Prévu par la Constitution de 2011, le Conseil consultatif de la famille et de l'enfance est encadré par un projet de loi qui sera bientôt soumis au Parlement. Plus de quatre ans après son adoption par la Constitution de 2011, le Conseil consultatif de la famille et de l'enfance (CCFE) verra enfin le jour. Mercredi 23 septembre, le projet de loi (78-14) le créant est adopté en conseil de gouvernement, il ne lui manque plus que le vote du Parlement pour être mis sur pied. Notons d'abord que la préparation de ce texte de loi n'a pas été aisée, elle a nécessité plus de deux ans de consultations, sous la houlette du ministère de la solidarité, de la femme, de la famille et du développement social. C'est une commission scientifique présidée par l'avocate et l'ex-présidente du tribunal de la famille de Casablanca, Zhor El Hor, qui a chapeauté ce travail. Laquelle commission a étudié les propositions et les mémorandums (une centaine) qui lui ont été adressés sur le sujet tant par les acteurs institutionnels, politiques, syndicaux qu'associatifs. Des dizaines de séances ont été également organisées pour laisser s'exprimer sur les questions de la famille et de l'enfance des experts et des académiciens nationaux et internationaux. L'objectif est d'avoir entre les mains un Conseil consultatif correspondant aux normes internationales, notamment les principes de Paris, où seront représentés démocratiquement les différents départements ministériels, quelques institutions nationales, telles que le CNDH ou le Conseil économique, social et environnemental, et, chose importante, une bonne partie de la société civile. Il faut dire que le CCFE est l'aboutissement d'un processus de protection juridique et sociale de la famille et de l'enfance qui a démarré dès les années 2000. Quelques grands moments forts : le code de la famille en 2004, le droit des enfants naturels et des enfants illégitimes d'être inscrits sur l'état civil avec un nom et un prénom, le nouveau code du travail qui interdit le travail des enfants de moins de 15 ans, la réforme du code de la nationalité qui octroie la nationalité marocaine à l'enfant issu d'un père étranger. Et, concernant les enfants proprement dit, il y a eu, rappelons-le, l'organisation à Skhirat des premières Assises sur la protection de l'enfance en avril 2014, et le projet du département de Bassima Hakkaoui, dénommé «Politique publique intégrée de protection de l'enfance au Maroc». Maintenant, quelles seraient les missions et la valeur ajoutée de ce nouveau conseil ? Quelle serait sa composition? Et qui sera habilité à le saisir pour donner son avis sur les questions relevant de la famille et de l'enfance? De par la Constitution, la mission de ce nouveau conseil consultatif est claire. L'article 169 spécifie que «le Conseil consultatif de la famille et de l'enfance a pour missions d'assurer le suivi de la situation de la famille et de l'enfance, d'émettre son avis sur les plans nationaux relatifs à ces domaines, d'animer le débat public sur la politique familiale et d'assurer le suivi de la réalisation des programmes nationaux, initiés par les différents départements, structures et organismes compétents». Autonomie financière et administrative du conseil En gros, la politique familiale et de l'enfance du gouvernement devrait être une politique globale et intégrée, et la mission du CCFE consisterait en l'orientation, l'émission d'avis, la proposition de stratégies et politiques appropriées et, enfin, en l'animation du débat public. Ainsi, indépendant du pouvoir exécutif et jouissant de l'autonomie administrative et financière, le CCFE aura pour mission, selon l'article 2 du projet de loi le créant, d'assurer «la maîtrise d'œuvre de la politique de la famille». Et celle, comme l'a souligné le CNDH dans son avis sur le sujet, d'«éclairer les politiques publiques et la législation en rapport avec son mandat. Cela devra être exprimé sous forme de mémoires, d'études, d'avis, de recherches, de rapports et de recommandations soumises au gouvernement». Il se doit donc de se positionner comme force de proposition et de révision des démarches entreprises par le Parlement et le gouvernement touchant la famille et l'enfant. Ses objectifs étant, comme le stipule le même article, «la protection juridique, sociale et économique de la famille pour lui garantir son unité et sa stabilité». Même chose pour l'enfance, ce conseil, prévoit ce projet, mettra tout en œuvre pour «la protection juridique, sociale et morale de tous les enfants, et assurer leur intérêt supérieur conformément aux conventions internationales ratifiées par le Maroc». Sont concernés par ce travail notamment la petite enfance et l'atdolescence, les enfants en situation précaire et les personnes âgées et aux besoins spécifiques. Le conseil devra soumettre à S.M. Mohammed VI et au chef du gouvernement des rapports annuels et thématiques sur le sujet, et de soumettre à chacune des deux Chambres du Parlement le contenu de ces rapports. Pour l'accomplissement de sa mission, le CCFE doit s'entourer d'experts et de spécialistes dans le domaine pour éclairer ses membres dans leur travail. Des commissions thématiques y seront créées, chargées chacune de questions se rapportant à la pauvreté. Voilà pour la mission dévolue au CCFE. Quid de sa composition ? Et qui va le saisir ? Le projet de loi souhaite une représentation aussi équilibrée que possible des différentes entités au sein de ce conseil. Il y a d'abord les ministères ayant lien avec la mission du conseil, mais il peut «inviter, selon le besoin, toute structure gouvernementale qu'il juge nécessaire selon les questions à traiter». Il y a ensuite les institutions nationales (CNDH, CCME, Conseil supérieur des oulémas, le Conseil national de la jeunesse et des sports…) Il y a, enfin, la société civile (associations des droits humains, celles œuvrant dans le domaine de la famille, et dans le domaine de l'enfance, des personnes âgées ou en situation de handicap…). Quant à la saisine du conseil, elle sera dévolue au gouvernement, au Parlement et aux collectivités locales. Mais aussi aux instances nationales travaillant dans les domaines des droits humains et la promotion de la situation de la famille et de l'enfance. Le conseil peut aussi, à son initiative, présenter des propositions, études et enquêtes, sur des problématiques ayant un lien avec la famille et l'enfance. De grands défis attendent ce conseil. Ne serait-ce qu'au niveau de l'enfance, il y a d'énormes chantiers : pauvreté, abandon scolaire, insertion des handicapés, lutte contre le fléau des enfants des rues, pédophilie, malnutrition, notamment dans le rural et le pré-urbain… Les priorités? Difficile de les énumérer a priori, selon Najat M'jid, présidente de l'Association Bayti. «Il faut d'abord que le conseil fasse un état des lieux de la situation de la famille et de l'enfance. C'est en fonction de ce travail préliminaire que les priorités se déclineront», juge t-elle. L'essentiel, d'après les ONG œuvrant dans le domaine, est que les politiques publiques concernant la famille et l'enfance soient appréhendées d'une manière intégrée et globale, au lieu de l'éparpillement actuel. Et ce, «en étroite collaboration avec la société civile», juge pour sa part, Najat Anwar, présidente de l'Association «Touche pas à mon enfant». Le conseil a intérêt donc, outre une représentativité large de la société civile dans sa composition, à tendre une oreille attentive aux revendications des ONG, chacune dans son domaine, touchant aux questions de la famille et des enfants. Car sur le terrain, ce sont elles qui connaissent le mieux les problèmes de la famille et des enfants, tant concernant le sida, les mères célibataires ou encore les enfants abandonnés…Pour Mme Anwar, «ne serait-ce qu'au niveau de la lutte contre la pédophilie, le chantier est énorme». Tous les ministères sont concernés par la famille et l'enfance Pour elle, il est urgent que ce conseil fasse une recommandation pour que l'Etat (le ministère de la santé notamment) prenne en charge psychologiquement les victimes des agressions sexuelles, surtout dans les régions où il y a absence flagrante de psychologues. «Car les enfants et leurs familles souffrent lamentablement de ces agressions». Mais en amont, il faudra d'abord lancer de vastes campagnes de communication à la télé et à la radio contre ces agressions sexuelles. Et installer un «système alerte enlèvement» (SAE) relayé par les médias. «Le crime de l'agression sexuelle contre un enfant est souvent précédé de son enlèvement», remarque-t-elle. Tous les ministères sont concernés par la famille et l'enfant, à commencer par le ministère de l'enseignement. Le CCFE devrait émettre une recommandation pour que ce dernier intègre dans ses programmes le thème de l'éducation sexuelle. «Un enfant, fille ou garçon, doit connaître son corps, et prendre en conséquence toutes les précautions pour se prémunir des agressions des adultes», commente la militante associative. Un autre département devrait être mobilisé au profit de la famille et des enfants: le ministère des affaires islamiques. Les prêches du vendredi devraient traiter, selon la société civile, «sans gêne et avec audace», de tous les problèmes liés à la famille et à l'enfance. Un autre chantier important : l'harmonisation de la législation nationale avec les conventions internationales ratifiées par le Maroc. Ainsi, concernant la question du mariage, Mme Anwar considère qu'« il faut interdire une fois pour toutes le mariage pour les moins de 18 ans».