La comité scientifique chargé de rassembler les recommandations et de les formuler dans un Livre blanc a livré son travail 9 mois après les assises du cinéma. Les recommandations traitent différents des aspects qui touchent le secteur. Parmi les dossiers important sur lesquels s'est penché le ministre Mustapha El Khalfi, après sa nomination à la tête du département de la communication, on retrouve l'organisation des assises du cinéma en octobre dernier avec l'aide de Nourreddine Sail, président du Centre cinématographique marocain (CCM). Cela a été l'occasion de dégager de nouvelles résolutions pour mettre à niveau le cinéma marocain. Ce n'est que dimanche dernier que le comité scientifique, chargé de rédiger le livre blanc du cinéma, a finalement présenté le fruit d'un travail de neuf mois sur les 600 recommandations produites lors des assises. Bien que le document en lui-même soit toujours en cours de finalisation, on a pu avoir les grandes lignes des recommandations qui seront prises en compte par les diverses parties prenantes du secteur. En finir avec la rente... Si aujourd'hui le cinéma marocain est en cours de maturation au niveau technique et artistique, il reste tout de même un secteur incapable de survivre seul, étant donné que l'Etat, à travers le CCM, subventionne la plus grande partie des productions cinématographiques nationales. L'enjeu principal alors est d'aider le secteur à acquérir son autonomie. L'astuce proposée par le livre blanc du cinéma est d'engager les sociétés de production sur une moyenne commerciale et artistique qui permettra à moyen terme le décollage de l'industrie. Cela veut dire que les films produits avec la subvention étatique devront, selon le comité scientifique, soit réussir commercialement soit représenter le Maroc dans les festivals mondiaux et gagner des prix. «Le fait que les productions ne sont plus suivies après la subvention a fait que la caisse du CCM a été servi de prétexte à une rente. Certains producteurs se comportaient avec la subvention comme avec une entrée d'argent, sans pour autant qu'un rendement commercial ou technico-artistique ne soit exigé, d'où la nécessité d'une mesure ferme dans ce sens», indique un membre de la commission scientifique, préférant rester dans l'anonymat. Ce point a d'ailleurs été soulevé par le ministre El Khalfi en début de semaine, pendant la séance des questions réponses au Parlement. «Le système de subvention a été remplacé par un décret l'année dernière en raison des entrées qui n'étaient pas suffisantes pour alimenter la caisse. Il faut savoir qu'avant ce décret, la caisse était alimentée à hauteur de 50% par les entrées d'une seule société d'exploitation qui détenait deux complexes. Le décret a imposé des mesures comme l'égalité des chances à travers le droit de plaidoyer, le suivi du comportement des membres des comités, leur indépendance et la justification de leur décisions». Le ministre a aussi déclaré que pendant l'année dernière plus 36 millions de dirhams ont été accordés aux producteurs. Exploitation de mal en pis «Le cœur du problème du cinéma au Maroc, c'est qu'il existe très peu de salles», nous indique Abderahmane Tazi, président de la chambre des producteurs au Maroc, cinéaste et aussi membre du comité scientifique. «Nous avons recommandé qu'un travail soit fait au niveau de la mise en place des salles de cinéma. Il existe un public qui n'a pas accès aux salles, soit parce qu'il n'y en a pas dans la ville où il se trouve, soit parce que le ticket est trop cher, soit parce que la salle est en mauvaise état», explique-t-il. Ainsi, le livre blanc est allé plutôt dans le sens du soutien des salles. En effet, à côté du programme ministériel de la modernisation et numérisation des salles (www.leseco.ma), le document appelle à faire des efforts sur le prix du ticket, le poids fiscal sur les cinémas et l'augmentation du soutien à la modernisation et à la numérisation. Le livre blanc appelle aussi à appliquer «l'exception culturelle» sur la fiscalité des sociétés de production et d'exploitation et à une approche transversale, qui va engager les communes locales dans la création et la maintenance des salles. Les professionnels réclament leurs droits Parmi les membres des comités scientifiques qui ont veillé sur l'élaboration du livre blanc, 4 membres font partie de syndicats professionnels du cinéma, celui des acteurs et celui des techniciens-professionnels du cinéma, ce qui garantit que la voix de ces professionnels d'être entendue. Il faut savoir qu'actuellement, la tendance va plutôt dans le sens d'employer des non-professionnels ou amateurs sur les plateaux de cinéma, pour des raisons budgétaires. Il est également question d'absence de protection sociale. Le livre propose ainsi la restructuration de la vie professionnelle, les compétences exigées, la dénomination des postes et le droit à la formation continue. On peut comprendre donc que le livre blanc appelle ainsi à une réforme, sinon une refonte du code de la production cinématographique, afin qu'il soit en synergie avec d'autres codes. Parmi ces derniers, on peut citer le code de la protection des droits d'auteur de la vidéo et à l'institution de plus de prérogatives à l'institut national de la protection des droits d'auteur. La critique et les médias Les médias n'ont pas été en reste des discussions autour du cinéma. La commission a ainsi appelé a sensibiliser et encourager la presse culturelle à s'intéresser au cinéma national. Cela devrait se faire à travers la multiplication des campagnes de communication à destination des journalistes, mais aussi à travers une subvention spéciale pour les supports de presse écrite et électronique spécialisés dans le 7e art. Idem pour le métier de critique de cinéma. Le document appelle à l'exigence de conférences d'analyses de films durant tous les festivals nationaux et aussi à l'encouragement de création de ciné-clubs. «Il est paradoxal que lorsque nous n'avions pas de production cinématographique, les ciné-clubs étaient très nombreux et maintenant que nous en avons une, ces ciné-clubs ont presque tous disparu», nous indique-t-on auprès du comité. Pour une meilleure synergie Les assises du cinéma ont été marquées par une lettre royale qui a appelé à reconsidérer l'exercice de la production cinématographique dans le pays et à la développer pour en faire une industrie digne de ce nom. Cela suppose une synergie qui sera mise au point avec plusieurs départements et entités pour une réforme complète et intégrale du secteur. Cela commence par la participation des professionnels du 7e art dans les débats nationaux autour de la «la commission des langues et des cultures» et «le Conseil supérieur de la culture», dont la programmation est prévue bientôt. Après la publication du document dans environ un mois, le cinéma marocain aura fait un premier pas très attendu et qui, espérons-le, remettra cette industrie sur les rails.