La Convention internationale des droits de l'enfant a 25 ans. L'UNICEF publie un rapport sur la situation de l'enfance dans le monde. 15 % des enfants dans le monde travaillent, 11% des filles sont mariées avant l'à¢ge de 15 ans, violence, traitements cruels et dégradants… Le Maroc enregistre quelques avancées, mais il existe encore des défaillances: déperdition scolaire, pédophilie, exploitation sexuelle des mineurs, travail des enfants, mendicité… A l'occasion de la célébration du 25e anniversaire de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) en ce 20 novembre 2014, l'UNICEF a rendu public un rapport exhaustif sur le degré d'application de cette convention dans le monde, dont plusieurs pages sont consacrées au Maroc. Dans les quatre domaines qui constituent l'essence même de la CIDE, et sur la base desquels cette évaluation a été établie, à savoir le droit à l'éducation, à la santé et la survie, à la protection et le droit à la participation, le Maroc enregistre quelques avancées, mais il reste encore quelques défaillances. Notre pays a ratifié la CIDE depuis 1993, et a installé, une année plus tard, un Observatoire national des droits de l'enfant (ONDE), instrument de suivi et de mise en œuvre de la Convention onusienne. De même, en 2006, il a adopté à l'échelon gouvernemental un Plan d'action national pour l'enfance 2006-2015 (PANE), plan élaboré en concertation avec la société civile. La dernière initiative gouvernementale en date dans le domaine de la protection des enfants est la nouvelle «Politique publique intégrée de protection de l'enfance au Maroc» élaborée par le ministère de la solidarité, de la femme, de la famille et du développement social (MFFDS), et dont les grandes lignes ont été annoncées en ce début 2014 (au même moment où se tenaient les premières Assises sur la protection de l'enfance.) Laquelle «nouvelle politique» s'est fixée six objectifs stratégiques. Le but ultime étant de «garantir à tous les enfants du Maroc une protection effective et durable contre toutes les formes de violence, d'abus, d'exploitation et de négligence».
Mais, concrètement, vingt- et-un ans après la ratification de la CIDE, qu'a fait le Maroc pour que ses enfants soient en bonne santé, pour qu'ils bénéficient d'un enseignement de qualité, pour qu'ils vivent en sécurité et pour qu'ils soient protégés contre toutes les formes de maltraitance et d'exploitation ? Donnons d'abord un aperçu sur la situation des enfants dans le monde telle que présentée par le rapport de l'organisme onusien. Force est de reconnaître que des progrès considérables, note l'UNICEF, ont été accomplis ces 25 dernières années. Quelques chiffres : 90 millions d'enfants seraient morts si les taux de mortalité étaient restés à leur niveau de 1990, ils ont au contraire pu vivre au-delà de 5 ans. Le nombre de décès dus à la rougeole chez les enfants de moins de 5 ans a chuté de 482 000 en 2000 à 86 000 en 2012, en grande partie grâce aux progrès de la vaccination, dont le taux est passé de 16% en 1980 à 84% en 2012. L'UNICEF enregistre aussi une chute de 37% des retards de croissance depuis 1993, les enfants mangent mieux. Même chose au niveau de la scolarité dans le primaire, et «même dans les pays les moins avancés: alors qu'en 1990, seulement 53% des enfants étaient admis à l'école, le taux atteignait 81% en 2011». Mais l'on déchante vite en méditant bien les tableaux et les graphes préparés par l'UNICEF à l'occasion de ce 25e anniversaire de la CIDE. Voilà quelques chiffres qui interpellent encore les gouvernements dans le monde, les ONG et les institutions internationales: 6,6 millions d'enfants de moins de 5 ans sont morts en 2012, «la plupart de causes évitables, les privant de leur droit fondamental de survivre et de se développer». 15% des enfants dans le monde travaillent, «ce qui compromet leur droit à être protégés contre l'exploitation économique et porte atteinte à leur droit d'apprendre et de jouer». Le bilan santé est jugé positif Autre chiffre qui donne encore froid au dos : 11% des filles sont mariées avant l'âge de 15 ans, «mettant en péril leurs droits à la santé, à l'éducation et à la protection». Les enfants dans le monde subissent aussi, quotidiennement, alerte l'UNICEF, des traitements cruels et dégradants, que ce soit à la maison ou à l'école, «ils sont soumis à une discipline imposée par la violence». Nuance: sur tous ces registres, les enfants dans le monde ne sont pas logés à la même enseigne, leurs chances, remarque le rapport de l'UNICEF, «diffèrent selon que le pays est riche ou pauvre, qu'ils sont nés filles ou garçons, dans des familles fortunées ou démunies, à la campagne ou en ville, et là aussi, selon qu'ils vivent dans des zones aisées ou des quartiers défavorisés». C'est exactement ce qui prévaut au Maroc : les droits à l'éducation, la santé, la protection et la participation de l'enfant sont fonction de son milieu social, économique et géographique. Dans ces quatre domaines qui articulent la CIDE, quelques avancées sont enregistrées, et l'arsenal juridique encadrant tous ces droits est copieux, et va même en s'améliorant d'année en année, mais l'application sur le terrain bute sur nombre d'obstacles, tant financiers, politiques, sociaux que culturels. Les ONG des droits de l'homme, et même l'ONDE, ne cessent de tirer la sonnette d'alarme sur la déperdition scolaire, la pédophilie, l'exploitation sexuelle des mineurs, le travail des enfants de moins de 15 ans, celui des petites «bonnes» dans les maisons, la violence dans les écoles, les enfants de la rue et la consommation de drogues devant les établissements scolaires. Commençons d'abord par le premier volet, celui du droit à l'éducation. On connaît le tableau, et l'UNICEF le brosse ainsi. Une percée remarquable au niveau de la première année du primaire, avec une moyenne nationale de 99,5% de taux de scolarisation. Néanmoins, cet effort au primaire n'est pas capitalisé au niveau des différents cycles. «Un taux de déperdition important est enregistré d'un cycle à l'autre, ramenant la moyenne nationale de scolarisation à 87,6% au collège et à 61,1% au lycée». S'il y a iniquité dans ce domaine, elle touche essentiellement les enfants en milieu rural, les filles notamment et les enfants en situation de vulnérabilité. Deuxième volet, celui de la santé : l'UNICEF salue le lancement par le Maroc de plusieurs stratégies pour la santé dont la nouvelle politique 2012-2016, le plan d'action pour la santé 2012-2019, le plan d'action pour la santé de l'enfant 2012-2019, ainsi que la Stratégie nationale de nutrition 2011-2019. Inégalités et iniquité en matière de santé entre les villes et les campagnes, les riches et les pauvres Le bilan est jugé positif, volet santé, «d'un point de vue épidémiologique», mais des lacunes subsistent. Le taux de mortalité infantile est passé, c'est vrai, de 75,5% en 1987 à 30% en 2010, et le quotient de mortalité infanto-juvénile est passé de 104% en 1987 à 36% en 2010. De même pour la malnutrition des enfants : elle a baissé entre 2004 (18%) et 2011 (15%). Mais l'organe onusien remarque notamment des inégalités et une certaine iniquité en matière de santé entre les villes et les campagnes, tant celle de la mère que celle de l'enfant. «La mortalité infantile est plus importante que la moyenne nationale chez les pauvres en milieu rural : elle est de 45% plus élevée pour les 20% les plus pauvres, par rapport aux 20% les plus riches». Troisième volet, la protection de l'enfance, et c'est là que le bât blesse. Beaucoup de retard à rattraper. Il n'est pas besoin de citer le rapport de l'UNICEF pour avoir une idée sur le degré de protection dont bénéficient nos enfants. La commission ministérielle de l'enfance, présidée par le chef du gouvernement, qui a préparé la nouvelle «Politique publique» courant 2013, en a fait elle-même un état des lieux. Elle constate «une évolution croissante» des phénomènes d'abus, de violence et d'exploitation des enfants: abus et violence physique, psychologique et/ou sexuel au sein des familles, des écoles, des institutions, dans la rue ; exploitation des enfants dans le travail (petites bonnes, secteur informel), dans la mendicité, dans la vente de drogues, dans la délinquance ; exploitation des enfants à des fins sexuelles dans la prostitution, le tourisme, sur Internet. L'UNICEF, dans son rapport, en fait aussi un état des lieux. Dernier volet de la CIDE: le droit des enfants à la participation. Sur ce plan, l'UNICEF note nombre de défaillances : faible participation des enfants et adolescents aux médias, absence d'une stratégie dans le domaine, absence de dialogue, normes sociales peu favorables à cette participation. En conséquence, souligne le rapport de l'UNICEF, «les parents n'acceptent d'aborder que de rares sujets de discussion avec leurs enfants, les sujets profonds intéressant les adolescents et enfants étant frappés d'interdiction. Cette situation laisse très peu de place aux enfants et à l'expression de leurs opinions». En conclusion, sur ce volet de la participation, le rapport reproche au Maroc «l'absence d'une approche transversale et intégrée de la participation au niveau des politiques et stratégies de participation nationale et locale», et la faible capacité de plaidoyer des associations.