de conseil en stratégie dans le monde et contributeur au rapport du FEM, «la numérisation à savoir l'adoption en masse des services digitaux connectés par les consommateurs, les entreprises et les gouvernements - a émergé sur les dernières années comme un facteur clé d'accélération de croissance et de création d'emplois». Les analyses économétriques du cabinet américain, intégrées au rapport 2013 du FEM sur l'économie numérique, s'emploient d'ailleurs à démontrer cela. «En dépit du climat défavorable de l'économie mondiale, l'économie numérique a réalisé 193 milliards de dollars de chiffre d'affaires dans le monde et a permis la création de 6 millions d'emplois». Le cabinet américain ne donne cependant pas une visibilité claire sur la répartition de ces chiffres par région dans le monde, mais laisse comprendre que de grandes inégalités persistent encore dans les performances entre économies avancées et en développement, en l'occurrence en Afrique. Le rapport de la FEM a également mis en lumière l'importance des politiques publiques dans leur rôle de promotion des investissements et de l'innovation dans le secteur des TIC. «Avec près du tiers de la population mondiale aujourd'hui «connectée», l'impact et le besoin de coordination entre les différentes politiques gouvernementales n'a jamais été aussi stratégique pour le développement des TIC dans le monde», relève-t-on dans le document du WEF. Pour les auteurs du rapport, un nombre de plus en plus important de pays a fini par comprendre l'importance de disposer d'un cadre institutionnel clair et d'une vision stratégique à long terme, pour optimiser les retombées socioéconomique de ce secteur. Sur le continent, le FEM cite deux modèles de stratégie de développement de l'économie numérique. L'Afrique du Sud est l'un des plus aboutis. À l'horizon 2020, par exemple, ce pays ambitionne de porter à 100% son taux de pénétration de «haut-débit». Dans la région nord-africaine, le Maroc entretient aussi de grandes ambitions stratégiques dans le secteur des TIC. Le royaume compte amener à 58.000 le nombre d'emplois dans ce même secteur, contre 32.000 en 2008, soit un PIB sectoriel additionnel de quelque 7 MMDH.