Le Premier ministre algérien a ouvert une large brèche dans la très fragile réconciliation maroco-algérienne. En effet, Ahmed Ouyahia a déclaré lors d'une conférence de presse lundi dernier que «ces derniers temps, on observe des déclarations de l'agence officielle marocaine et une agitation du lobby officiel marocain aux Etats-Unis dans le but d'impliquer l'Algérie dans l'envoi de mercenaires et d'armes en Libye», y trouvant ainsi une raison suffisante pour enterrer les velléités de réouverture des frontières entre les deux pays limitrophes. «L'ouverture des frontières avec le Maroc n'est pas à l'ordre du jour», vu qu'elle exige «un climat empreint de bonne foi et de confiance mutuelle entre voisins», a-t-il argué. La réaction marocaine ne s'est pas faite attendre, et cette sortie médiatique du chef du gouvernement algérien est jugée pour le moins surprenante. Aussi, un communiqué du ministère des Affaires étrangères marocain, publié hier mercredi, exprime le regret des officiels marocains quant au recours, par les autorités algériennes à des arguments ou à des préalables injustifiés pour maintenir le statu quo, faire reculer l'échéance de la réouverture des frontières entre les deux pays et perpétuer une situation singulière et exceptionnelle dans le monde et qui constitue une entrave sérieuse au droit à la libre circulation des populations des deux pays. «Le Maroc, loin de toute considération conjoncturelle ou alibi artificiel, demeure engagé, avec force et sincérité, sur la voie d'une véritable normalisation des relations bilatérales, au bénéfice des deux peuples frères, porteurs et acteurs d'une relation bilatérale forte et dense», peut-on lire dans le communiqué émanant du département de Taïeb Fassi Fihri, qui balaie d'un revers de la main les accusations algériennes en arguant que «même si de nombreux membres de l'opposition libyenne et des médias internationaux ont largement évoqué la responsabilité algérienne, les officiels marocains se sont abstenus d'aborder ou d'exploiter ce sujet, de quelque manière que ce soit». La déclaration du haut responsable algérien est en fait surprenante, à la fois sur le fond et sur le timing. En effet, les relations bilatérales ont connu une évolution prometteuse au cours des derniers mois, à la faveur des échanges de visites ministérielles fructueuses dans plusieurs domaines de coopération. Des informations sur une probable ouverture des frontières entre les deux pays étaient d'ailleurs, ces dernières semaines, relayées avec insistance par les médias, aussi bien marocains qu'algériens. Concernant les accusations portées à l'encontre de l'agence officielle marocaine (MAP), celle-ci se défend en arguant qu'elle «s'est contentée de rapporter les différentes déclarations, positions et analyses relatives à cette question. À l'instar d'autres agences de presse, chaînes de télévision et sites Internet, la MAP s'est limitée à reprendre des éléments d'information ou des déclarations, en prenant soin, déontologie oblige, de se référer à leurs sources, qu'elles soient politiques, journalistiques et académiques, européennes, africaines ou encore américaines». Toujours est-il qu'après une période de dégel relatif dans les relations diplomatiques des deux pays voisins, la perspective d'une réouverture des frontières, est ajournée. La région du Maghreb continuera à subir l'impact économique et social de cette fermeture inopportune de l'avis de tous les observateurs avisés.