La tendance baissière du baril de pétrole sur les marchés internationaux se traduit par un gain de quelques points de croissance et d'une amélioration du compte courant du Maroc. Toutefois, les recettes budgétaires risquent d'accuser le coup, et à ce risque s'ajoutent les incertitudes liées à un amenuisement des dons en provenance des pays du Golfe. C'est le revers de la médaille. Le manque à gagner pour le Trésor suite à la baisse actuelle des cours du baril sur les marchés internationaux est estimé à près de 3 MMDH par les services du ministère de l'Economie et des finances. Il s'agit de l'effet induit sur les recettes budgétaires, notamment pour ce qui est de la TVA à l'import. Selon les mêmes estimations, les caisses de l'Etat auraient gagné quelque 7 MMDH au titre des mêmes recettes si la décompensation n'avait pas été mise en œuvre, d'autant plus que les cours de l'or noir chutaient drastiquement, presque au même moment, au niveau international. Comme on le voit, l'embellie actuelle n'est pas sans conséquences sur les recettes budgétaires, même si, a priori, le contexte est plus profitable aux pays importateurs de pétrole. C'est ce qu'a tenu à souligner le ministre de l'Economie et des finances, Mohamed Boussaid, lors d'une récente sortie médiatique. «La baisse du baril est une très bonne nouvelle pour les pays importateurs de pétrole comme le nôtre», a indiqué Boussaid, pour qui le manque à gagner pour le Trésor n'altère en rien l'impact de cette baisse pour le Maroc. Il convient de relever que selon les mêmes estimations du ministère, l'impact de cette tendance se traduira par un gain de 0,2 à 0,3 point pour le rythme de croissance du PIB de l'économie nationale. Il s'agit d'une estimation portant sur les derniers mois, et qui se trouve confirmée par les dernières prévisions du HCP et FMI, qui s'attendent à un bien meilleur cru, de l'ordre de 0,5 à 1% si la tendance se poursuit dans l'année. Autant dire que pour l'heure, en plus de la baisse de la facture énergétique du pays, l'impact induit par cette baisse à l'international sera plus marqué du côté d e la position extérieure du Maroc, principalement au niveau du compte courant. Gain modeste Le gain reste donc relativement modeste pour le Maroc, comme en témoignent les baisses relativement minimes au niveau du prix à la pompe. C'est d'ailleurs un scénario que le FMI avait prévu. Dans sa dernière analyse des perspectives économiques des pays de la région, le FMI avait estimé que «Pour les importateurs de pétrole, le tassement des cours apporte un répit salutaire» dans la dernière actualisation des Perspectives économiques régionales pour l'année 2015, qui ont intégré la poursuite de cette baisse durant quelques mois au moins. Selon les experts du FMI, l'allègement des factures pétrolières se traduit par un relâchement des tensions sur les budgets, du fait de la diminution des coûts du subventionnement des prix énergétiques. En outre, poursuit le document, «la baisse des coûts de l'énergie peut se traduire par une diminution des coûts de production et un relèvement du revenu disponible, à supposer que cette baisse soit répercutée sur les entreprises et les consommateurs». C'est le cas du Maroc, même si le FMI tempère cette embellie par le fait que «dans la plupart des pays importateurs de pétrole, les gains attribuables au repli des cours sont compensés par d'autres facteurs». Ainsi, parmi les effets induits par cette situation, le FMI se réfère aux perspectives de détérioration de la demande de la zone euro et du CCG, ainsi que la chute des cours des matières premières autres que le pétrole que certains de ces pays exportent, qui pourront avoir comme effet «d'éroder les gains exceptionnels liés à l'allègement de la facture pétrolière». L'autre source d'inquiétude pour les recettes budgétaires est le risque d'amenuisement des dons en provenance des pays du Golfe. En 2014, leur montant a été relativement important puisqu'il a atteint 10 MMDH. De ce fait, la situation reste quelques peu mitigée pour le Maroc, surtout si l'on tient compte du repli de l'activité auprès de l'industrie du raffinage, constatée ces derniers mois par les enquêtes nationales de conjoncture. Cependant, ces facteurs n'altèrent en rien les perspectives favorables qu'induit cette baisse pour des pays comme le Maroc et, comme l'a dit le ministre, «il faut qu'on profite de cette aubaine». La classe moyenne peut trinquer Les prix à la pompe des produits pétroliers ne cessent de baisser, ces derniers mois, reflétant ainsi la tendance au niveau mondiale. Il ne s'agit, jusque-là, que de baisse relativement peu sensible de quelques centimes mais au regard des perspectives de l'accalmie sur les marchés mondiaux, cette année, l'économie pour les ménages sera un peu plus importante à court et moyen termes. Selon les estimations établies par le HCP sur l'impact de la baisse des prix énergétiques sur les différents agrégats économiques, cette baisse renforcerait la contribution de la consommation finale de 2 points à la croissance économique et l'investissement de 0,7 point. De même, en raison de la fuite de 1,6 point des gains apportés par la demande intérieure vers les importations, la croissance ne serait que d'un demi-point. Ainsi, selon la même source, l'amélioration de la compétitivité des exportations que devrait générer la baisse des prix du pétrole (effet prix) n'aurait pas été optimale, en raison de l'effet de la décompensation (effet revenu). Coup de pouce aux importations Pour le Haut-commissaire au plan, Ahmed Lahlimi, dans le contexte économique actuel, ce sont les importations marocaines qui vont, le plus, profiter de cette tendance. En clair, la classe moyenne va tirer son épingle du jeu. Selon les prévisions officielles, les importations afficheraient une hausse de 7,7% en volume, au lieu de 4,7% en 2014. En valeur, cette progression serait de l'ordre de 3,9% «sous l'effet de la reprise prévue de l'économie nationale en 2015, conjuguée à une poursuite de la baisse des prix des produits énergétiques et des autres matières premières sur le marché international». Il convient de noter que cette situation est engendrée par la baisse de prix à l'international qui a coïncidé, au Maroc, avec la mise en œuvre du principe de «vérité des prix», lequel a constitué l'épilogue de la décompensation totale des prix pétroliers, depuis le début de l'année. Il s'agit donc d'une embellie quelque peu conjoncturelle qui ne porterait ses fruits qu'à la condition que l'accalmie se prolonge sur les principaux marchés internationaux. C'est justement à ce niveau que réside la principale inquiétude; puisque la situation peut évoluer selon différents scénarios en fonction de l'évolution des différents facteurs à risque pour le marché de l'or noir. En cas de retournement de la tendance, le réveil risquerait d'être assez brutal pour les consommateurs à moins que le gouvernement ne recoure au fameux «hedging» pour atténuer l'impact. Selon le ministre de l'Economie et des finances, le gouvernement était, à trois reprises en 2014, sur le point d'avoir recours à ce mécanisme qui a coûté 500 MUSD en 2013, avant que les prix ne commencent à chuter à partir de juin dernier.