Les Echos : Vous attaquez la SNEP pour avoir voulu profiter d'une position privilégiée en demandant au ministère du Commerce et de l'industrie de mettre en place une clause de sauvegarde. Quel en sera concrètement l'impact sur la corporation des plasturgistes ? Mamoun Marrakchi : Nous n'avons jamais parlé de position privilégiée. Nous avons toujours tenu un seul discours : pour le développement industriel du pays, il est nécessaire que les matières premières, essentiellement le PVC, subissent des droits de douane qui nous permettent de faire face à une concurrence exercée sur le marché marocain de la part de pays au profit desquels le Maroc pratique des droits de douane nuls. Il est impossible de fabriquer des produits au Maroc alors que les matières premières subissent des droits de douane à 10 %, alors que les produits finis sont exonérés. Nous disons que le maintien de la situation actuelle qui garantit des droits de douane à 10 %, abstraction faite d'une éventuelle application d'une clause de sauvegarde qui imposerait une augmentation des droits de douane, ne permet pas le développement industriel dans la filière du PCV. Les patrons de la SNEP disent qu'ils sont en droit de demander une clause de sauvegarde... C'est un droit de tout un chacun de se défendre et de défendre sa position. Nous défendons la nôtre, celle des professionnels de la plasturgie qui sont transformateurs de matière plastique. La SNEP, de manière tout à fait cohérente, défend les siens. Comment réagissent les pouvoirs publics à votre demande ? Ils nous écoutent. Ils doivent certainement écouter la SNEP aussi. À eux de prendre une décision et d'arbitrer dans le dossier. Nous ne savons pas s'ils sont favorables à notre demande ou pas. En tout cas, ils ne nous ont informés de rien jusqu'à présent. La SNEP ayant déposé sa requête en août dernier, vous avez accusé du retard avant de réagir. Pourquoi ? Nous avions un mois pour répondre. Cela correspondait aux vacances et à l'approche du ramadan. Il était donc impossible de répondre dans les délais qui nous étaient impartis. Nous avons demandé une première puis une deuxième prorogation pour construire notre dossier de réplique. Cela nous a été accordé, ce qui explique la date à laquelle nous avons constitué notre dossier de réplique. Vous ne semblez tout de même pas pressés de corriger la situation. Il y a un démantèlement planifié par la réforme tarifaire qui concerne le chapitre 39 et la réforme tarifaire de la loi de finances 2009, qui sera probablement reconduite en 2010. Le démantèlement tarifaire du PVC est donc programmé et organisé. Nous ne demandons que son application. Nous comprenons que la SNEP veuille se développer davantage, mais pas aux dépens des transformateurs qui devront supporter davantage de droits de douane. Supposons que la SNEP gagne la bataille. Quel serait pour vous le scénario catastrophe ? Je ne sais pas si on peut parler de bataille. Je ne sais non plus si on peut parler de scénario catastrophe. Il n'y aura qu'une continuation de la sous-industrialisation du pays dans le secteur de la transformation du PVC Concrètement, qu'adviendra-t-il des opérateurs ? Certains ont déjà disparu. Le bilan est catastrophique. Aujourd'hui, 80 % de la production de la transformation du PVC consiste en des sociétés qui fabriquent des tubes, par essence volumineux et difficiles à importer. Dans les autres pays tels la Tunisie, l'Egypte et la Turquie, cela ne représente pas plus de 50 %. Parce qu'il est impossible de les concurrencer, étant donné qu'ils ne paient pas de droits de douane. Maintenant, si les pouvoirs publics veulent qu'on se transforme en importateurs nets, en commerçants, nous le ferons, si les choses ne s'arrangent pas. On ne peut pas décider de la signature d'un accord de libre-échange d'un côté et du maintien des droits de douane sur les matières premières d'un autre côté. C'est complètement aberrant. C'est à cette cohérence que le gouvernement doit s'atteler. En janvier 2010, il est prévu que les droits de douane sur le PVC baissent à 5 %, puis à 2.5 % en janvier 2011. On ne demande rien d'autres que l'application de ces mesures. Cela sauvera-t-il toute une industrie de transformation ? Sauver, peut-être pas. Cela permettra un développement industriel, la création d'emplois. Le retour au Maroc de certaines sociétés qui ont mis la clé sous le paillasson. Aujourd'hui, nous avons des fabricants de profilés PVC dans l'incapacité de produire, vu que la concurrence exercée par les produits en provenance d'Egypte est dévastatrice, car ne subissant pas de droits de douane sur les intrants. Y a-t-il une opportunité pour qu'un nouvel opérateur de production de PVC se lance au Maroc ? Il faut savoir que le PVC est un sous-produit du pétrole. Pour s'y lancer, il faut absolument être adossé à un opérateur pétrolier ou à un raffineur. C'est le cas notamment des usines basées au Moyen-Orient. Il faut aussi que cette usine dispose d'une capacité située entre 300 000 et 500 000 tonnes pour qu'elle soit rentable, d'où la difficulté. Votre prochain rendez-vous avec le ministre du Commerce et de l'industrie ? Nous attendons qu'on nous appelle. Nous allons par ailleurs être reçus très prochainement par le Conseil de la concurrence que nous avons saisi il y a quelques jours de cela.