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Retour sur quelques couacs juridiques
Publié dans La Vie éco le 03 - 01 - 2014

Un cas parmi d'autres : le greffier ayant sauté un dossier sur son registre, tous les dossiers suivants (une cinquantaine) se sont retrouvés décalés d'une ligne, et les différents jugements aussi. Errare Humanum Est : l'erreur est humaine, mais allez expliquer ça aux justiciables… et à leurs avocats qui vont leur annoncer la nouvelle !
Commençons l'année 2014 en espérant que l'appareil judiciaire soit un peu plus performant qu'en 2013. Car pour l'instant ce n'est pas très réjouissant. Rappel de quelques affaires jugées l'année dernière, en dépit du bon sens, mais en application des lois en vigueur. Des couacs juridiques, en somme.
En matière sociale, d'abord, rappelons le cas de ce coursier qui s'est vu attribuer des indemnités supérieures à celles allouées à une prof de maths, en guise de réparation du préjudice subi pour licenciement abusif. Tout en précisant que les sommes jugées n'ont toujours pas été payées, du fait de l'extrême longueur des procédures. Ce n'est ni M. R., ni Mme B. qui démentiront ces faits.
En matière d'état-civil, nos lecteurs ont fini par connaître l'histoire impossible du changement de prénom. Au bout de DOUZE procédures identiques, le 27 novembre 2013, enfin un juge accepta de changer le prénom de l'enfant adopté. Jugement inscrit en toutes lettres sur le registre central de contrôle. Soulagement général, satisfaction des intéressés et de leur conseil, embrassades et effusions…jusqu'à l'obtention de la version papier dudit jugement, laquelle fit l'effet d'une douche glacée : rejet de la demande, circulez ! Le greffier ayant sauté un dossier sur son registre, tous les dossiers suivants (une cinquantaine) se sont retrouvés décalés d'une ligne, et les différents jugements aussi. Errare humanum est : l'erreur est humaine, mais allez expliquer ça aux parents effondrés… et à leur avocat qui va leur annoncer la nouvelle !
En matière de loyers civils, M. A. a obtenu en première instance un jugement condamnant son locataire défaillant dans le paiement des loyers, à régler les sommes dues, et à l'expulsion, pour retards répétés dans ledit paiement. Jugement parfait, juridiquement parlant, socialement et humainement : justice a été rendue. Mais, en appel, les valeureux magistrats ont annulé l'expulsion, pour une sombre histoire de délais : bref, même si le locataire s'est acquitté des loyers vieux de trois ans, on ne peut pas le considérer pour autant comme un mauvais locataire. En bref, dans ce dossier, le locataire indélicat a eu gain de cause sur un propriétaire excédé, mais dans son droit. Un véritable camouflet pour les honnêtes gens…et l'on s'étonne de voir les propriétaires de locaux préférer les laisser inoccupés plutôt que de les louer.
En matière de loyer commercial, cette fois, un juge des référés ordonna, par ordonnance, que le local loué à usage commercial à M. X. soit restitué à son propriétaire M. K., constatant que les lieux étaient abandonnés depuis belle lurette. Jugement judicieux, surtout que le local en question menaçait de tomber en ruine. Puis commence le grand cafouillage juridique. M.K. qui, par voie judiciaire a repris son local, demande que les vieilleries qui y sont abandonnées soient vendues par huissier, et la somme obtenue consignée au tribunal en faveur du locataire s'il revient un jour. Il ne réclame même pas ses arriérés de loyer : il veut tourner la page, c'est tout, et récupérer pleinement et entièrement son local, le retaper, le nettoyer. Refus du tribunal : «Et si le locataire revenait ?». Puis une certaine société se présente au tribunal, produit un reçu de loyer vieux de dix ans, et exige de revenir dans les lieux. Le propriétaire argumente : d'abord il présente un rapport d'huissier (photos à l'appui) attestant de l'état de taudis dans lequel se trouvait le local loué: ruines diverses, pourriture, odeurs, bestioles en tous genres, toiture affaissée, etc. Puis il fait remarquer au juge que le reçu du loyer…indique clairement que le dernier loyer versé remonte à dix ans, mais que si cette société voulait récupérer son local, elle n'avait, au préalable, qu'à régler la totalité des loyers dus jusqu'à décembre 2013, soit trois ou quatre cent mille dirhams. Argumentation rejetée par la Cour, qui ordonne que le local soit rendu à sa locataire, la société T. «Pour les loyers, faites une demande au tribunal compétent», conseillera aimablement le président au propriétaire abasourdi. Un déni de justice total.
Je ne m'attarderais pas sur les affaires pénales, où l'emprisonnement est la règle, les condamnations sévères, et la compassion ignorée : ce n'est que dureté, mépris et insensibilité. Normal, diriez-vous dans des affaires pénales, sauf que cette rigidité s'applique même quand les dossiers sont vides et les preuves absentes…comme ce pseudo trafiquant de drogue, condamné lourdement, en l'absence de flagrant délit, de preuves concrètes, ou de drogues saisies.
Prions donc pour que 2014 soit l'année qui verra aboutir les nombreuses réformes du système judiciaire au Maroc. Après, il n'y aura plus qu'à réformer les mentalités, et le tour sera joué !


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