Il faudra faire le marketing de la finance islamique elle-même, des institutions financières et enfin celui des produits et services proposés. La réussite de la finance participative au Maroc est conditionnée par la mise en place d'une stratégie marketing de qualité. C'est ce qu'ont convenu les participants à un workshop sur le «Marketing des marchés financiers sharia compliant», organisé jeudi dernier à Casablanca, par l'Association marocaine pour les professionnels de la finance participative - sharia compliant (AMFP) en partenariat avec l'Association professionnelle des sociétés de Bourse (APSB) et de la Bourse de Casablanca. Notons qu'en marge de ce workshop, une convention de partenariat a été signée entre l'APSB et l'AMFP ayant pour objectif la promotion, la sensibilisation et la diffusion des concepts, principes et différentes techniques de la finance participative (voir page 20). Comprendre les clients La finance participative est une industrie nouvelle qui s'installe au Maroc. «Cette industrie est principalement fondée sur du régulatoire. Elle est autocentrée sur le droit et la finance et beaucoup moins centrée sur le marché, ce qui ne manque pas de créer des problèmes surtout par rapport à la demande», a souligné d'emblée, Laurent Marlière, président et CEO de ISFIN (Islamic Markets Advisors) et Expert international en marketing des marchés et produits islamiques. Le challenge sera donc de pouvoir toucher les clients ciblés, d'où l'importance du marketing comme élément de différenciation, ont affirmé les intervenants tout au long de la rencontre. «Aujourd'hui, il est important de comprendre la finance islamique comme un des chapitres d'un spectre plus grand qui est l'économie islamique appelée communément l'industrie du halal», a insisté, pour sa part, Laurent Marlière. Cette industrie est ainsi composée d'une série de secteurs qui va de l'agroalimentaire à la finance, en passant par la cosmétique, la parapharmaceutique, le tourisme, etc. Pour l'expert «tant dans l'industrie du halal que dans celle de la finance islamique, c'est la maîtrise de la chaîne de production qui va permettre de réellement proposer des produits sharia compliant». De son côté le marketing de ces produits de la finance participative devra s'intéresser à comprendre et anticiper les comportements des clients, en vue de les découper en segments homogènes pour pouvoir les toucher par des produits adaptés. Notons que la finance participative aura besoin d'adapter les techniques du marketing classiques aux spécificités des marchés islamiques. Pour ce faire, des défis doivent être relevés. Finance islamique : quelle utilité ? Selon les experts du workshorp, il faudra, tout d'abord faire le marketing de la finance islamique elle-même car il faudra convaincre le consommateur de l'utilité de cette finance. Il faudra ensuite faire le marketing de l'institution financière et enfin celui des produits et services proposés. S'agissant du premier défi, les experts confient que la popularité de la finance islamique est composée de deux éléments : les valeurs éthiques qui sont portées par celle-ci ainsi que les importantes liquidités qui sont canalisées par les institutions islamiques. Ainsi, il faudra que les consommateurs conçoivent la finance islamique comme porteuse de certaines valeurs. Pour ce qui est du marketing des institutions et des produits, un des grands défis sera le positionnement. «C'est ce qui va distinguer la banque de ses concurrents sur le marché marocain, voire sur le marché africain», a souligné à ce propos Marlière. L'expert recommande, dans ce sens, la réalisation d'une analyse des forces et des faiblesses, tant de l'institution que de ses produits. Cette analyse, réalisée en interne, doit prendre en compte les opportunités et les menaces qui existent sur le marché marocain. «En définissant un avantage «concurrentiel», vous allez formuler des objectifs qui seront qualitatifs ou quantitatifs du type : nous voulons occuper 30% du marché des produits sharia compliant au Maroc ou bien, nous voulons être les premiers à développer les produits Ijara, etc. Pour arriver à ces objectifs vous vous définissez des stratégies», a conseillé l'expert. D'un autre côté «avec la richesse qui existe au niveau du Fiqh au Maroc, la banque participative est capable, de par ses fondements et l'héritage qu'elle porte, de créer de nouveaux business models, de nouveaux produits et océans bleus, à même de générer de la valeur ajoutée pour les clients et des profits pour les institutions financières, qui permettront de faciliter le marketing des produits financiers participatifs», a affirmé, pour sa part, Wail Aaminou, chercheur doctorant en finance islamique. Quelle cible ? À ce stade, une question s'impose : Qui constitue la cible ? La classification basée sur la religiosité a démontré que les clients des banques participatives peuvent varier selon plusieurs spectres (militants, suiveurs, fonctionnels, obligés), ont expliqué les experts, notant que les clients des institutions financières islamiques ne sont forcément pas des musulmans. Et pour cause, la crise financière de 2008 a mis le doigt sur la fragilité des banques conventionnelles, puisque près de 1.000 d'entre elles ont fait faillite à travers le monde. De leur côté, les banques islamiques qui n'ont, elles, que 40 ans d'existence, ont bien résisté. Aucune faillite d'une banque islamique n'a été observée. C'est ainsi qu'à partir de 2008, plusieurs pays, notamment européens se sont tournés vers le modèle islamique pour assurer le financement de leurs projets. Par ailleurs, les clients peuvent être découpés en quatre familles, suivant la sensibilité religieuse, économique, un mix des deux, ou celle éthique. Au Maroc, les deux premiers axes de découpage sont des éléments déterminants pour la segmentation de la clientèle de la finance participative. En réponse à la question: Comment ces clients achètent-ils? Quatre critères de choix ont été mis en avant à savoir, la conformité Charia, le coût des financements et la rentabilité pour les placements, la qualité de service et les relations clients, outre la proximité. Les intervenants, qui ont noté que ces critères varient d'un produit à l'autre et dépendent des montants, ont relevé qu'il y'a un gap très important entre l'intention et l'action. Ces derniers ont insisté également sur le fait que la finance islamique n'a pas vocation à concurrencer la finance conventionnelle. Au contraire, elle a pour vocation de créer un nouveau business model et un nouveau paradigme de par ses fondements et ses produits qui vont produire de la valeur pour les consommateurs et de la rentabilité pour les établissements financiers. En définitif, la réussite du système financier islamique n'est plus à démontrer. Avec seulement 40 ans d'existence, ce dernier compte aujourd'hui près de 60 pays, 800 banques et un volume de près d'1,66 trillion de dollars en 2013 et qui devrait, selon les estimations des professionnels, atteindre les 4,2 trillions de dollars en 2014. De plus ce dernier, de par son modèle, a réussi à atteindre l'objectif assigné à tout système financier : diriger l'épargne vers l'investissement productif.