Profitons de cette 17e édition de «Caftan», qui a eu lieu le 4 mai à Marrakech, pour présenter deux créateurs talentueux que tout oppose. à€ commencer par le style : quand Meryem Boussikouk préfère perpétuer la tradition de l'authentique caftan, Roméo, lui, ne se prive d'aucune fantaisie. Après une brève -et peu concluante- expérience dans le prêt-à-porter roumi, Meryem Boussikouk est très vite retournée à ses anciennes amours : le caftan. «Je baigne là-dedans depuis toute petite. Ma mère était couturière, elle confectionnait des tenues traditionnelles pour les mariages», confie la blonde pétulante, créatrice de caftans «contemporains» depuis déjà dix-huit ans. «Je me suis lancée en 1995 avec très peu de moyens et un carnet d'adresses quasiment vierge. Il a fallu aller chercher les maâlems, les brodeuses, les perleuses, ce n'était pas du tout facile au début», se souvient celle qui écume désormais les podiums prestigieux, de Marrakech à Abu Dhabi. «J'ai commencé par des petites djellabas, des gandouras sans prétention, que je fabriquais et écoulais pendant Ramadan. Puis, quand je me suis sentie capable de mener à bien une collection en bonne et due forme, j'ai plongé dans l'univers de la haute couture». Aujourd'hui, Meryem Boussikouk est une habituée des rubriques «mode» des magazines féminins et, bien entendu, de l'événement Caftan, pour lequel elle crée des tenues «élégantes, dans l'air du temps». À mille lieues, cela dit, de la robe «occidentale». «La créativité au niveau des tissus, des accessoires, des coupes est bien sûr la bienvenue, mais dans un squelette de caftan. Il ne faut surtout pas dénaturer l'esprit et l'âme de notre habit traditionnel». La styliste aime se comparer à «une patineuse artistique qui exécuterait des figures sophistiquées sur cinq mètres carrés de glace». D'inspiration plutôt classique, ses créations n'arracheront pas des cris d'émerveillement aux fashionistas amatrices de sensations fortes mais sauront charmer les puristes, les inconditionnelles de la tradition. Son cœur de cible, visiblement : «N'oublions pas que la société marocaine est très conservatrice». Puristes vs créatifs Heureusement, d'autres stylistes comme Mohamed Larbi Azzouz, alias Roméo, ne s'embarrassent pour leur part d'aucune norme, d'aucune contrainte. «La Marocaine raffole des nouveautés, surtout la Marocaine d'âge mûr. Il faut sans cesse innover pour lui plaire», assure le créateur enturbanné. Les caftans de cet artiste tétouanais sont un mélange époustouflant, parfois improbable, de larges pans de caftans et de jupes courtes, de petits shorts, selon l'humeur et la saison. «J'ai aussi introduit des ceintures en cuir, en bois, des capes modernes, des bas nylon des années 1950 et des tas d'autres choses», énumère le styliste, chanceux élève d'Elie Saab, qui s'est fait connaître grâce à l'émission Mission fashion de la chaîne libanaise LBC et qui, depuis cette aubaine, habille des stars comme Nancy Ajram, Wael Kfoury ou encore Ilham Chahine. «Dire que je viens d'une famille très conservatrice et que j'aurais pu passer à côté de ma vocation ! Mon père a rugi quand je lui ai dit que mon rêve de toujours était de faire carrière dans la mode. Il voulait que j'opte pour un parcours classique à la faculté d'économie. Mais les choses ont changé, depuis. Il n'assiste certes pas à mes défilés mais il est content de savoir que je réussis». Aujourd'hui, les caftans de Roméo s'arrachent. «Lors de l'édition Caftan 2012, j'ai vendu deux des huit tenues présentées immédiatement après le défilé», s'enorgueillit le créateur, qui pratique des prix compris entre 10 000 et 60 000 dirhams. «Mais les caftans qui se vendent généralement le mieux se situent aux alentours de 30 000 dirhams».