Bruno Collard PDG de Veolia Maroc Les ECO : Quelle est aujourd'hui la situation de Veolia au Maroc? Les communes vous ont-elles notifié leur décision de rachat de vos concessions d'assainissement, de distribution d'électricité et d'eau dans les villes de Rabat, Tanger et Tétouan ? Bruno Collard : Il y a maintenant plusieurs mois que la plupart les communes des wilayas de Rabat-Salé, Tanger et Tétouan ont délibéré sur l'offre d'acquisition par le fonds Actis des sociétés Redal et Amendis. Elles ont rejeté cette offre et se sont prononcées en faveur d'un rachat des contrats directement par les communes. À ce jour, seul le refus de la cession à Actis a été notifié à Redal et Amendis. Cependant, nous restons toujours dans l'attente de la notification officielle concernant le rachat des contrats. Le processus de rachat des contrats que les communes ont pourtant voté n'est donc pas entamé. Cette situation ne pose-t-elle pas de problème à Redal et Amendis ? Vous avez raison : cela met Redal et Amendis, et donc les services essentiels qu'apportent ces sociétés aux populations, dans une situation très difficile, lourde d'incertitudes. Nous nous sommes engagés à rester pleinement mobilisés afin de remplir notre mission de service public, notamment en termes de continuité et de qualité de service, malgré les difficultés financières induites par la trésorerie. La situation de la société Redal, en particulier, est extrêmement critique. Aussi, il convient de rapidement rétablir l'équilibre économique et financier du service afin d'en assurer la pérennité. Nous avons donc mis en œuvre les dispositions prévues par l'article 69 du contrat de gestion déléguée de Redal afin d'en réviser les termes pour en rétablir l'équilibre. Nous avons ainsi saisi les autorités compétentes dans ce sens, et nous sommes dans l'attente de leur retour. Quelles sont les raisons qui expliquent la situation critique de la trésorerie de la Redal ? Il existe un certain nombre de raisons purement contractuelles, mais une des raisons majeures reste directement liée à l'accumulation des créances publiques échues, tant au titre des consommations que des travaux. Le montant de ces impayés s'élève aujourd'hui à 500 MDH, auxquels il convient d'ajouter la consommation illicite, qui correspond à un manque à gagner de près de 125 MDH. Le fait d'enclencher ce processus n'impactera-t-il pas la qualité de votre service ? Au contraire : garantir durablement la qualité du service nécessite que soit rétabli l'équilibre économique et financier de leur exploitation. Nous aurions manqué à nos responsabilités en n'enclenchant pas ce processus. Nous resterons mobilisés en maintenant le même niveau de qualité de service durant cette période d'attente, mais nous ne pouvons pas nous permettre que celle-ci dure plus longtemps. Nous sommes à la disposition des autorités délégantes et de tutelle pour étudier toutes les propositions permettant de trouver une solution viable. L'essentiel est de se mettre autour de la table et de discuter sérieusement des différentes issues. La priorité reste la pérennité du service. Cette procédure est-elle compatible avec le processus de rachat des contrats que les communes ont voté ? Oui, bien sûr. Les communes ont décidé de racheter directement les contrats. Leur intérêt, comme celui des populations, est évidemment que les conditions d'exploitation des services soient équilibrées pour en garantir la qualité et la pérennité. On accuse Veolia de ne pas avoir effectué tous les investissements prévus initialement dans le contrat de concession. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ? Concernant Amendis, les investissements réalisés depuis le début du contrat, dont le montant s'élève à près de 6 MMDH, sont en ligne avec le programme prévu, voire même en avance. Concernant Redal, le montant des investissements réalisés sur la période 2002-2013 est de 4 MMDH. Par rapport aux données du contrat, il existe un retard d'investissement d'un peu plus de 1 MMDH. Ce retard n'est pas pour autant lié à Redal, mais plutôt au fait que les conditions administratives de réalisation des ouvrages n'étaient pas réunies. De plus, Redal a longtemps attendu -et attend toujours- que soit mis à sa disposition le terrain sur lequel doit être implantée la station de prétraitement de Salé. Cette station représente à elle seule plus de la moitié de ce retard. Des voix s'élèvent contre la dernière augmentation des prix d'eau et d'électricité appliquée récemment par Veolia à Rabat, Tanger et Tétouan. Que leur répondez-vous ? Je tiens à rappeler que la nouvelle structure tarifaire a été mise en place à l'échelle nationale par le gouvernement, suite à la conclusion d'un contrat-programme quadriennal (2014-2017) avec l'ONEE, producteur et fournisseur national d'eau et d'électricité. Cette décision sectorielle a été publiée au bulletin officiel le 22 juillet 2014 pour une mise en application le 1er août 2014. Amendis et Redal, à l'instar de tous les distributeurs d'eau, d'électricité et de gestion de l'assainissement liquide dans le royaume, ne font que répercuter ces réaménagements tarifaires auprès de leur clientèle.Les nouvelles grilles tarifaires, validées par les autorités délégantes, épargnent toutefois les clients ayant les plus faibles consommations, pour lesquels les prix demeurent inchangés. Amendis et Redal ont par ailleurs lancé cet été une campagne de communication visant à sensibiliser leurs clients pour éviter le gaspillage et maîtriser ainsi leurs consommations en eau et électricité. Cette campagne s'inscrit dans la continuité des programmes d'Amendis et de Redal, et dont l'objectif est de promouvoir les bons gestes à adopter au quotidien en vue d'une utilisation rationnelle des ressources de plus en plus rares et coûteuses, et ce conformément aux objectifs de développement durable. Cette campagne a été déclinée à travers plusieurs canaux et supports : flyers, affiches, factures, reçus, écrans TV en agence, envoi de SMS, et messages audio. Amendis et Redal illustrent leur volonté constante d'être à l'écoute de leurs clients, qui placent ce sujet au cœur de leurs préoccupations.