«Charlotte» vient de voir le jour chez Gallimard et représente un des évènements de la rentrée littéraire 2014. David Foenkinos nous présente l'univers d'une artiste écorchée vive, Charlotte Salomon. Il nous prévient qu'elle meurt à tout juste 26 ans alors qu'elle est enceinte, pour ensuite nous détailler une vie tragique et un parcours poignant. Attention, bijou littéraire. C'est sûrement le Parisien le plus à la mode, celui dont on peut lire le nom sur des affiches placardées à la sortie des stations de métros ou dans les artères principales de la ville. Pourtant, David Foenkinos est d'une discrétion et d'une humilité déconcertantes. Il vient de décrocher le Prix Liste Goncourt: le choix polonais, le Prix Renaudot, le Prix Goncourt des lycéens et il fait partie, selon Le Figaro, des cinq plus gros vendeurs de romans en 2011. Pourtant, ce grand amateur de Jazz et professeur de guitare n'avait pas vu cela venir. Il publie son premier roman chez Gallimard en 2002 et il enchaîne depuis avec des histoires qui traitent de sujets graves et lourds, mais avec beaucoup de tendresse et d'humour. Ces mots sont simples mais tellement bien trouvés, ils sont à leur place à chaque fois. Ces philosophies de vie, ses morales sans prétention forcent au sourire et marquent forcément à chaque lecture car elles sont pleines de vérité. David Foenkinos aime les mots, et les mots le lui rendent bien. D'un hommage à John Lennon qu'il adore au «Potentiel érotique de ma femme», en passant par une histoire romantique et pleine de poésie dans «la Délicatesse» qui raconte comment refaire sa vie après la perte de l'être aimé, par la thématique de la dépression dans les «Souvenirs» ou encore par la crise de la quarantaine dans «Je vais mieux», il continue de nous surprendre dans son dernier bijou, «Charlotte». Il fait sa rentrée littéraire avec ce roman, écrit à la manière d'un poème, facile à lire mais surprenant au départ puisque très vite prenant. Trop vite même. Nous sommes happés par la vie de Charlotte Salomon, artiste peintre morte à vingt-six ans alors qu'elle était enceinte. Hantée par la mort et le suicide, qui ponctuent trop souvent l'histoire de sa famille, l'artiste à la fois fragile et forte raconte son talent, ses tabous, son silence, sa vie, ses amours, ses peurs, son exclusion par les nazis, son exil en France, produisant une œuvre résolument autobiographique, témoignant d'un destin qui va se révéler tragique. David Foenkinos la raconte avec tendresse et admiration, plongeant dans sa vie et ses souvenirs sans nous chambouler ou nous déranger, puisque l'on ne perd pas le fil une seconde. Ce treizième roman porte chance à l'auteur. Il ne savait pas comment l'écrire, et a décidé de l'écrire «comme cela». «Pendant des années, j'ai pris des notes. J'ai cité ou évoqué Charlotte dans plusieurs de mes romans. J'ai tenté d'écrire ce livre tant de fois. Après chaque roman publié, j'ai voulu l'écrire. Cependant, je ne savais pas comment faire. Devais-je être présent? Devais-je romancer son histoire? Quelle forme celle-ci devait-elle prendre? Je n'arrivais pas à écrire deux phrases de suite. Alors, je me suis dit qu'il fallait l'écrire «comme ça»». Tel un poème en prose ou une lettre d'amour en phrases courtes que l'on écrirait à un être exceptionnel, David Foenkinos se prête à l'exercice et le réussit admirablement. Comment romancer cette histoire authentique? Trop de mots auraient tué les mots. Il fallait choisir les bons. Il a réussi. Ce boulimique des mots est en constant contact avec l'écriture et il nous le révélait lors de son passage au Maroc en 2013. «J'écris tout le temps. Quand on est vraiment dans un roman, c'est obsédant. Il y a toujours une partie de moi qui écrit, réfléchit, je ne m'arrête jamais. Je suis un vrai boulimique des mots. Je suis souvent seul avec mes carnets et mon ordinateur». Une chance pour les amoureux de la belle littérature. Encore une fois, il évoque un sujet grave, celui des camps de concentration pendant la seconde guerre mondiale à travers la vie d'une artiste. Charlotte a exprimé ses maux par le biais de la peinture, et David Foenkinos a choisi ses mots pour relater un destin tragique. Alors, poème romancé ou roman poétique ? Un chef-d'œuvre, plutôt.