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Le parquet toujours prompt à faire appel
Publié dans La Vie éco le 16 - 11 - 2015

Tout le monde connaît la fameuse boutade : «Le foot est un sport qui se joue à onze mais à la fin, ce sont toujours les Allemands qui gagnent». Formule intéressante que l'on peut transposer à notre système judiciaire, notamment concernant les procès où un représentant du ministère public est présent. A observer le déroulement des audiences, on cherche à comprendre le raisonnement profond des substituts du procureur. Leur présence à l'audience est rythmée par le prononcé d'un mot, un seul et toujours le même, à chaque fois que le président du tribunal leur donne la parole : «Incarcération». On se demande alors, si c'est vraiment ça, l'application de la loi ; on s'interroge sur la personnalité des procureurs : ont-ils une âme ? Sont-ils vraiment humains ? Pourquoi tant de rigidité dans le comportement, tant de sévérité dans les réquisitoires, tant d'acharnement ?
Certes, il faut admettre qu'en face, dans le box des prévenus, il n'y a pas que des anges, à qui on donnerait le paradis sans confession. Mais il s'agit bel et bien de personnes endurcies par le crime et la violence. Alors oui, le procureur est dans son droit : qu'il sévisse, protégeant ainsi les honnêtes citoyens. Mais ce n'est pas toujours d'une grande évidence, parfois des gens «bien» se retrouvent happés par la machine judiciaire. Et bien malin celui qui saura comment ça finira. Mais quand on regarde comment réagit le parquet, on finit par se poser des questions, et notamment sur un point précis : Pourquoi ce service relève-t-il systématiquement appel de tous les jugements prononcés ? Par routine ? Par ennui ? Par habitude ? Par souci de maintenir une pression sur les justiciables ?
Prenons un exemple : une banale dispute entre voisins, qui se termine au tribunal, avec des inculpations simples et classiques : insultes à autrui, coups et blessures réciproques..., rien de bien méchant, les blessures sont superficielles, juste un coup de sang entre voisins pour un motif puéril. Le magistrat du siège, qui va juger l'affaire, l'a bien compris : c'est un petit délit, qui ne mérite pas les foudres de la justice. Surtout qu'entre-temps les voisins se sont réconciliés, et ont presque oublié qu'ils avaient porté plainte l'un contre l'autre... Alors quand arrive la convocation du tribunal, ils sont vraiment surpris, et se rendent à l'audience sans trop d'appréhensions. Dans la salle d'audience, pleine à craquer de prévenus en tous genres, l'ambiance n'est pas à la rigolade, et quand vient leur tour, ils écoutent le substitut décrire leur bagarre en termes exagérés, c'est presque, à l'en croire, qu'une troisième guerre mondiale allait éclater, suite à cette dispute entre voisins. Et il requiert des peines d'emprisonnement ferme, pas moins de six mois pour chaque prévenu. Pour lui l'affaire est gravissime, le trouble à l'ordre public avéré, et le verdict doit être à la hauteur de la gravité des faits commis. Ce n'est pas bien grave, il est dans son rôle, tous les spécialistes le savent, mais pas les deux bougres dans le box, qui n'en reviennent pas de tant de sévérité, et n'en mènent pas large. Mais, on le sait, un tribunal est aussi un grand théâtre où chacun joue un rôle. D'ailleurs la Cour qui en a vu d'autres acquitte les deux prévenus de l'inculpation de coups et blessures, mais les condamne à une légère peine (50 DH) pour trouble à l'ordre public.
Et nous retrouvons l'exemple de l'équipe allemande : à la fin, quel que soit le verdict, le parquet fera appel! Ennui, routine, instructions ? Nul ne le sait encore aujourd'hui, mais ce n'est pas comme ça que l'on réduira la population carcérale ! D'autant plus que les statistiques récentes ont révélé qu'une grande partie des détenus le sont à titre provisoire ; ce qui veut dire qu'après examen du dossier, étude des preuves et témoignages divers, le tribunal ne trouvera rien à reprocher à ces prévenus... qui auront goûté quand même la douce joie de l'incarcération et de ses contraintes ! Mais une récente manchette de journal éclaire peut-être les choses car on y lit : «Ramid incite les procureurs à emprisonner les débiteurs !». Ceci explique-t-il cela ?


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