La contrefaçon n'épargne aucun secteur au Maroc, exception faite de celui des médicaments./DR L'impact de la contrefaçon sur l'économie marocaine a été mesuré il y a deux ans. Chaque année, les pertes fiscales sont évaluées à un milliard de dirhams. Face au phénomène, la justice marocaine n'a pas toujours les compétences nécessaires pour mener à bien un procès sur la propriété industrielle. 7,3 millions d'articles de contrefaçon saisis par l'Administration des douanes marocaines en 2014 pour un montant évalué à plus de 105MDH. Ces chiffres ont été révélés, jeudi à Casablanca, lors d'un débat organisé par la Chambre de commerce suisse au Maroc. Ils démontrent ainsi l'ampleur de la contrefaçon au Maroc. Ces articles jugés contrefaits n'ont fait l'objet que de 629 demandes de suspension et seulement 266 suspensions ont été décidées par la justice, si l'on en croit Rachid Bhija, chef du service de la coordination des contrôles aux frontières, de l'Administration des douanes et impôts indirects. Bilan : une seule condamnation à la prison ferme à Fès, une première au Maroc. Des juges en manque de technicité C'est dire la lenteur dans le traitement des dossiers qui pouvait durer jusqu'à 15 ans avant l'année 2000 pour obtenir une cessation de la contrefaçon et un remboursement des dommages. À cela s'ajoute un manque de technicité pour juger des affaires liées notamment au brevet d'invention, d'habitude très complexes. «Avant 2000, nous avions des magistrats familiarisés avec la contrefaçon mais pas spécialisés. Ensuite, des juges ont été formés sur la propriété industrielle mais ils manquent de technicité. Il est facile de gagner un procès quand il s'agit de marques, c'est plus difficile quand il s'agit de brevets ou de dessins, des cas qui nécessitent l'intervention d'ingénieurs, de chimistes, etc», explique maître Azzedine Kettani, fondateur de Kettani Law Firm. Les apports de la réforme de la loi 17.97 Adil El Maliki, directeur général de l'Office marocain de la propriété industrielle et commerciale (OMPIC), précise toutefois que depuis la révision de la loi 17.97 en décembre 2014, les juges disposent d'un référentiel qui peut servir pour une première expertise en cas de contrefaçon. «Tous les brevets sont désormais publiés par l'OMPIC avec un rapport de recherche aux standards internationaux», a-t-il soutenu. Autre défis pour la justice marocaine dans la lutte contre la contrefaçon : l'application des peines et des amendes. Ces dernières ne sont pas sévères, aux yeux de maître Kettani. «Les sanctions pénales sont de 5 à 6 mois de prison et des amendes sont plafonnées à 500.000DH. Malgré cela, je n'ai pas encore vu d'amende aussi élevée à l'encontre d'un contrefacteur, pourtant les dossiers solides ne manquent pas», regrette-t-il. Obtenir un remboursement des dommages liés à la contrefaçon relève aussi d'un parcours du combattant, dixit Azzedine Kettani. «C'est toujours difficile de calculer le montant du préjudice, c'est pour cela que l'on se contente de la confiscation de la marchandise contrefaite et de sa destruction», souligne l'avocat. Le difficile calcul des dommages À cela Adil El Maliki ajoute que «le problème du calcul des dommages et intérêts est international» et le directeur général de l'OMPIC de préciser une fois de plus que la réforme de la loi sur la contrefaçon permet de «demander un montant fixé d'office». Autre apport de cette réforme : «Le trafic d'étiquettes est désormais criminalisé au Maroc» et les ayant-droits peuvent désormais obtenir une suspension de la marchandise contrefaite par décision de justice en un délai court.