La Coalition Génération Genre Maroc (CGGM) a dévoilé, ce jeudi, les résultats de son étude sur le dialogue intergénérationnel dans le mouvement féministe au Maroc. En voici les grandes lignes. Suivez La Vie éco sur Telegram Y a-t-il un dialogue intergénérationnel dans le mouvement féministe marocain ? C'est la question à laquelle a voulu répondre la Coalition Génération Genre Maroc, composée de l'Association démocratique des femmes du Maroc, de la Fédération des Ligues des droits des femmes et de l'Association Médias et cultures à travers une étude dont les résultats ont été présentés aujourd'hui à la presse. L'idée de base de ce travail est, selon les militantes, de «comprendre comment la coexistence de différentes générations et militantismes influence le combat féministe au Maroc». Et aussi comprendre comment la création de synergies peut permettre une continuité du combat pour les droits des femmes et l'égalité des genres. Si l'on retrace l'évolution du mouvement féministe au Maroc durant les trois dernières décennies, il apparaît que quatre générations de féministes mènent une lutte contre les diverses formes de discrimination à leur égard. La génération fondatrice des premières associations, notamment l'Association démocratique des femmes du Maroc, l'Union de l'Action féminine et l'Association marocaine des droits des femmes, constitue un féminisme universel. Leurs revendications s'orientent, comme il ressort de l'étude, «vers l'intégration de la question des femmes dans le projet global de la démocratisation et de l'Etat de droit». Après la marche de Casablanca de 2000, apparaît un contre-mouvement : un «féminisme religieux/islamique» pour défendre «l'identité marocaine musulmane et protéger la famille et la femme marocaine contre des "ennemis" et des courants occidentaux». Il s'agit d'une action collective orientée vers les besoins socio-économiques des femmes «ordinaires», «vulnérables» et «analphabètes». Ce féminisme défend, peut-on lire dans les conclusions de l'étude, la complémentarité au lieu de l'égalité. En 2011, une génération du Printemps arabe prône, quant à elle, un féminisme pragmatique. Composés majoritairement de jeunes, femmes et hommes, notamment de jeunes étudiants et chercheurs, ces féministes accordent la priorité aux droits socio-économiques et aux libertés individuelles et mènent une action collective verticale. Il est impossible de créer un mouvement homogène englobant toute cette diversité... Le féminisme en ligne, militantes connectées, est né après le mouvement #MeToo et a opté pour un militantisme féministe exclusivement en ligne (MASAKTACH, HACHAK, Diha F'rassek, #MeTooUniv...). Le web et les réseaux sociaux numériques en particulier représentent pour ces groupes militants non institutionnalisés un «espace oppositionnel» qui ambitionne la formation des organisations «légères», flexibles, non institutionnalisées et plus horizontales. Les approches déployées par ces divers courants sont certes différentes, mais elles visent toutes la promotion de l'égalité et la justice, l'élimination de toutes les formes de discriminations légales, sociales, économiques ou culturelles, basées sur le genre et le renforcement de l'autonomie des femmes et l'émancipation des femmes par leur propre contrôle de leurs vies. Leur lutte vise, par ailleurs, la violence basée sur le genre, l'instauration d'un système pénal pour la punition et la poursuite des agresseurs et le soutien aux survivantes, le renforcement de la représentation et la participation politique des femmes. L' adversaire est commun et les formes de résistance sont différentes. Mais, comme le souligne l'étude, «la diversité reste non seulement un atout majeur pour le combat féministe, mais aussi un puissant moteur de performance et de réussite». Si les quatre générations de féministes s'accordent là-dessus, elles affirment clairement, en revanche, qu'il est impossible de créer un mouvement homogène englobant toute cette diversité. Et ceci, même si, selon la Coalition, «il possède tous les éléments nécessaires pour fusionner en un mouvement cohérent et efficace, capable de réaliser des avancées substantielles en matière d'égalité des sexes». Composite et hétérogène, le mouvement féministe marocain gagnerait à s'ouvrir à un dialogue qui mettrait fin à la discrimination intergénérationnelle, basée sur l'âge, au sein des associations pionnières. Pour cela, il est recommandé, comme il ressort de l'étude, de se connaître, partager les expériences, les connaissances, tisser les réseaux et coopérer pour préparer la transmission, la succession et la relève. Ce qui se ferait par le biais d'un forum national intergénérationnel inclusif du mouvement féministe, l'élaboration d'une charte pour un mouvement complémentaire et non hiérarchisé des générations. Car pour l'heure, les associations pionnières rencontrent encore des difficultés à intégrer les jeunes et à les garder et les fidéliser. Il faudrait alors s'organiser autrement en procédant à un réaménagement des statuts internes et une innovation des modes de fonctionnement pour dépasser la bureaucratie. Ces recommandations pourraient, conclut l'étude de la Coalition Génération Genre Maroc, «créer une collaboration intergénérationnelle à la fois dynamique, efficace et durable».