Un parterre de personnalités, une salle bien remplie et une soirée au Mégarama de Casablanca importante pour un réalisateur qui venait présenter son premier long métrage. Un long métrage où Othman Naciri ne s'est pas privé de talents, puisqu'il s'est entouré d'un casting bluffant. «Saga, l'histoire des hommes qui ne reviennent jamais» donne l'occasion aux quatre acteurs principaux de montrer l'étendue de leur art en les personnes de Said Bey, Omar Lotfi , Fehd Benchemsi et Mourad Zaoui autour d'une grande actrice : Raouia. Et comme si ce n'était pas assez , les seconds rôles sont également triés sur le volet...Othman Naciri gagne son premier pari haut la main. Le fil conducteur est là, l'histoire ou plutôt les histoires tiennent debout, les images sont un bonheur pour les yeux, les plans et séquences caméras donnent du relief au film et le spectateur parcourt avec bonheur, les années et les paysages marocains, de toute beauté. Dans ce film, il s'avère difficile de s'ennuyer. Quand beaucoup d'histoires marocaines sont vides et manquent de scénario, Saga peut se féliciter d'avoir trop de choses à dire. Un bémol qui pourrait en déranger plus d'un, puisqu'à trop vouloir en dire, on n'en dit pas assez, ou à vouloir toucher à plusieurs sujets, on finit par perdre le fil des choses. Mais non, l'histoire se tient, et tout finit par se rejoindre. L'histoire qui raconte les liens du sang à travers des pères qui s'aimaient comme des frères, mais que l'ambition a séparés et dont l'histoire s'est répercutée sur la génération d'après, avec deux frères que tout sépare, mais qui finiront tout de même par se retrouver. Tout commence par l'histoire d'un père, dans un village du Haut-Atlas qui se sent obligé de quitter son fils pour oublier son passé. L'histoire se poursuit à Tanger où tout est possible , facile et où les personnages principaux Omar et Lahcen campés respectivement par Omar Lotfi et Fehd Benchemsi, sont infirmiers le jour et magiciens-animateurs de soirée la nuit. Une vie légère et aérienne, qui vire au cauchemar lorsque Omar s'implique dans un trafic d'organes. Un dilemme qui séparera les deux amis-frères à jamais mais qui aura des répercussions bien des années plus tard, entre Rabat et Tanger où Ali Merbouh et Saïd tenteront de résoudre les énigmes du passé. Mourad Zaoui est convaincant et beau à l'écran dans son rôle de fils gâté par la vie mais torturé par un père tout de même absent, où il signe une des plus belles prestations de sa carrière alors que Said Bey est magistral dans un rôle écrit pour lui. L'acteur écorché vif donne une dimension émotionnelle au film et s'avère juste à souhait, dans une prestation sans fausse note, à saluer. Quand à Omar Lotfi et Fehd Benchemssi, ils forment un duo des plus convaincants : ils sont crédibles en meilleurs ennemis. Si le premier est poignant dans sa démarche criminelle mais assumée, qui le rend presque fou malgré lui, l'autre est touchant dans la défense de ses principes et de son côté intègre malgré un lourd passé. Un passé qui ne s'oublie pas et qui rattrape forcément, des indices intelligents de la part du réalisateur qui marque des similitudes entre les personnages même à travers les époques : des ralentis, des plans-séquences de toute beauté, des silences qui disent tout, des flashbacks maîtrisés. Du côté féminin, Jalila Talemsi est de toute beauté et porte le poids d'un village de Ait M'hammed où les hommes ne reviennent jamais, avec beaucoup de justesse et d'humilité. Ce village de femmes courage s'avère trop dur pour la gent masculine qui déserte pour des jours meilleurs et plus aisés. Elle a su camper le rôle de Zohra et a su l'élever au rang de son prédécesseur, des années plus tard, qui n'est autre que la grande Raouia. Que dire sinon se répéter puisque l'actrice est toujours dans le vrai , elle donne tout à crever encore une fois l' écran. Les seconds rôles comme Fatima Zahra Laouitar d'une fraîcheur troublante qui n'a pas besoin d'en faire beaucoup pour bien faire, et de Rachid Ali El Adouani en bras droit de Said qui donne du poids au rôle de son confrère, sont tout deux issus des planches de théâtre et de la célèbre compagnie : Dabatheatre. Une sensibilité féminine qui touche cette virilité et qui marque à jamais ces hommes qui ne sont jamais censés revenir. Des images sublimées par une vraie bande son imaginée pour le film comme les deux morceaux originaux «Akal» , un slam en amazigh de Lyna Benzakour et «Ir par no volver» par la chanteuse argentine : Micaela Vita. Une saga d'histoires, de parcours, d'images, de thèmes comme le trafic d'organes et de clandestins, de viol, de mensonges, de non dits, d'infidélité et d'acteurs qui laissent forcément des traces. Des traces à suivre à partir du 19 février, date de sortie du film dans les salles marocaines... Said Bey, Acteur Les ECO : Quelles sont vos premières impressions après avoir visionné le film pour la première fois depuis le tournage ? Said Bey : Je suis encore dans l'émotion du film. C'est très difficile de juger et d'être objectif à la sortie d'un film que tu vois pour la première fois, alors que tu as joué dedans des mois auparavant. Je suis toujours dans les scènes que j'ai tournées, en fait... (rires). Une chose est sûre c'est que Othman Naciri a assuré son premier long métrage. Pour ma part, j'attends avec impatience le retour du public le 19 février prochain, mais en tout cas, j'ai été impressionné par la bande son du film, par la performance des acteurs, que ce soit les premiers rôles ou les seconds rôles très forts et ils donnent la force aux rôles principaux. Êtes-vous satisfait de votre performance et du résultat ? Je pense que je suis encore perdu, c'est toujours difficile pour moi d'avoir un recul par rapport à une scène que j'ai tournée il y a longtemps et que je revois maintenant. C'est très différent du théâtre où le résultat est immédiat et où les émotions sont en direct. Said est un personnage très fort. Comment avez-vous préparé le personnage ? Déjà le réalisateur a écrit pour moi et c'est très rare. C'est surtout une grande chance. Il a gardé le même prénom et j'ai suivi l'écriture depuis le début, donc forcément cela aide à être dedans dès le départ. Cette histoire, je l'ai mangée et digérée presque, j'ai suivi les changements, on en a beaucoup discuté avec Othman. J'ai vu le personnage naître, évoluer, grandir, j'ai participé à sa construction, jusqu'à ce qu'il fasse partie intégrante de moi...