Suite au refus des parlementaires, le gouvernement renonce à son projet de session extraordinaire. Des textes de loi particulièrement controversés attendus pour cette rentrée parlementaire. Une première révision de la Constitution serait à l'ordre du jour de la rentrée. La dernière session parlementaire s'était clôturée sur une polémique, la prochaine s'ouvre sur une autre. L'objet de cette nouvelle prise de bec entre majorité et opposition : un retour précoce des parlementaires de leurs vacances. En effet, un peu plus d'un mois après avoir quitté l'hémicycle, il a été question de faire écourter leurs vacances aux parlementaires. Selon une information largement commentée par la presse, il était question, il y a quelques semaines, d'une session extraordinaire qui devrait se tenir, à la demande du chef du gouvernement, vers la mi-septembre. Des sources parlementaires confirment la volonté du gouvernement, sans que cela ait pris un caractère officiel, de réunir les deux Chambres en session extraordinaire. Des démarches informelles ont été enclenchées pour tester la recevabilité d'une telle initiative sans aller plus loin. Ainsi, alors que la première Chambre s'apprêtait à tenir une réunion de son bureau, mardi en milieu d'après-midi, les députés n'en savaient pas plus que le simple citoyen sur la question. Le projet aurait tout simplement été abandonné. Pourtant, quelques jours plus tôt, on parlait d'une volonté du gouvernement de faire examiner et voter trois textes de loi qui lui tiennent manifestement à cœur, et plus particulièrement au parti au pouvoir. Il s'agit de la Loi organique des finances, celle relative au Partenariat public-privé (PPP) et, surtout, la nouvelle loi bancaire. A priori, rien d'urgent. «Je ne vois pas l'intérêt d'une session extraordinaire à trois semaines de l'ouverture de la session d'octobre, sachant que les textes supposés être à l'ordre du jour, abstraction faite de leur importance, ne revêtent pas de caractère urgent. A moins que ce ne soit une nouvelle manœuvre de politique politicienne de la part du gouvernement», confirme Mehdi Bensaid, président de la commission des affaires étrangères. Cependant, le dernier texte, et plus particulièrement le volet relatif aux banques participatives, a été, faut-il le rappeler, à l'origine d'un énième bras de fer entre le chef du gouvernement et les parlementaires, ceux de la deuxième Chambre plus précisément. Un désaccord provoqué par la décision du président et le bureau de la Chambre des conseillers de saisir, pour avis, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur le projet de la nouvelle loi bancaire, surtout dans sa partie liée aux banques participatives, avant d'en entamer l'examen par les élus. Le chef du gouvernement a vu dans cette simple procédure, pourtant prévue par la Constitution et par les règlements intérieurs des deux institutions, une tentative d'«entraver le processus législatif», sachant que «ce genre de manœuvres ne mène à rien». En d'autres termes, c'est une volonté manifeste de retarder l'adoption d'un texte de loi qui serait, selon la majorité, «motivée par des soubassements politiques et des intérêts corporatifs». Des rapports toujours conflictuels Aujourd'hui que le CESE a dit son mot, la polémique n'est pas pour autant calmée. Au fond, cette saisine aura posé, de nouveau, la problématique des rapports, déjà quelque peu conflictuels, entre les pouvoirs législatif et exécutif et leurs rapports avec les organes et institutions de conseil et de bonne gouvernance. Cela au moment où, de l'avis de nombreux constitutionnalistes, à mesure que progresse la mise en œuvre de la nouvelle Constitution, ces rapports appellent à gagner en clarté. En même temps, avant d'accuser le Parlement ou l'une de ses Chambres de velléités d'entraver le processus législatif, «il convient au chef du gouvernement de consulter la Constitution qui concède au Parlement le monopole législatif. Après tout, c'est le Parlement qui détient le dernier mot quant au vote ou au rejet des projets de loi», affirme cet analyste. Or, dans ce cas de figure, le gouvernement souhaite, vraisemblablement, une procédure rapide d'adoption de la nouvelle loi bancaire alors que la deuxième Chambre refuse de «bâcler» un texte d'une aussi grande importance. Certains analystes politiques voient dans le «coup» de la session extraordinaire une manœuvre pour tordre le bras aux conseillers et les contraindre à accélérer le vote de ce texte combien symbolique, voire vital, pour les islamistes. La réponse des conseillers ne s'est pas faite attendre. Ils y voient même une tentative de réduire et négliger l'importance de leur travail et celle de leur Chambre. Car, «comment attendre de nous d'examiner, débattre et voter, en commission et plénière, un texte de loi en si peu de temps (environ trois semaines) alors que les députés ont pris plus de cinq mois pour boucler le processus», s'indigne ce conseiller de la deuxième Chambre. Cela étant, l'article 66 de la Constitution qui statue sur pareils cas est très clair : à défaut d'une initiative personnelle, le chef du gouvernement pouvait très bien s'appuyer sur sa majorité pour tenir cette session. Il lui faut juste la signature de 132 députés, soit le tiers des membres contre la majorité absolue dans l'ancien texte, pour tenir ladite session. Ou alors c'est que le gouvernement ne fait confiance à ses députés et sa majorité qu'au moment de faire passer, par la force du nombre, des textes de loi qu'il aura pris le soin d'élaborer auparavant. Et Dieu sait combien il aura besoin de cet appui stratégique dans les jours à venir. Car, pour citer le péjidiste et professeur de droit constitutionnel Mohamed Amrani Boukhoubza, «les projets de lois organiques qui restent à adopter sont les plus difficiles à élaborer et à faire adopter parce qu'il est quasiment impossible d'aboutir à un consensus sur leur contenu». La méthodologie participative à l'œuvre La future loi organique de la Région et celle relative aux conseils communaux en constituent d'ailleurs un exemple patent. Pour la première, la réaction des partis de l'opposition quant à la mouture remise aux chefs des formations politiques par le ministère de l'intérieur est sans équivoque : le boycott du texte, s'il n'est pas revu dans le fond. Pour l'opposition, mais aussi pour certains membres du parti au pouvoir et d'autres acteurs de la scène politique, ce texte ne correspond pas au projet de régionalisation avancée annoncé par la Constitution. L'autre texte a suscité presque la même réaction. Cette fois c'est l'Association marocaine des présidents des conseils communaux (AMPCC), qui compte parmi ses rangs des ministres et de nombreux parlementaires, qui a décidé d'une levée de boucliers contre la première mouture du texte. Cela dit, les deux textes n'en sont qu'à la phase préliminaire de leur élaboration. Un second rendez-vous est programmé, selon des sources partisanes, entre les responsables des partis et le département de l'intérieur pour tenter d'accorder leurs violons en vue d'un consensus sur un projet de texte concerté. Entre-temps, cette «méthodologie participative», exigée par la Constitution, et mise en œuvre pour la première fois par le gouvernement, commence à peine à donner ses fruits. Le département de la justice vient en effet de donner corps aux recommandations de la Commission chargée du dialogue national sur la réforme de la Justice, initié en début mai 2012. Le premier texte, fruit de ce dialogue, la loi organique relative au Conseil supérieur de la magistrature, devrait être entériné en conseil de gouvernement lors de sa première réunion de la rentrée, prévue jeudi dernier. Le projet de loi devrait, ensuite, être examiné et adopté en conseil des ministres avant d'être soumis au débat parlementaire. En même temps, une première mouture de la nouvelle loi relative aux associations vient de voir le jour. Pour le moment, cette sortie officieuse du département de Lahbib Choubani n'a pas encore suscité de réactions au sein de la société civile. Une réaction très attendue, sachant qu'un large pan de cette société civile dénonce le fait d'avoir été mis à l'écart lors du débat national qui s'est déroulé entre mars 2013 et mars 2014. Le projet de loi qui devrait apporter une modification profonde au dahir des libertés publiques de 1958 devrait certainement être programmé pour la prochaine session parlementaire. Il en sera probablement de même pour le nouveau code de la presse, lui aussi fruit d'un débat national, dont l'adoption est attendue depuis plus de dix ans. Là encore, une première mouture de ce corpus est entre les mains des professionnels pour avis. La déposition au Parlement d'un projet de loi concerté devrait intervenir avant la fin de l'année, comme le souhaite le ministre de tutelle. En plus des textes électoraux, cette rentrée parlementaire devrait voir l'aboutissement, dans leur phase préparatoire, de textes non moins polémiques. C'est le cas de la toute première loi organique relative au droit de la grève attendue depuis… 1962. Une loi organique portant sur les organisations syndicales est également attendue pour les mois à venir. Mais le vrai défi de cette rentrée, ce sont les lois organiques relatives aux collectivités territoriales. Elles permettront de mettre en place un ensemble d'institutions qui vont révolutionner la pratique de la démocratie locale. Mais au-delà de leur fonction d'institutions de démocratie locale, les collectivités territoriales et la régionalisation avancée en particulier touchent une question d'importance primordiale, celle de l'intégrité territoriale du Royaume. Le débat constitutionnel reprend Sur un tout autre volet, à mesure que les futures élections locales approchent, il est de plus en plus question d'une première révision de la Constitution après seulement trois ans de sa promulgation. La question fait débat. Et c'est, encore une fois, la deuxième Chambre qui est au centre des discussions. En effet, il est de plus en plus question d'un amendement de l'article 63 de la Constitution qui fixe le nombre de sièges et la composition de la Chambre des conseillers. Et pour cause, cette composition en fait plutôt une institution dominée par la représentation territoriale au détriment des autres acteurs de la société. Aussi, cette éventuelle réforme aura-t-elle pour objectif le relèvement de la représentation des représentants des Chambres professionnels, des salariés et des employeurs. Les 2/5e des membres de la Chambre selon l'énoncé de l'article 63 sont réservés aux Chambres professionnelles, les représentants des salariés (les syndicats) et les représentants des employeurs, les 3/5e étant réservés aux collectivités territoriales. Cette révision devrait entraîner également le relèvement du nombre des sièges qui se situe entre 90 et 120 selon le texte de la Constitution. Mais la nouveauté dans cet éventuel amendement c'est que la tendance générale veut qu'il soit initié par les parlementaires. Et si c'est le cas, ce sera une autre première dans l'histoire de la pratique politique au Maroc. L'initiative de la révision de la Constitution étant jusque-là réservée au Roi, ce serait donc une occasion, estime-t-on, de mettre en œuvre les pleines compétences du Parlement tels que prévues par la loi suprême. En d'autres termes, il s'agira de donner corps aux articles 172, 173 et 174. Lesquels articles disposent que l'initiative de la révision de la Constitution appartient au Roi, au chef du gouvernement et aux deux Chambres du Parlement. Mais dans ce dernier cas, la proposition de révision émanant d'un ou plusieurs membres d'une des deux Chambres ne peut être adoptée que par un vote à la majorité des deux tiers de la Chambre. Cette proposition est soumise à l'autre Chambre qui l'adopte à la même majorité des deux tiers de ses membres. La proposition de révision de la Constitution est ensuite soumise, par dahir, au référendum et ne peut être définitive qu'après son adoption par voie référendaire. Pour le moment la question n'a pas dépassé le stade de débat constitutionnel comme il y'en a tant eu depuis le début de la législature.