«Les changements rapides qu'a connus l'industrie des TIC, lors de cette dernière décennie, ont entraîné des transformations profondes dans la façon dont notre activité économique s'est organisée. (...) Les sociétés qui reconnaissent les potentiels que ces nouvelles technologies offrent seront mieux préparées à tirer parti de leurs avantages et à en surmonter les risques». Ce commentaire du dernier rapport du Forum économique mondial (WEF) relatif aux évolutions des technologies de l'information dans le monde, The Global Information Technology Report 2012, résume en quelques mots l'enjeu de ce que les spécialistes ont appelé «l'hyperconnection», par rapport la croissance économique des Etats. L'analyse du paysage des TIC auprès de 142 économies révèle «de grandes différences entre les régions» du monde, parfois même d'un même continent. En dépit de la convergence économique mondiale, qui a été observée au cours des dix dernières années, notamment en raison de la forte croissance économique des pays émergents en Asie du Sud, en Amérique latine et en Afrique d'une part et de la stagnation des économies avancées de l'autre, le rapport constate que la «fracture numérique semble suivre un processus différent». Où sont passées les bonnes notes du Maroc ? Première surprise, le Maroc arrive 91e au classement global du rapport, avec un score de 3,6 points sur 7, soit huit places de moins qu'en 2011. Une «surprise» donc, dans la mesure où, depuis quelque temps, le Maroc enchaîne les bons points à l'échelle internationale en matière de développement des nouvelles technologies. Dernier en date, le rapport McKinsey traitant de «l'impact d'Internet sur les économies émergentes». Considérant le Maroc comme «une économie de plus en plus attractive sur le continent africain», le document (www.lesechos.ma) estimait que le royaume était arrivée (à mars 2012) «en tête du peloton des pays d'Afrique du Nord en termes d'usage d'Internet». Avant lui, c'était aux Nations-Unies de consacrer le Maroc dans ses avancées technologiques, notamment en matière de conversion des services gouvernementaux. Le pays gagnait alors 6 places en une année, arrivant ainsi au 120e rang dans le classement global de l'organisation mondiale. L'indice consacrant les réalisations de e-services, avait pour sa part littéralement bondi, nous classant à la 57e place. Ces résultats étaient plus que satisfaisants pour un gouvernement sortant qui était parvenu à faire ancrer son plan stratégique «Maroc Numeric 2013» dans les évaluations mondiales, faisant du coup du Maroc, un exemple régional à suivre. Or, la douche froide du rapport de WEF ne s'arrête pas là, car celui qui occupe la tête du classement, selon McKinsey s'avère, selon le Forum mondial, largement devancé par la Jordanie (47e), la Tunisie (50e), l'Egypte (79e) et le Liban (95e). Qu'est-ce qui explique une telle différence de constats ? Quelques mois avant l'arrivée à terme du plan stratégique national, les efforts du «gouvernement numérique» sont-ils totalement à remettre en question ? Il court, il court... Au lendemain de sa nomination au ministère de l'Industrie, du commerce et des nouvelles technologies, Abdelkader Amara avait clairement reconnu que son prédécesseur, à savoir Ahmed Réda Chami, avait «placé la barre très haut». Et pourtant, malgré cette hauteur, le Maroc semble encore avoir une bonne longueur de retard à rattraper. Le réveil à l'issue du Plan Maroc Numeric 2013 risque d'être du pied gauche, pour une équipe gouvernementale qui hérite d'un projet lancé en 2009, soit près de quatre ans avant son investiture. Et pour cause, même si l'équipe Amara s'y mettait dès aujourd'hui, en doublant, voire triplant les efforts, il serait pratiquement «impossible» de rattraper le retard observé par le Maroc en matière de NTIC, dont il est question dans le rapport du WEF. C'est une mission d'autant plus impossible que ce déclin n'est pas dû à «la détérioration dans un domaine en particulier de ces économies émergentes», explique Bahjat El-Darwiche, partenaire de Booz & Company cabinet, mais dépend au contraire d'«une progression plus rapide des autres pays». À l'heure actuelle, c'est toute l'Afrique du Nord ( la Tunisie mise à part), qui «reste à la traîne» et doit encore faire face à des défis importants pour «profiter pleinement des TIC», ajoute l'expertise. A contrario, les pays du CCG auraient démontré «qu'ils ont adopté les TIC pour stimuler la compétitivité de leur pays». Finalement, peut-être qu'avant de courir, pour tenter de rattraper son retard numérique, le Maroc devrait d'abord (re)définir contre qui il compte mener la course ? 127e - 2,5 pt Impact économique Passable. Le volet économique mesure l'effet des TIC sur la compétitivité, grâce notamment aux innovations technologiques recensées dans le pays. Si l'impact des TIC est assez notable sur les nouveaux produits et services (3,8 points), ainsi que sur les nouveaux modes organisationnels (3,6 points), les compétences des travailleurs en matière de TIC, quant à elles, ne sont pas au plus haut niveau. Classant le Maroc 104e, le taux de connaissance, comme le nomme le WEF, est estimé à une part de 6,8% de la main d'œuvre nationale. Ce point reste donc encore à développer, afin de permettre aux entreprises de maîtriser la mutation numérique qu'est en passe de connaître le pays, ce qui rejoint notamment le volet de la formation en entreprise. 92e - 3,4 pt Impact social Assez bien. Le volet évalue le rapport des TIC à l'amélioration de l'environnement, l'éducation, la consommation d'énergie, ainsi que la santé des citoyens ou même leurs activités civiles. À l'heure actuelle, le WEF estime qu'il n'y a pas de données suffisantes pour établir un topo complet, d'où la concentration du rapport sur quatre critères de base. Il s'agit en l'occurrence de l'impact des technologies sur l'accès aux services de base noté à 4,1 points, de l'utilisation des TIC et de leur efficacité au niveau gouvernemental, estimées à (4 pt), de l'accès à Internet dans les écoles, valorisé à (3,8 pt) et de la e-participation, qui classe le Maroc au 79e rang. Globalement, les notes accordées par le WEF placent donc le Maroc dans la moyenne mondiale. 70e - 3,7 pt Usage gouvernemental Assez bien. On est loin des chiffres apportés par les experts de l'ONU, mais les notes accordés par le WEF au Maroc en matière de politique numérique gouvernementale ne sont pas les pires. La priorité accordée par le gouvernement aux TIC vaut 4,6 points, classant le pays 73e, tandis que la vision gouvernementale en la matière est estimée à 4,2 points, le plaçant au 52e rang. C'est surtout l'indice de services gouvernementaux disponibles en ligne qui fait baisser la note du Maroc. 100e mondialement, le Maroc n'a pas fait l'impasse sur ce volet. Le programme eGov est d'ailleurs une des clés de voûte du fameux plan Maroc Numeric 2013. Un chantier toujours en cours. 92e - 3,3 pt Utilisation professionnelle Assez bien. Le taux d'absorption de la technologie chez les entreprises marocaines est estimé à 4,7 points (sur un plafond de 7), ce qui le situe assez proche du degré d'utilisation des entreprises d'Internet (4,5), mais reste en de-ça du potentiel du marché et de la concurrence à l'international. À ce niveau, le Maroc arrive 74e et 102e. La capacité d'innovation n'est pas en meilleure forme, puisqu'elle affiche une note de 2,6 points, faisant du Maroc le 108e, d'où le faible taux de brevets constaté par le WEF, seulement 0,6 application pour un million d'habitants. Ces chiffres s'expliqueraient en partie par la faible importance accordée à la formation du personnel (3,9 points). 69e - 3,2 pt Usage individuel Peut mieux faire. Avec un taux de pénétration de 49% de la population, le Maroc se classe 49e en matière d'utilisation individuelle d'Internet. On constate que si 34,2% des ménages ont un ordinateur personnel, seulement 25,5% jouissent d'une connexion Internet. L'utilisation des outils numériques d'un point de vue personnel permet d'avoir une idée des potentiels de développement des TIC dans le pays. À ce titre, le rapport note la forte utilisation des réseaux sociaux dans le pays (5,7 points), ce qui classe le Maroc 44e au niveau mondial. La connexion mobile gagne du terrain par rapport au haut débit, le premier notant 2,8 points contre 1,6 pt pour le second. 68e - 3,7 pt Environnement politique et réglementaire Assez bien. Une note, un poil au dessus de la moyenne, en ce qui concerne le cadre politique et juridique. Le renforcement et l'adaptation d'un cadre juridique adapté aux exigences du secteur permettrait de faciliter l'introduction des NTIC et leur développement dans le marché national, notamment au niveau des activités commerciales. À ce niveau, la réglementation générale (protection accordée aux droits de propriété, indépendance de la magistrature et efficacité du processus législatif) et spécifique du secteur (lois relatives aux TIC et au piratage numérique) semble assez bien avancée au Maroc. Il reste toutefois un effort à fournir au niveau des procédures d'exécution des contrats. 66e – 4 pt Environnement économique et innovation Bien. Ce facteur juge de la qualité des conditions-cadres accordées aux entreprises pour stimuler l'introduction d'acteurs économique dans le secteur. Ce volet prend également en compte la présence de conditions favorables à l'innovation, en incluant des variables sur la disponibilité générale de la technologie et des produits innovants, ce dont le Maroc ne semble pas en manque, avec une note de 5,1 pt à ce niveau. La présence d'une d'une main d'œuvre qualifiée et la disponibilité du capital-risque pour le financement de l'innovation des projets liés sont également étudiées. C'est justement là où le bât blesse. Avec une note à ce niveau de 3,3/7 le Maroc a encore des efforts à faire en termes de financement. 94e - 3,2 pt Infrastructure et contenus numériques Peut mieux faire. La disponibilité et la qualité des infrastructures est un facteur encourageant ou pas du développement du secteur. Bons points en ce qui concerne la couverture du réseau mobile estimée à 98,4% de la population et l'accessibilité au contenu digital, notée à 4,6 points. Le Maroc doit néanmoins encore travailler sur trois points, et non des moindres. Il s'agit en l'occurrence de la sécurisation de ses serveurs Internet (102e), du développement de la production électrique, estimé à 664,8kWh/capita (105e) et du renforcement de la qualité de la bande passante (note de 4,8 points) classant ainsi le Maroc au 100e rang mondial. Les chantiers sont donc encore ouverts. 77e - 5,1 pt Abordabilité Bien. Voire même très bien, si l'on considère le classement du Maroc en matière de concurrentalité du marché des télécoms et d'Internet, premier de sa classe sur 142 élèves. Rien que ça ! Ce qui plombera la note générale du pays à ce niveau, c'est par contre la tarification en matière de mobile. Le Maroc arrive en effet 135e. Fort heureusement, les prix de la connexion fixe à haut débit aura permis de maintenir un cap positif en matière de concurrentialité puisque le troisième critère de ce volet nous classe à la 18e position. C'est donc clair, les opérateurs doivent, une fois de plus, revoir à la baisse leurs fiches tarifaires en matière de mobile, d'autant plus que l'heure est à la mobilité. 119e - 3,6 pt Compétences Assez bien. Si la qualité du système éducatif national n'atteint pas la moyenne de quelques dixièmes (3,3 pt), le rapport du WEF relève toutefois la note du Maroc au niveau de la qualité de l'enseignement des mathématiques et des matières scientifiques (4,1pt). De leur côté, le taux brut de scolarité dans le secondaire ainsi que le taux d'alphabétisation sont en légère régression (51,6% chacun) mais le Maroc y a encore des efforts à déployer, puisqu'il est classé respectivement 114e et 127e à ce niveau. Pour WEF, l'indice de compétence permet de jauger «la capacité d'une société à faire un usage efficace des TIC, grâce à l'existence des compétences de base». Point de vue Ahmed Réda Chami, Ex-ministre de l'Industrie, du commerce et des NTIC. On se rappelle de lui comme «le» ministre connecté, voire peut-être le plus connecté de tous ceux qui ont siégé à ce portefeuille gouvernemental. De l'avis de celui qui a signé l'acte de naissance du plan Maroc Numeric 2013, le rapport du WEF n'est pas un critère qui permet de juger les réalisations du plan stratégique national. Preuve en est, là où le rapport note faiblement le capital risque disponible au Maroc, le ministre tweete aux Echos quotidien que «Maroc Numeric Fund est justement ce capital risque» dont les opérateurs nationaux ont besoin pour développer leurs projets TIC. L'ancien ministre souligne, par ailleurs, que «le rapport des Nations Unis était précis» en ce qui concerne l'évolution numérique du Maroc au cours de ces dernières années. C'est d'ailleurs dans ce même rapport que le Maroc a gagné 50 places dans le «Web service», ajoute Chami qui rappelle que les experts de l'ONU, eux, «sont venus au Maroc, ce que le WEF n'a pas fait».