Cette hausse de 5%, qui accroît la masse salariale de 60 millions de dollars par an, ne compense pas les baisses de salaires atteignant les 65% enregistrées en 1993. À compter de ce mois de juillet 2014, les salaires mensuels de base des personnels civils et militaires du Cameroun sont revalorisés de 5%. Ceci est à la faveur d'un décret du président de la République, signé le lundi 7 juillet dernier. Ainsi, indique le gouvernement, l'agent public, lorsqu'il percevra son salaire à la fin de ce mois de juillet, constatera une revalorisation à hauteur de 5% du salaire de base. «Les 5% correspondent à une augmentation en valeur absolue de la masse salariale sur une année de 30 milliards de FCFA (60 millions de dollars, NDLR)», précise le ministre des Finances, Alamine Ousmane Mey. Celui-ci ajoute : «comme l'application du décret présidentiel prend effet à compter du mois de juillet, il s'agit de répercuter cette mesure sur le semestre restant, ce qui donnera lieu à une augmentation de la masse salariale de 15 milliards de FCFA (30 millions de dollars, NDLR) pour 2014. C'est au moins 2,5 milliards de FCFA (5 millions de dollars, NDLR) d'augmentation de la masse salariale sur la base mensuelle». Cette augmentation de la rémunération des fonctionnaires fait partie des mesures de compensation prises par le gouvernement pour contenir les effets de l'augmentation des prix des hydrocarbures à la pompe dès le 1er juillet 2014, augmentation elle-même consécutive à la réduction de la subvention de l'Etat au carburant, sur recommandation insistante des institutions de Bretton Woods que sont la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI). L'un des effets en question est notamment la revue à la hausse des tarifs du transport urbain par taxi. Une hausse de l'ordre de 20 à 25% qui est effective depuis le mercredi 9 juillet dernier. Une revalorisation des tarifs qui a eu pour mérite de faire échouer la grève générale que les syndicats des transporteurs avaient prévue au courant de la semaine dernière. L'autre effet très redouté de cette augmentation du prix de l'essence est une flambée des prix des produits de grande consommation sur les marchés. D'où les autres mesures compensatoires qui sont une revalorisation du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) et la réduction de 50% de l'impôt libératoire. Idem pour la taxe de stationnement et la taxe à l'essieu. Pour autant, ils sont nombreux, les fonctionnaires qui jugent «insignifiante» cette augmentation de leur rémunération mensuelle. «Cela signifie que si vous avez par exemple un salaire de 100.000 FCFA, vous allez enregistrer une hausse de 5.000 F. Cela ne représente rien car, les frais de taxi et autres dépenses journalières sont bien au-dessus de cela», analyse un fonctionnaire en service à Douala. Du côté du secteur privé, les critiques sont tout aussi virulentes. Les juristes du travail saisissant l'occasion pour appeler une fois de plus les pouvoirs publics à procéder à une relecture du Code du travail applicable depuis 1992 et qui est «largement favorable à l'employeur», soutient l'avocat Jean de Dieu Momo. L'on ne manque pas non plus de dénoncer le silence de l'Etat face à l'ignorance, par la plupart des entreprises, des conventions collectives en vigueur dans leurs secteurs d'activités. Cette augmentation salariale dans la fonction publique camerounaise est la deuxième en l'espace de six ans, après celle de 2008 au lendemain des émeutes dites de la faim. En avril 2008, après des soulèvements populaires pour protester contre la vie chère, une autre décision du chef de l'Etat consacrait une augmentation de 15% des salaires des agents de l'Etat, en plus d'une indemnité de non-logement de l'ordre de 20%; soit, depuis 2008, une augmentation totale de 20% sur le salaire de base des fonctionnaires. Néanmoins, cela ne compense pas les deux baisses successives que le gouvernement avait imposées aux salaires de ses agents en 1993, baisses allant jusqu'à 65%. Billet Démarche démagogique La hausse du prix de l'essence a provoqué une vague de colère. Une réaction normale. Ce qui l'est moins, c'est l'attitude du gouvernement... Au lendemain de l'augmentation, le 1er juillet, du prix des hydrocarbures, le ministre du Commerce, a assuré aux commerçants de Yaoundé et de Douala qu'il n'y aura pas d'augmentation des prix des marchandises. Or, le 9 juillet, c'est le même ministre du Commerce qui publiait un communiqué consacrant l'augmentation des tarifs de taxi . Une augmentation respective de l'ordre de 25% et 20%. Pour un raisonnement par l'absurde, celui-là en est vraiment un. En effet, il est surréaliste d'imaginer qu'un commerçant devra payer plus cher le transport de sa marchandise sans toutefois répercuter ce surcoût sur la marchandise, tout simplement parce qu'un membre du gouvernement le lui a demandé. C'est une lapalissade que de dire que les prix des marchandises sont directement influencés par la fluctuation des prix de l'essence qui entraîne elle-même la fluctuation des tarifs de transport. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le FMI, en prescrivant au Cameroun l'arrêt de la subvention au carburant, suggérait de trouver le moyen de subventionner le transport public afin, d'éviter une hausse généralisée des prix. Les économistes sont unanimes: ce que l'on a appelé «mesures de compensation» ne suffira pas à barrer la voie à une inflation qui arrive décidément à grand pas. Dès lors, l'on comprend l'attitude de ce commerçant qui avait qualifié cette approche du gouvernement de démarche démagogique. Thierry Ekouti, Dir. pub - Le Quotidien de l'Economie (Cameroun)