Pour Lahcen Haddad, l'objectif des 20 millions de touristes ne peut être atteint sans l'implication de la compagnie aérienne nationale. Le ministère du transport n'est pas contre mais les Finances devront forcément débloquer des fonds. Le retour au Maroc du leader du low-cost, Ryanair, a rassuré les professionnels du tourisme. Et il a même fait des émules puisque d'autres compagnies low-cost s'activent de leur côté pour revenir en force sur la destination Maroc. C'est le cas de la compagnie belge JetAirFly. Mais passée l'euphorie de l'annonce, on ne peut pas s'empêcher de se poser quelques questions. La première est de savoir ce que l'Etat marocain a fait comme concessions. La question se pose car, quelques mois auparavant, la même Ryanair avait claqué la porte sous le prétexte que les nouveaux coûts aéroportuaires instaurés par l'ONDA étaient trop élevés pour lui permettre de rentabiliser son activité. Or, entre-temps, l'ONDA n'a rien changé à ses tarifs. Qu'est-ce qui fait alors que la compagnie soit revenue et avec encore plus de présence qu'avant ? Même si du côté du ministère du tourisme on ne veut pas trop s'attarder sur la question, il est vraisemblable que la compagnie Ryanair ait pu avoir quelques concessions. La plus importante consiste à faire contribuer l'Etat marocain, à travers notamment le ministère du tourisme et l'Office de tourisme, aux dépenses liées au marketing et aux campagnes de communication de la compagnie. «C'est plutôt du co-marketing», explique le ministre du tourisme, Lahcen Haddad, qui estime qu'il s'agit là d'une pratique universelle, sans plus. Le ministre n'en dira pas plus et donnera encore moins une estimation de l'enveloppe que l'Etat devra allouer à ce co-marketing. Qu'à cela ne tienne, l'essentiel pour M. Haddad est de faire en sorte que l'aérien soit véritablement au service du tourisme. D'ailleurs, selon les prévisions de la stratégie 2020, pour assurer le transport des 20 millions de touristes ciblés par le Maroc, le pays aura besoin de plus de 1 600 rotations hebdomadaires sur des villes hors Casablanca et Rabat. Aujourd'hui, ces rotations sont au nombre de 500 seulement. Cela dit, le ministre du tourisme est conscient que certaines erreurs du passé ne devront pas être dupliquées, notamment en ce qui concerne les relations avec les compagnies low-cost. «Nous devons éviter que toute notre stratégie touristique soit bâtie sur les low-cost». D'où alors l'autre question centrale qui se pose aujourd'hui : quid de la RAM dans tout cela ? La compagnie nationale, on le sait, a signé en 2010 un contrat programme avec l'Etat. Lequel contrat contraint aujourd'hui la compagnie nationale à se soucier d'abord de sa rentabilité et rien d'autre. Du coup, il était naturel que la RAM supprime les lignes non rentables indépendamment des considérations d'ordre économique et encore moins en se souciant de la viabilité des destinations touristiques. Sur cette question, le ministre du tourisme est en tout cas lucide : «La RAM fait ce que l'Etat lui a demandé de faire et s'en tient au cahier des charges que sa tutelle lui a fixé dans le contrat programme». Certes, mais comment faire alors pour concilier entre la rentabilité de l'activité et l'inévitable rôle que doit jouer la RAM pour booster les destinations marocaines ? Les besoins en dessertes aériennes sur chaque ville ont été précisés La réponse pour le ministre Haddad coule de source : la compagnie nationale doit nécessairement être au service de l'économie et du tourisme en particulier et pour cela, il faut aujourd'hui revoir le cahier des charges qu'on lui a établi en 2010. Aujourd'hui des lignes comme Londres-Marrakech, Londres-Essaouira ou encore Varsovie-Agadir sont, selon le ministre, essentielles. «Pour lui, même si elles ne sont pas rentables directement pour la compagnie, elles le sont pour l'économie de manière générale». De même, pour ce qui est des vols intérieurs, des dessertes sur des villes comme Dakhla, Ouarzazate ou Zagora doivent absolument être plus intensifiées et commercialisées à des tarifs compétitifs. D'ailleurs, durant le mois de janvier, le ministère du tourisme, celui du transport et celui des finances ont apporté les dernières touches à un nouvelle stratégie pour l'aérien en relation avec la Vision 2020. Les marchés émetteurs ont été passés au peigne fin un à un, les destinations préférées des touristes identifiées, les capacités estimées et les besoins en dessertes aériennes sur chaque ville sont aujourd'hui connues avec précision. Il reste maintenant à mettre en place le dispositif, ce qui ne manquera pas de poser quelques problèmes, d'ordre financier notamment. Mais pour cela, le ministère du tourisme se veut rassurant : l'Etat est décidé à mettre la main à la poche pour subventionner et revoir s'il le faut le contrat programme de la RAM.