Ils devront se contenter d'analyser les conditions de forme. Une manière de simplifier une procédure compliquée par la suspension des accords judiciaires avec la France. C'est un jugement important qu'a rendu la Cour de cassation en juin 2014. Les magistrats de la plus haute juridiction ont limité la compétence du juge marocain dans la procédure d'exequatur, une procédure qui donne la force exécutoire à un jugement étranger ou à une sentence arbitrale. Dans cet arrêt, la Cour de cassation, statuant sur un recours mettant en cause l'application des règles relatives à l'effet international des jugements, a considéré qu'une «Cour d'appel doit rechercher si un jugement étranger remplit toutes les conditions de régularité internationale tant au regard de la compétence du juge saisi que de l'application au litige de la loi appropriée. La circonstance qu'un jugement étranger ne comporte pas de motivation, ne peut, par elle-même, faire obstacle à l'exequatur». Le juge marocain est ainsi sommé de ne prendre en considération que les trois conditions cumulatives comprises dans le code de procédure civile : Que le juge étranger soit compétent, qu'il ait appliqué la loi adéquate et que cette loi ne porte pas atteinte à l'ordre public. L'actualité politique et diplomatique donne encore plus de poids à la décision de la Cour de cassation. En effet, la majorité des demandes d'exequatur provenant de la France, la suspension des accords de coopération judiciaire, qui prévoient une procédure simplifiée de l'exequatur (régime de réciprocité, c'est-à-dire sans révision au fond), a compliqué la situation. «Le retour au système classique d'exequatur donnait au juge marocain la possibilité de revoir entièrement le jugement rendu à l'étranger, et en particulier par les tribunaux français. Une révision qui -en plus de retarder la procédure de plusieurs mois, voire plusieurs années- peut déboucher sur un refus pur et simple de donner la force exécutoire à ces décisions», explique Abdellah Boudahrain, juriste et auteur du manuel de référence Le droit judiciaire privé marocain. Impact sur les sentences arbitrales Cette décision aura aussi un impact sur l'exécution des sentences arbitrales. L'équivalence est en principe prononcée par le juge de l'exécution du tribunal de première instance du lieu où la sentence a été prononcée, mais également devant le président de la Cour d'appel lorsque la sentence fait l'objet d'un recours. «Le juge de l'exequatur se contentera de contrôler que la sentence n'est pas entachée d'un vice trop grave et ne pourra pas réviser la sentence au fond. Il vérifie la régularité formelle de la sentence, sa validité, et notamment, ici, sa conformité à l'ordre public, ainsi que la validité de la convention d'arbitrage», indique le président de la Cour marocaine d'arbitrage, Mohamed Mernissi. Seulement, deux voies de recours contre les sentences arbitrales existent: le recours en révision devant la Cour d'appel, et dans ce cas-là la sentence sera considérée telle un jugement donné par un tribunal, et la tierce opposition, plus rare et qui ne peut être exercée que par une personne qui éprouve un préjudice ou la menace d'un préjudice et qui n'a été ni partie, ni représentée à l'arbitrage.