Les entreprises du secteur accordent peu de place à la GRH. La politique salariale, la gestion des carrières et les relations professionnelles sont souvent négligées. Une étude de la Fédération nationale du tourisme (FNT) montre que la question de formalisation de la grille de rémunération reste posée. Parmi tous les secteurs de l'économie, le tourisme est celui qui a le plus évolué de manière spectaculaire ces deux dernières années. La preuve: on est passé de 2 à presque 10 millions de touristes en l'espace de 5 ans. Bien entendu, une telle évolution ne se fait pas sans problèmes : outre la pénurie des profils et le fort turn-over qui sévit dans le secteur, les professionnels doivent mener aussi un autre combat pour la professionnalisation des services RH. Dans l'hôtellerie en particulier, l'équation est bien connue : un client mécontent équivaut à plusieurs de perdus. La seule solution pour éviter le pire consiste à soigner le service. Pas facile quand le personnel est insuffisamment ou mal formé et de surcroît peu motivé. Quels sont les chantiers RH que les entreprises du secteur ont mis en place ? Quels sont les maillons faibles, nous avons voulu en savoir un peu plus sur les actions pratiquées. En voici les principaux enseignements. La formation : un chantier généralisé dans la plupart des établissements La formation est par excellence le chantier phare mené par les opérateurs du tourisme. Il est toutefois utile de préciser que nous sommes en face d'un secteur à deux vitesses. Chez les petites unités, généralement les indépendantes, l'essentiel de la formation, quand ils en font, porte le plus souvent sur les techniques de base en matière de gestion hôtelière, entre autres la communication, la relation clientèle, l'accueil, l'animation et l'hygiène. Aussi basique soit-elle, «une telle formation est indispensable pour l'activité», souligne un DRH. En revanche, dans les grandes chaînes, la formation constitue véritablement un pilier de la stratégie. C'est justement cette catégorie d'entreprises qui a davantage profité du «plan Meda II» qui avait pour objectif de relever le niveau de performance des entreprises, ce qui a permis à nombre d'entre elles de bénéficier d'accompagnements nécessaires dans la formation du personnel. Le plus souvent, la formation est répartie sur plusieurs niveaux. D'abord une formation générale qui est pratiquement destinée à tout le personnel. Elle comprend plusieurs thèmes, à savoir la communication, le leadership, l'hygiène et l'attitude à adopter devant un client. Il existe également des formations métiers comme la restauration, la conciergerie, l'organisation des chambres, l'animation et les loisirs…Une autre catégorie de formation est plutôt orientée vers les cadres supérieurs. Elle est ainsi axée sur les techniques de gestion hôtelière, la finance et le marketing. Enfin, les formations sur les langues étrangères. Ceci dit, de plus en plus, les groupes hôteliers intègrent les formations de développement personnel comme axe majeur dans la formation. La pratique des stages et la formation par apprentissage est également répandue dans le secteur. Ceci dit, très peu d'entreprises ont mis en place des centres d'apprentissage inter-entreprises. Recrutement : priorité à la mobilité interne Absence de descriptif de poste, de profils précis de postes ou de procédures de recrutement, contrats peu formalisés, pas de procédures d'intégration, ce sont là les principales difficultés rencontrées en termes de recrutement dans la plupart des entreprises du secteur. Souvent, les grands traits du profil sont définis au moment même du recrutement. Il va de soi que le niveau de formalisation et de détail de cette définition varie d'un établissement à l'autre. Il faut dire que la plupart des entreprises privilégient la mobilité interne avant de procéder au recrutement externe. Cette pratique s'applique aussi bien à la mobilité horizontale et qu'à la mobilité verticale. Autre fait remarqué dans le secteur, beaucoup d'entreprises du secteur ne procèdent pas à la formalité de la lettre d'engagement ou du contrat. Dans la mesure où plus de la moitié des entreprises ne préparent pas de programme de recrutement, l'embauche se fait de manière assez traditionnelle, souvent par manque d'outils GRH, soit parce que l'enjeu n'est pas perçu comme très important, soit que l'entreprise dispose d'une réserve de main-d'œuvre pour la haute saison. Rémunération : un benchmarking suffit pour établir une grille de salaires S'il y a bien un sujet que les entreprises préfèrent éviter, c'est bien celui de la rémunération. Manque de transparence, prolifération de l'informel… Même au niveau des enquêtes de salaires, il est difficile d'avoir des données fiables sur ce secteur. «La plupart du temps, les établissements hôteliers font un benchmarking entre eux pour établir une grille de salaires», constate Tijania Birouk Thépegnier, DRH d'Accor Maroc. Ceci dit, on constate que les salaires ont fortement évolué durant ces dernières années. Cependant, selon Loic Gogue, expert en tourisme et ex-expert RH tourisme du programme Meda II, «à compétences égales, à poste égal et à ancienneté égale, on peut remarquer des disparités». Il souligne que «la rémunération est un chantier qui dépend de la volonté des entreprises dont certaines se donnent les moyens pour mettre en place une véritable politique de rémunération alors que bien d'autres restent dans l'informel». Ainsi, une étude de la Fédération nationale du tourisme (FNT) sur la motivation du personnel dans le secteur du tourisme menée en 2008 montre que six établissements sur dix disposent d'une grille de rémunération, mais la question de formalisation de la grille reste posée. Compte tenu de la réponse majoritaire pour un système combinant l'ancienneté et la performance, on peut penser que les entreprises marocaines ne pratiquent pas suffisamment la gestion axée sur les résultats, mode de gestion en vogue depuis une décennie qui privilégie l'augmentation au mérite. Gestion des carrières : on est loin du compte La gestion des carrières est encore un luxe pour les professionnels du secteur. Ainsi, selon toujours cette même étude de la FNT, une minorité d'entreprises dispose d'un plan de carrière, ce qui montre que la gestion des carrières est encore peu intégrée dans le système de management. Et pourtant près des deux tiers des dirigeants sondés affirment que l'organisation permet des possibilités de carrière, ce qui en soi est un moyen puissant de motivation. «La plupart des entreprises qu'on a accompagnées dans le cadre du programme Meda II montrent qu'elles ont un déficit en termes d'outils de base comme les descriptifs de postes, organigrammes, profils postes…, autant dire que les plans de carrière viennent en dernier lieu», commente les experts qui ont mené l'enquête. Chez Accor Maroc, on a compris l'intérêt de cette gestion prévisionnelle. Pour preuve, un vivier de jeunes cadres à haut potentiel est constitué depuis longtemps, et permet aux concernés de suivre des formations sur mesure. Conditions de travail et relations professionnelles : encore du chemin à faire En ce qui concerne l'organisation du travail, la pratique du travail par équipes est très courante dans le secteur et explique l'importance du travail de nuit qui dépasse 40%. La question de l'hygiène et de la sécurité pose problème, d'autant plus que les activités touristiques présentent des risques. Sur 100 répondants, 33% des entreprises affirment avoir mis en place un comité d'hygiène et de sécurité. L'affichage obligatoire des consignes de sécurité et l'affectation d'un budget pour l'amélioration de la sécurité ne semblent pas inquiéter les responsables alors que cette disposition est d'une importance capitale pour garder un minimum de vigilance et délimiter les responsabilités. D'autre part, à peine 52% des entreprises soumises à l'enquête organisent des sessions de sensibilisation du personnel à la sécurité et l'hygiène. Autre fait marquant, près de la moitié des entreprises du secteur ne prévoit pas de budget pour l'amélioration des conditions de travail. En fait, il s'agit d'un investissement qui n'est pas forcément coûteux et qui produit des effets visibles sur la satisfaction du personnel et sa motivation. Au niveau de la certification des entreprises, le taux d'entreprises certifiées reste encore faible. Communication, SIRH, gestion prévisionnelle, SAP…, les parents pauvres de la GRH Pour la plupart, la communication n'est pas utilisée pour les besoins directs de l'activité, encore moins en interne pour encourager l'esprit d'équipe. Il en est de même pour les systèmes d'information où pour la plupart des structures, l'informatique RH reste confinée à des tâches basiques. Les modules paie et administration du personnel restent de loin les plus utilisés. Suivent la gestion et développement RH ou encore la formation. D'autres outils comme les systèmes d'appréciation des performances ou la gestion prévisionnelle sont encore loin d'être adoptés n brahim habriche