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Objectif Parlement !
Publié dans Les ECO le 16 - 06 - 2013

La récente visite du premier ministre turc au Maroc a permis de révéler au grand jour le malaise régnant entre les organisations patronales au Maroc. Contrairement à ce qui a été largement relayé par les médias, l'attitude de la CGEM n'était pas relative à une quelconque volonté de boycotter le gouvernement. Il s'agissait davantage, pour l'organisation de Meriem Bensalah Bencheqroun, de se démarquer d'une activité organisée par un concurrent, Amal Entreprises. Ce dernier a orchestré le volet économique au menu de la visite de la délégation turque. À tort ou à raison, Amal Entreprises est, en effet, perçue comme une nouvelle organisation patronale proche du PJD. Son président, Taieb Aisse, a tenu cependant à démentir toute affiliation politique, et les cadres du parti de la lampe ont fait de même. Néanmoins, l'ampleur que ne cesse de prendre cette organisation depuis l'arrivée du PJD à la tête du gouvernement légitime à juste titre les velléités attribuées à Benkirane et à son parti de disposer d'un relai au niveau du patronat. Cela tient, en premier lieu, aux relations en permanence conflictuelles entre la CGEM et le gouvernement. En dépit des efforts consentis de part et d'autre pour faire bonne figure, c'est un secret de polichinelle: tout n'est jamais rose entre les deux parties. Il faut rappeler que, dès sa prise de fonction à la tête de l'exécutif, le PJD n'a pas occulté sa volonté de s'ouvrir aux opérateurs économiques. Cela a d'ailleurs été convenu au terme des grandes orientations stratégiques validées par le parti lors de son dernier congrès, tenu en juillet 2012 à Rabat. Cependant, de là à pointer du doigt l'éventuelle accointance entre le PJD et Amal Entreprises, il y a un grand fossé que certains observateurs n'ont pas hésité pas à franchir. Dans les faits, les enjeux plus complexes que cela. «En réalité, depuis l'adoption de la dernière constitution en 2011 assurant une représentation des organisations professionnelles, les structures de ce genre ont foisonné», relève le président d'une importante commission au sein de la CGEM, pour qui il faudrait chercher de ce côté-là les véritables raisons de cette guerre de positionnement. Ceci est en partie vrai, puisqu'on a assisté ces derniers temps à la montée en puissance de plusieurs associations voulant avant tout se démarquer de la CGEM. «La CGEM a des raisons de s'inquiéter et de se préparer puisqu'elle estime être la seule structure en droit de se s'attribuer la paternité de la représentativité des organisations patronales», ajoute notre interlocuteur. «Il faut s'appuyer sur le travail effectué par la CGEM depuis des années et sa participation au sein de plusieurs commissions nationales, comme celle qui s'est chargée de l'élaboration de la Constitution, du projet de régionalisation et sa présence au sein de plusieurs autres institutions», soutient-on au niveau du patronat. Vue sous cet angle, la CGEM constitue la seule organisation habilitée à élire ou à désigner ses représentants à la seconde Chambre du parlement. Qu'est-ce qui justifie alors les prémices de cette guerre de positionnement à la veille du renouvellement de la seconde Chambre, et qui fait émerger des inquiétudes et des ambitions de part et d'autre?
Le dessous des cartes
La pluralité des organisations patronales au Maroc ne date pas d'hier. L'Union générale des entreprises et professions (UGEP), organisation patronale proche de l'Istiqlal, a vu le jour en 1957. Amal Entreprises a été créée en 2004. Les relations entre les différentes organisations ont été jusque-là empreintes de cordialité, chacun jouant sa partition selon son poids sur le territoire national, notamment en termes d'adhérents et surtout de sa capacité à mener des actions de lobbying. Sur ce terrain, force est de reconnaître que la CGEM n'a pas d'égal. Pourquoi cette dernière adopte-t-elle donc aujourd'hui une toute autre position? La réponse est toute simple, et tient à la montée en puissance de certaines organisations dont les ambitions sont à peine voilées : rivaliser avec la CGEM, considérée comme une structure pour les grandes entreprises. C'est en tout cas ce qu'avancent les associations qui ont dernièrement vu le jour au Maroc. À la Confédération marocaine des TPE-PME, le président Abdellah El Fergui ne manque pas de marteler avec insistance que la «La CGEM ne nous représente pas». Cette dernière rejette la chose, mettant en avant le fait que «la CGEM représente toutes les entreprises marocaines». Said Hammouni, président de la Commission PME à la CGEM s'appuie pour cela sur le fait qu'il n'y ait aucune clause dans les statuts de l'organisation excluant une catégorie d'entreprise, et tient à préciser que «nous ne faisons pas de différence entre les différentes catégories d'entreprises dans la défense des intérêts de l'entreprise marocaine» au sein de l'organisation patronale.
Récupération politique
Dans le sillage de cette guerre de positionnement entre les différentes structures patronales, on ne saurait donc occulter le fait qu'un des principaux objectifs est la représentation au Parlement. À ce sujet, huit sièges au minimum sont en jeu selon les détails non explicites de la Constitution. Dans son article 63, celle-ci a réservé deux cinquièmes des membres de la chambre des conseillers aux chambres et organisations professionnelles des employeurs les plus représentatives et des représentants des salariés. Pour ces derniers, l'attribution de leurs sièges pose moins de difficulté puisque les confédérations syndicales sont déjà représentées au sein de la seconde Chambre. Le problème se posera donc pour les nouveaux venus. La Constitution n'étant pas assez explicite à ce sujet, il va sans dire que c'est à la loi organique de la Chambre des conseillers de détailler les mécanismes et procédure permettant d'assurer cette représentativité. À l'instar de la représentation des centrales syndicales, cela donnera lieu à des tiraillements politiques, ce qui justifie amplement le branle-bas de combat d'aujourd'hui, en attendant, certainement, l'entrée en jeu des partis politiques. Après les centrales syndicales, peut-être est-ce au tour des organisations patronales de «racoler» les partis politiques. L'enjeu est, en tout cas, de taille.
Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM)
La plus importante organisation patronale du Maroc a vu le jour en 1947 et compte, aujourd'hui, près de 3.000 membres directs et 33.000 membres indirects répartis au sein des 31 fédérations représentées en son sein. Disposant d'une représentation régionale sur presque toute l'étendue du territoire national, la CGEM que dirige aujourd'hui, Miriem Bensalah-Chaqroun, est souvent amenée à jouer un véritable rôle de contre-pouvoir, ce qui lui a valu de faire preuve de plus d'indépendance. Ces derniers temps, les critiques ont fusé contre la CGEM notamment du fait qu'elle ne défend que les intérêts des «grandes entreprises». En guise de réponse , la confédération met en avant les activités menées pour défendre les intérêts des PME ou des TPE.
L'Union générale des entreprises et professions (UGEP)
À l'UGEP, l'une des plus anciennes organisations patronales du Maroc, on ne fait point mystère de ses accointances politiques. L'UGEP, créée en 1957, est proche du Parti de l'Istiqlal. Actuellement dirigée par Moncef Kettani, elle compte en son sein près de 200 syndicats ou associations provinciales, régionales ou nationales, ce qui représente à peu près quelques 40.000 membres indirects.
Amal Entreprises
Cette structure, qui a vu le jour en 2004, n'a réellement commencé à prendre de l'ampleur qu'en 2012, dans le sillage de l'arrivée du nouveau gouvernement. C'est l'une des principales raisons pour laquelle on la considère comme une sorte de relais du PJD. Avec à ce jour, 500 adhérents, Amal Entreprises que dirige Taïeb Aisse, a dévoilé ses ambitions depuis la création de son antenne casablancaise il y a un an. Depuis, elle n'a cessé de s'atteler à la création de branches régionales, ce qui constitue un puissant atout en cas d'élection.
La Confédération Marocaine de TPE-PME
L'une des dernières nées des associations patronales au Maroc n'est pas la seule qui se réclame du secteur des TPE ou PME. Elles sont légion, les associations qui ont vu le jour depuis quelques années et qui visent à fédérer les chefs de petites et moyennes entreprises. La Confédération marocaine des TPE-PME qui a vu le jour le 30 Avril 2011, constitue l'une des structures les plus en vue notamment grâce à l'action de ses dirigeants qui n'hésitent pas à attaquer de front la toute puissante CGEM. Avec comme président, Abdellah Elfergui, elle dispose de plusieurs bureaux régionaux, notamment dans le Nord, le Centre, l'Est et le Sud. Cela lui permettra certes d'étendre son réseau mais aussi de connaître le nombre de ses adhérents et donc son véritable poids.
Benkirane a-t-il choisi son camp ?
«La CGEM constitue le partenaire principal et officiel du gouvernement», a déclaré le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi, au sortir de l'avant-dernier Conseil de gouvernement. La déclaration qui intervenait quelques jour après l'épisode dit «du boycott de la CGEM» est on ne peut plus clair. Pour le gouvernement, la CGEM constitue le principal représentant de la communauté des patrons au Maroc. À moins qu'il ne s'agisse d'une manière de calmer le jeu, cela a le mérite de rassurer le patronat. Cependant, dans les faits, cela va être difficile à mettre en œuvre, notamment dans le cadre de la désignation des représentants des chambres et organisations professionnelles des employeurs les plus représentatives au niveau du Parlement, tels qu'instituées par la Constitution. Les discussions s'annoncent, à ce niveau, assez enflammées pour le choix du mode de désignation et de la procédure à suivre. Cela amplifie davantage la guerre de positionnement entre les différentes organisations patronales.


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