La Chambre de commerce internationale avait condamné l'Etat marocain au paiement de certaines indemnités, y compris des montants portant sur les impôts. La Cour de cassation et le tribunal administratif ont accepté d'exécuter la sentence sauf sur son volet fiscal. Une première dans les annales judiciaires du Maroc. Les dispositions relatives à l'arbitrage d'un litige dont fait partie une personne morale de droit public viennent d'être appliqués pour la première fois par le tribunal administratif de Rabat, ainsi que par la Cour de cassation. Et la tendance jurisprudentielle est claire : les décisions fiscales de l'Etat ne peuvent faire l'objet d'un arbitrage, même quand il s'agit d'un arbitrage international. En l'espèce, il s'agissait d'un marché public dont le maître d'ouvrage n'est autre que le ministère de l'équipement et du transport et dont l'attributaire est une société italienne. Au cours de l'exécution dudit marché, des conflits ont surgi entre la société et le maître d'ouvrage concernant plusieurs points dont une partie est en relation avec la fiscalité. Mettant en œuvre la clause compromissoire stipulée dans le contrat, la société a déposé une demande d'arbitrage devant la Chambre de commerce internationale de Paris (CCI), qui a condamné l'Etat marocain au paiement de certaines indemnités, y compris des montants portant sur les impôts. Sentence rendue, la société a déposé une demande d'exequatur devant le président du tribunal de commerce de Rabat, qui s'est déclaré incompétent pour traiter la demande. Elle a ensuite attaqué en appel cette ordonnance et la Cour d'appel de commerce de Casablanca a adhéré à l'analyse du président du tribunal de Rabat et a confirmé son incompétence. Suite au pourvoi en cassation formulé par la société italienne contre la décision de la Cour d'appel de commerce de Casablanca, la Cour de cassation a confirmé l'incompétence des tribunaux de commerce pour connaître des demandes d'exequatur des sentences arbitrales dont fait partie une personne morale de droit public et a renvoyé les parties devant le juge administratif, ce dernier a ordonné l'exécution partielle de la sentence arbitrale, en excluant la partie en relation avec la fiscalité. L'ordre public marocain prime Le juge a motivé sa décision par les dispositions du troisième paragraphe de l'article 327-36 du Code de la procédure civile : «Le tribunal arbitral, sans se conformer à la mission qui lui avait été conférée, a statué sur des questions n'entrant pas dans le cadre de l'arbitrage ou a méconnu les limites de la convention. Cependant, s'il est possible de distinguer les parties de la sentence concernant les questions soumises à l'arbitrage de celles qui ne lui sont pas soumises, l'annulation ne porte que sur ces dernières». Le juge a utilisé des dispositions concernant le recours en annulation en arbitrage interne. Cela justifie la grande ouverture que la justice connaît actuellement au Maroc sur l'arbitrage comme mode alternatif de règlement des conflits, y compris dans les contrats où l'Etat est partie prenante. Dans le détail de la décision du juge administratif, il a été considéré que si le siège du tribunal arbitral est situé à l'étranger, le juge compétent pour la demande de reconnaissance et d'exequatur est le président de la juridiction commerciale, du ressort de laquelle l'exécution doit avoir lieu. Par contre, si le siège se trouve au Maroc, le juge compétent est le président de la juridiction commerciale dans le ressort de laquelle la sentence a été rendue. Mais les dispositions de l'article 327-46 du CPC ne prennent pas en considération les cas de sentences arbitrales dont sont parties les personnes morales de droit public. Dans ces cas, la compétence de statuer sur les demandes d'exequatur revient aux juridictions administratives, selon l'article 310 du CPC. La juridiction compétente est celle située dans le ressort de laquelle la sentence sera exécutée, ou le tribunal administratif de Rabat lorsque la sentence arbitrale concerne l'ensemble du territoire marocain. C'est cette solution qui a été confirmée dernièrement par les décisions déjà citées.