Finalement, c'est le ministère de l'Economie et des finances qui a eu le dernier mot concernant les ATD alors que le chef de gouvernement avait fait croire aux dernières Assises de la fiscalité que la procédure devrait être abolie. Une charte qui mijotait depuis un certain temps au sein du ministère est censée lever l'ambigüité sur la manière dont l'Etat recouvre ses créances par voie d'avis à tiers détenteur (ATD). Le document a été signé jeudi dernier au ministère de l'Economie et des finances après son adoption en Conseil de gouvernement. Outre le département de l'Economie et des finances, sept autres organismes y ont apposé leur seing, à savoir le ministère de l'Emploi, la Trésorerie générale du royaume, l'Administration des douanes, la Direction générale des impôts, la CNSS, la CGEM et le groupement professionnel des banques du Maroc. Mohamed Boussaïd, ministre de l'Economie et des finances n'a pas caché son soulagement que le débat provoqué par cette procédure puisse être enfin clôturé. En effet, les prélèvements et autres saisies de comptes bancaires permettant à l'Etat de recouvrer, dans les cas ultimes, ses créances envers le contribuable n'ont pas manqué de défrayer la chronique. Souvent par manque de compréhension ou carrément à causes de certains dysfonctionnements. Aujourd'hui, les choses sont claires et l'objectif est de mettre un terme à l'effet de surprise de cette épée de Damoclès qu'est la saisie sur compte. Désormais, le contribuable est informé via la poste par un avis d'imposition comportant les dates de mise en recouvrement et d'exigibilité. Le contribuable dispose ensuite d'un délai minimum de deux mois pour régler sa dette à l'amiable et ceci à partir de la date de mise en recouvrement et jusqu'à la date d'exigibilité de la créance. Une fois ce délai expiré sans paiement de la dette, le concerné est à nouveau informé par le moyen d'un dernier avis sans frais. Cet avis est envoyé par voie postale dans les 10 jours qui suivent la date d'exigibilité. Après l'écoulement de ce deuxième délai, le comptable chargé du recouvrement par l'Etat notifie un ATD demandant le paiement des sommes dues en l'acquit du contribuable récalcitrant. Boussaïd tient à préciser que pour le salarié, le prélèvement par le biais d'un ATD ne peut dépasser 40% de son salaire mensuel après déduction des allocations familiales. C'est une sorte de coussin d'air que le législateur a mis en place pour que le salarié ne soit pas frappé de plein fouet par une procédure contraignante de paiement de ses dettes envers l'Etat. Autre nouveauté de la charte, précise le ministre, l'ATD est notifié à une seule banque pour le recouvrement des créances. Le recours à la notification à une autre banque n'intervient qu'en cas d'insuffisance des fonds dans la première. Avant cela, l'ATD était envoyé en même temps à toutes les banques, ce qui provoquait souvent un télescopage voire le paiement double de la créance nécessitant une rectification après coup. Soit dit en passant, ce ne sont pas uniquement les banques qui sont concernées par la procédure d'ATD. Tout tiers détenteur d'un actif à même d'honorer une dette envers l'Etat est concerné, y compris les notaires, par exemple. Quid maintenant des garanties dont pourrait bénéficier le contribuable ? Ce dernier qui conteste l'ATD, a la possibilité, est-il indiqué, de demander au comptable chargé du recouvrement un sursis de paiement des sommes contestées, mais il doit aussi présenter les garanties nécessaires en respect des dispositions du Code de recouvrement des créances publiques. La garantie peut prendre plusieurs formes dont la consignation à un compte du Trésor, des effets publics ou autres valeurs mobilières, caution bancaire, warrant, nantissement de fonds de commerce, etc. Ainsi, en cas d'une décision de justice en faveur du contribuable, le comptable sursoit au recouvrement de la créance. Si la procédure ATD a déjà eu lieu, l'administration s'engage à restituer les montants prélevés à tort ou suite à une annulation ou à un dégrèvement dans un délai de 48 heures. D'aucuns diront que c'est très ambitieux, voire relevant d'un vœu pieux connaissant les retards de paiement dont l'Etat a souvent été incriminé. En tout cas, l'application de ces mesures sera confrontée à la réalité dès l'entrée en vigueur de la procédure de l'ATD sous son nouveau visage. Les doutes qui planent toujours L'histoire de la procédure d'avis à tiers détenteur n'a jamais été un long fleuve tranquille. Pointé du doigt comme un recours extrême et forcé de l'Etat pour recouvrir ses créances, l'ATD a connu son vrai boom en 2011 lorsque le phénomène a pris une vraie ampleur. La dématérialisation de l'ATD dès 2010 aidant, le délai de traitement a été réduit à 2 jours au lieu d'une semaine. À l'époque, en l'absence de chiffres avérés, on parlait de plusieurs dizaines de milliers d'ATD envoyés par les comptables publics aux différentes banques. La procédure avait fait son lot de victimes car elle se faisait presque à l'insu des concernés, à savoir les contribuables, personnes physiques ou morales. Elle était aussi pointée du doigt pour son caractère pouvant être abusif, notamment pour ce qui est du secret bancaire. Même aujourd'hui, plusieurs questions restent posées quant aux vraies limites de cette procédure. Quel sera le sort des dépôts à terme ou encore des facilités de caisse en cas de procédure contraignante d'ATD ? En tout cas, la charte signée jeudi dernier au ministère de l'Economie et des finances est censée garantir à la fois le respect des droits de l'Etat comme du contribuable. Selon le ministre de l'Economie et des finances, Mohamed Boussaïd, elle contribuera même au renforcement de la confiance entre l'administration et le contribuable, tout en améliorant le climat des affaires et la compétitivité. Tout cela est bien beau à condition que les comptables publics soient aussi conscients des lignes rouges à ne pas dépasser afin de garantir un minimum de respect du secret bancaire. L'autre interrogation porte sur le rendement de cette procédure et son impact sur les relations entre banques et clientèles. Un travail d'information et de vulgarisation s'avère nécessaire pour éviter les imbroglios et éventuels clashs. Il faut dire que l'institutionnalisation de l'ATD n'est qu'une procédure parmi d'autres que l'Etat met en place pour récupérer l'argent qui lui est dû. Citons, dans le même sillage, l'abandon des intérêts de retard, inclus dans la loi de Finances 2013 qui à permis à l'Etat de recouvrer 5 MMDH. Rapport mensuel au ministre de l'Economie et des finances Pour s'assurer du bon fonctionnement de la machine, Boussaïd a annoncé que son département recevra chaque mois la situation des ATD. En effet, la charte stipule que les administrations chargées du recouvrement sont tenues de transmettre mensuellement au ministre de l'Economie et des finances un état global indiquant le nombre des ATD et les montants correspondants. Par ailleurs, il sera procédé à l'adoption progressive d'une plateforme informatique de la TGR comme instrument unifié d'exécution des opérations liées aux ATD et ceci entre les administrations chargées du recouvrement d'une part et les banques d'autre part. Ce n'est pas fini. Chacune des administrations chargée du recouvrement doit désigner un responsable ou une cellule jouant le rôle d'intermédiaire avec les contribuables. Il s'agit aussi d'assurer le suivi de la mise en œuvre de la charte.