Je ne peux pas ne pas parler, moi aussi, de cette grandiose victoire sur nos adversaires d'hier, d'aujourd'hui, mais pas de toujours, je l'espère, car, franchement, ça commence à bien faire... Bien heureux qui, comme nous les Marocains, ont gagné un match qui était, il faut l'avouer, loin d'être gagné. Bien sûr, on peut toujours, après coup, après 4 coups même, faire les malins devant les caméras et déclarer à tout venant que ce résultat serait la résultante de je ne sais quelle politique clairvoyante et visionnaire ... Politique, mon œil ! Baraka ! Oui, moi l'incroyant qui ne croit que ce qu'il voit, je suis intimement convaincu que si ce n'était pas la baraka qui protège souvent ce pays et lui offre de beaux cadeaux parfois inattendus, on serait tout le temps en train de nous lamenter sur notre sort. En effet, si nous arrivons à chaque fois à nous en sortir, c'est à cette sacrée baraka que nous le devons. Et à propos de sortir, oui, je suis sorti comme tout le monde, je veux dire comme tous les Marocains du monde. Je ne pouvais quand même pas rester seul à la maison comme un... Algérien qui n'a... rien. Dès le coup de sifflet final de l'arbitre (lequel arbitre, entre parenthèses, était parfait, ce qui prouve qu'on peut venir d'Afrique et ne pas céder au fric), ils sont tous sortis : ma femme, mes gosses, et même la bonne, qui n'aime pas le foot et préfère le tennis. (Elle a attrapé ça après avoir accompagné pendant des années mon fils sur les courts comme fan... de ménage. Non, c'est juste une vanne). Donc, disais-je, ils ont déguerpi, tous drapés de drapeaux. Comme il n'y en avait plus pour moi, j'ai cherché comme un fou un truc rouge et j'ai fini par trouver un tee-shirt d'une célèbre marque de téléphonie que je n'ai jamais porté, car je suis chez le concurrent. Mais, au point où j'en étais, ce n'était pas le moment de s'arrêter à ce type de subtilité. Je m'habille en 4e vitesse – appréciez le 4 au passage – et direction, dehors ! En passant, j'ai remarqué que le concierge avait lui aussi mis les voiles. Quant au veilleur de nuit, il a dû céder sa place aux casseurs de caisses nocturnes, pas patriotes pour un sou, ni même pour 4 sous (il y en aura d'autres, des comme ça, je vous préviens). Je ne vais pas vous raconter ce que j'ai vu ce soir-là, parce que je suis sûr que vous l'avez vu en long, en large et en travers. Si je devais résumer, je dirais que c'était, certes, très beau à voir, mais... attention à ce que je vais dire ... heureusement qu'on ne gagne pas tous les jours. Déjà, à Casa, en temps normal, la circulation nous laisse tellement en émoi qu'on gagnerait plus à rester chez soi, là, c'était vraiment n'importe quoi. D'ailleurs, moi, je ne me suis pas fait avoir, car j'ai laissé ma bagnole au garage. Pourtant, c'est un 4 4 vigoureux, quoique un peu vieux (ça, c'est pour le jeu de mots et... pour les envieux). En fait, j'avais retenu la leçon de Mexico 86. Les jeunes de mon époque -qui, soit dit en passant, n'étaient pas moins turbulents que ceux d'aujourd'hui- se rappellent sûrement de ce match mémorable où le Maroc avait battu le Portugal par 3 à 1 (3 + 1 = 4 !). 5 minutes après la fin de la rencontre, j'étais dans ma voiture, entraîné par des centaines d'autres vers une destination inconnue. Quand j'avais fini par la connaître, c'était trop tard : le moteur de ma bagnole avait rendu l'âme. C'était une R 16. Voyez-vous, je ne l'ai pas fait exprès, mais 16 c'est, aussi ... 4 x 4. Je m'en souviendrai de cette nuit-là ! J'étais si grisé par la joie et l'inconscience, que j'ai laissé ma pauvre tire à la merci des clébards et des piliers de bars et je suis rentré à pied à la maison, seul... sans ma femme. On s'était perdus car, comme vous le savez, le portable n'avait pas encore été inventé. Oh, rassurez-vous, je l'avais retrouvée... à la maison. Depuis, elle sort sans moi, mais jamais sans son portable. D'ailleurs, ce samedi, elle n'est rentrée qu'à 4 heures du matin, elle ne m'a pas appelée, mais je ne lui ai rien dit. En vérité, entre nous, entre temps, il y a eu le nouveau code de la famille et... le 20 février. Eh oui, on ne rigole plus avec les femmes ni avec la liberté comme avant. À ce propos, j'ai une question bête et déplacée à vous poser : que serait-il arrivé le lendemain aux jeunes marcheurs chroniques et colériques du dimanche si, à Dieu ne plaise, c'étaient les «autres» qui avaient gagné ? Il y en aurait eu, des coups francs... Au fait, c'est quoi encore cette idée biscornue du «Mouvement du 4 juin» ? Wa baraka ! Vous n'avez toujours pas compris que ne fait pas date qui veut ? Décidément, je crois que même après un 4 à zéro, ce n'est pas encore gagné ! En attendant qu'il y ait plus de victoires et plus d'imagination, je vous dis bon week-end, vivement le changement et vivement vendredi prochain.