La propagation et le taux de mortalité élevé du virus Ebola font peur aux exportateurs et marins asiatiques qui envisagent d'arrêter leurs livraisons de riz aux pays touchés par la maladie. Résultat, un risque de pénurie de cette denrée de base en Afrique de l'Ouest pèse sur ces économies. Le Maroc aurait pu profiter de la situation si la filière rizicole avait été au point. Après avoir presque coupé les pays touchés du reste du monde, l'épidémie du virus Ebola risque cette fois de menacer l'Afrique de l'Ouest de crise alimentaire. En effet, face à la psychose engendrée par la propagation rapide de la maladie et son taux de mortalité élevé, l'association des exportateurs de riz thaïlandais est sur le point d'arrêter ses livraisons de riz à la côte ouest-africaine. «Les équipages de navires ont peur d'aller en Afrique en raison de la menace que représente le virus Ebola», rapporte-t-on auprès des exportateurs asiatiques. Bien que les risques de contamination pour les équipages marins soient peu probables, ces derniers ne sont plus disposés à s'aventurer aux larges des pays où le virus est déclaré. Pour les populations locales, il s'agit là d'une très mauvaise nouvelle, sachant que le riz constitue la denrée de base de leur alimentation. D'ailleurs, à Monrovia, la capitale libérienne, on indique que les prix ont déjà augmenté face à une pénurie qui s'annonce. Les cargaisons de riz n'y arriveraient plus aussi fréquemment qu'avant l'apparition de l'épidémie. Importations Cette situation s'explique également par la quasi-dépendance des marchés ouest-africains aux exportations asiatiques. Chaque année, ce sont des millions de tonnes de riz qui sont importées afin de couvrir la faiblesse de la production locale. Malgré la volonté affichée des gouvernements ouest-africains de faire face à cette coûteuse dépendance, les importations n'ont pas vraiment connu de véritable repli. À en croire les chiffres annuels publiés par l'Agence américaine pour le développement (USDA), les importations de riz ont augmenté de 43% au cours de la campagne de commercialisation 2011/12, pour atteindre 4,2 millions de tonnes. La Côte d'Ivoire et le Sénégal, les deux plus gros importateurs de riz examinés ont vu les importations augmenter de 64% et 55% respectivement, tandis que les importations vers le Burkina Faso et le Mali progressaient de 70% et 65% respectivement. 2 milliards de dollars de pertes Ces menaces sur la sécurité alimentaire ne sont qu'une des nombreuses conséquences de la propagation de l'épidémie sur l'ensemble de la région. Pour sa part, la Banque africaine de développement (BAD) a estimé que les économes des pays touchés pourraient être affectées assez lourdement. Le président de l'institution financière continentale, Donald Kaberuka, prévoit des baisses de croissance de 1 et 1,5 points de PIB au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée, trois pays durement touchés, mais aussi en Côte d'Ivoire, pour l'heure non touchée. Pour ce qui est du Nigeria où l'on comptabilise essentiellement des cas chez des citoyens en provenance de l'étranger, la crainte de la maladie a beaucoup affecté nombre d'activités économiques. L'aérien, le tourisme et l'hôtellerie, le commerce, la santé et l'agriculture sont les secteurs les plus touchés. «L'analyse de la contribution de ces secteurs au produit intérieur brut montre que le Nigeria pourrait perdre environ 2 milliards de dollars au cours du premier trimestre de l'épidémie», estime Bismarck Rewane, directeur général de la Financial Derivatives Company. «La probabilité de la prolongation de l'épidémie à un second trimestre est très faible et pourrait porter les pertes à 3,5 milliards de dollars», ajoute-t-il. À ce jour, on comptabilise plus de 2.000 victimes dans l'ensemble des pays touchés par la maladie.