La taxe aérienne censée donner plus de visibilité à la destination Maroc, ne risque-t-elle pas de produire l'effet inverse ? La question s'impose plus que jamais, au vu de son rejet unanime de la part d'acteurs incontournables du secteur touristique : les compagnies aériennes. Dernier acte en date, la décision prise la semaine dernière par Easyjet de supprimer ses dessertes sur Fès et Tanger à partir de mai prochain. Sans détour, et contrairement à Ryanair qui préfère encore maintenir le flou, Easyjet justifie sa décision par «l'introduction de la taxe pour soutenir le tourisme [qui] frappe certainement plus négativement notre programme de vol pour la destination». Pis, la compagnie low-cost se permet même d'analyser les conséquences de cette nouvelle imposition retenue dans la loi de finances 2014 : «EasyJet déplore l'introduction de cette taxe, ce qui endommagerait le secteur économique du pays et nuirait à la croissance économique. Avec des taxes en hausse, les destinations marocaines seront moins attrayantes en comparaison à d'autres villes européennes» ! De son côté, le top management de Royal Air Maroc continue de rouspéter avec impuissance, contre cette décision. Driss Benhima, PDG de la compagnie, ne manque pas une seule occasion de faire part de son opposition. Non sans ironie, le «chef pilote» de RAM dit s'attendre à des «conséquences impressionnantes» avec l'introduction de la taxe aérienne. Fonds de développement aérien Quoi qu'il en soit, les compagnies aériennes essaient de se rattraper, après être restées très attentistes lors des débats sur les nouvelles dispositions de la loi de finances 2014. C'est aussi une manière de mettre la pression sur le gouvernement dans l'optique d'obtenir des compensations. À ce propos, il faut se rappeler que le directeur de l'Office national marocain du tourisme (ONMT), Abderrafie Zouiten, non moins ex-DG exécutif de RAM, et l'un des principaux artisans de l'instauration de la «taxe Haddad», avait indiqué, au lendemain de la validation de cette mesure, qu'un «Fonds de développement aérien» devrait voir le jour. Ce fonds permettrait ainsi d'avoir la paix des aviateurs, notamment des low-cost. «Il a pour objectif certes d'augmenter les dessertes aériennes, mais il n'est pas forcément destiné à financer les compagnies», tempère Zouiten. En tout état de cause, un compromis entre les différents acteurs s'avère plus que jamais nécessaire pour réaliser les objectifs ambitieux de la nouvelle saison. La CNT défend son territoire Pour le ministère du Tourisme, où l'on parle de «décision souveraine», il n'est pas question de faire marche arrière. Les centaines de millions de dirhams attendus via cette taxe aérienne doivent, en partie, aider à équilibrer les comptes de ce département qui a connu une coupe de 17,3% de son enveloppe budgétaire en 2014 et une baisse de 26,15% des dépenses d'investissement dans le secteur. D‘autre part, la Confédération nationale du tourisme n'entend pas revenir sur ses acquis. Pour la CNT, la taxe aérienne, c'est du pain bénit, car son objectif est de corriger un handicap majeur de la destination Maroc : l'insuffisance de la promotion et le manque de visibilité. Le Maroc, exception en Méditerranée du Sud 2014 est une année charnière pour le secteur touristique. Elle devrait confirmer les bons résultats réalisés en 2013, jugés pourtant «insuffisants» par les professionnels nationaux. Ces derniers expliquent ce manque de satisfaction par leurs recettes qui ne se sont pas inscrites en hausse, malgré l'augmentation du nombre des arrivées. Autre motif de frustration chez les membres de la Confédération nationale du tourisme, le royaume n'aurait pas suffisamment profité du recul accusé par ses marchés voisins et concurrents de la rive sud de la Méditerranée. Les troubles post-Printemps arabe en cours en Egypte, ainsi qu'en Tunisie ont offert à la destination Maroc une occasion en or d'attirer un flux plus important de visiteurs étrangers. Selon les estimations de la Mediterranean Travel Association (MTA), les pays de la rive sud méditerranéenne, qui affichaient une progression de 11,23% en 2012, n'ont pratiquement pas du tout progressé l'année dernière. Le Maroc est l'un des très rares pays à tirer son épingle du jeu... mais pas suffisamment. Ces compagnies [Ryanair et EasyJet, ndlr] sont connues par leur pouvoir de pression et leur lobby. Mais je pense que dans le cadre des concertations, les choses peuvent être remises en ordre. Mohamed Boussaïd, Ministre de l'Economie et des finances. Il y a d'autres compagnies qui veulent venir travailler au Maroc. Je tiens à souligner que de nombreux pays ont introduit des taxes aériennes et ont obtenu d'excellents résultats. Lahcen Haddad, Ministre du Tourisme. Une grande partie de ces ressources sera dédiée au Fonds de développement aérien. L'objectif visé est l'accroissement des dessertes aériennes au départ de nouveaux marchés. Abderrafie Zouiten, DG de l'ONMT. C'est une taxe qui va nous obliger à verser des centaines de millions de dirhams à l'Etat. Les conséquences de l'introduction de cette taxe vont impressionner. Tout le monde sera affecté. Driss Benhima, PDG de RAM.