Laïla Marrakchi Réalisatrice, scénariste Elle s'est faite connaître en réalisant Marock en 2006. Petit film sans prétention, plein d'humanité et qui en dit long sur la société marocaine, celui-ci est devenu grand, presque malgré elle. Aujourd'hui, Laïla Marrakchi sort Rock the Casbah, un film «familial» construit autour d'un patriarche. Les ECO : Vous sortez Rock th Casbah 10 ans après Marock. Prenez-vous toujours votre temps entre deux réalisations ? Laïla Marrakchi : Non, pas du tout! Je suis tombée enceinte après Marock, et les circonstances ont fait que je ne n'ai pas pu reprendre le travail tout de suite. Pendant deux ans, j'ai développé un projet sur un film historique assez important qui ne s'est jamais fait. Cela fait 7 ans maintenant. J'ai travaillé 2 ans sur ce film: entre l'écriture, le travail et le jour où on vous le montre, il se passe beaucoup de temps (Rires). Vous puisez beaucoup dans la société marocaine et dans des situations qui semblent inspirées de votre vie. Comment est née l'idée du film, et d'où puisez-vous l'inspiration ? Elle est née juste après Marock. On a eu un décès dans la famille, et on a dû vivre ensemble pendant 3 jours. Je me suis dit qu'écrire sur l'enterrement et nos traditions pouvait être intéressant. L'évènement était donc le point de départ, et je me suis dit «3 jours, 3 actes». J'ai écrit 2 ou 3 pages et j'ai laissé... Je me suis concentrée sur le projet qui n'a finalement pas vu le jour et je suis revenue à cette histoire. De l'eau avait coulé sous les ponts, il y avait beaucoup de choses à raconter...Et voilà! J'ai mis tout ce que j'avais sur le cœur et dans la tête lors de cet enterrement. Vous prenez des sujets marocains, mais vous vous amusez sur le casting, qui est aussi impressionnant que cosmopolite. Est-ce une volonté de votre part ? Absolument! Le casting était compliqué parce qu'il fallait créer une famille cohérente. Ce n'est pas simple de trouver les actrices qui incarneront les sœurs, celle qui jouera la mère, etc. Le sujet est certes «marocain», mais je voulais l'ouvrir au maximum. Ce n'est pas parce que j'ai choisi de travailler sur un sujet marocain au Maroc que je suis obligée de ne prendre que des acteurs marocains. L'idée était d'avoir un casting panarabe de la Palestine avec Hiam Abbas, d'Egypte avec Omar Sharif en passant par le Liban avec Nadine Labaki. C'est une envie. Le fait qu'il s'agisse d'une fiction et non d'un documentaire me permet aussi de jouer comme je veux. J'ai trouvé mes personnages à travers ces acteurs. A-t-il été facile pour vous de diriger autant de grands acteurs? Quelles difficultés avez-vous rencontrées lors du tournage ? La difficulté résidait dans le fait qu'on n'avait pas beaucoup de jours de tournage -seulement 32- et qu'il fallait diriger tout ce beau monde dans beaucoup de scènes de repas, de figuration, de scènes de groupes, etc. On n'a pas eu beaucoup de temps de préparation avec les actrices, entre les costumes et les agendas respectifs de celles-ci, mais cela s'est très bien passé dans l'ensemble... Après Casablanca qui tient le rôle principal dans Marock, vous choisissez Tanger pour Rock the Casbah. Pour quelles raisons ? Au départ, l'histoire se déroulait à Casablanca, mais je ne trouvais pas de maison. De plus, je me suis dit que j'avais déjà «utilisé» la ville dans Marock. Le régisseur m'a proposé une maison dans les hauteurs de Tanger. Je l'ai trouvée formidable ! Je suis tombée amoureuse de cette maison, sorte de paradis perdu, suspendu entre la terre et le ciel. Tourner à Tanger devenait une évidence, puisque cela permettait d'opérer une sorte de distanciation par rapport à Casablanca, où je suis née et que je connais par cœur. Idem pour les actrices, ce qui accentuait le côté fiction. Je connais bien Tanger pour y avoir tourné mon premier court métrage aussi. C'est une ville nostalgique, mélancolique où il y a plein de fantômes comme celui d'Omar Sharif. J'adore cette ville... Vous avez un rapport particulier avec la musique. On le sent dans la BO des films et dans le mot «rock» qui revient à chaque fois. Pourquoi ? Je suis plus pop que rock déjà! (Rires). «Rock the Casbah», c'était vraiment un hasard. Le titre fait référence au classique des Clash, mais je l'ai gardé puisque c'est quand même une métaphore du film. C'est une chanson protestataire et un hymne à la liberté, ce côté me plaisait... La musique pour moi fait partie intégrante du processus d'écriture. Qu'en est-il de vos projets ? J'aimerais m'attaquer à autre chose, voir d'autres horizons, d'autres pays...on verra ! (Sourire).