Après coup de Mr Et-Tayeb Houdaifa. Au début n'était pas le verbe, mais le cri, la vocifération, le hurlement, l'imprécation, la furie, la gesticulation d'un corps déchaîné, l'expression d'un visage hâve, noir ou rubicond, qui, bouche écumante, yeux révulsés ou fulminants, jette à l'entour feu et flammes. Au début était la colère. Elle est au premier vers du premier chant de l'«Iliade» : «Chante-nous, déesse, la colère d'Achille !». L'univers de l'«Iliade» est entièrement tissé des faits et des souffrances de la colère, tout comme l'«Odyssée», venue un peu plus tard, décline les faits et les souffrances de la ruse. Pourquoi le poète grec veut-il que l'on chante la colère ? Sans doute parce qu'elle constitue une réaction sincère, au sens plein du qualificatif, au sentiment d'injustice, susceptible de faire trembler ceux qui en forment l'objet. Et c'est de colère que le cœur des Marocains est animé, à la suite des récentes atteintes à la dignité nationale. Un appel à une marche protestataire fut lancé, plus de trois millions de citoyens, de diverses catégories sociales, ethnies, régions et confessions (chrétiens et juifs étaient représentés), y répondirent. En chœur, main dans la main, la voix à l'unisson, l'allure fière, pendant trois heures, sur le boulevard Mohammed VI de Casablanca, ils exprimèrent par slogans ponctués de chants patriotiques, leur courroux envers leurs offenseurs. Cette union sacrée autour des valeurs de la nation force le respect et ne manquera pas de jeter le trouble, sinon la division, dans le camp ennemi et ses affidés. Colère collective, arme dissuasive.