Le laboratoire s'est fait souffler un marché public de 52 MDH. Il a proposé 23 DH pour le flacon de 10 ml contre 19 par son concurrent. Pour des industriels, le problème relève tout simplement d'un manque de compétitivité du plaignant. Le laboratoire Laprophan fait-il réellement du dumping sur l'insuline? C'est sur cette interrogation que doit se prononcer le conseil de la concurrence qui vient d'entamer l'étude d'une requête déposée par le laboratoire Sothema, unique producteur d'insuline au Maroc, auprès du ministère du commerce et de l'industrie. Pour l'heure, le conseil de la concurrence fait savoir qu'«il n'a encore aucun élément à communiquer sur cette affaire dont le rapporteur vient d'entamer l'examen». En attendant les premières conclusions du conseil qui doit, en principe, auditionner dans les prochains jours les parties concernées, des sources proches du milieu pharmaceutique estiment qu'il s'agit d'«un faux problème». Et certaines d'entre elles vont même jusqu'à dire que «le Maroc achète trop cher son insuline !» Alors qu'en est-il réellement ? Tout a commencé lorsque Sothema, habituel soumissionnaire aux appels d'offres du ministère de la santé, s'est fait doubler par son concurrent de toujours, Laprophan, qui a remporté le marché public pour l'année 2010 parce que son offre est plus compétitive. Ce laboratoire a vendu son insuline à 19 DH le flacon de 10 ml alors que le prix de Sothema était de 23 DH. Ayant perdu le marché, Sothema, dont la majorité de sa production d'insuline (l'Insulet) est destinée au secteur public, a été contraint d'arrêter sa ligne de fabrication. Un coup dur pour l'entreprise qui a réalisé un gros investissement dans une usine à Bouskoura. Contacté par La Vie Eco, le laboratoire Laprophan se dit «étonné par la démarche de la concurrence. Car il n'y a pas de problème de prix et nous avons également été, et cela à plusieurs reprises, écartés de certains appels d'offres faute de compétitivité !» Et la même source d'ajouter: «Pour l'instant, nous n'avons été contactés par aucune autorité. Et nous sommes prêts, au moment voulu, à fournir toutes les explications nécessaires». L'insuline coûte cher au Maroc Le laboratoire a été le premier distributeur d'insuline au Maroc, et ce, depuis 1960. Importateur de l'insuline humaine Novo produite par le groupe pharmaceutique danois, NovoNordisk, il est leader sur le marché privé de l'insuline et soumissionne régulièrement, et ce, depuis 10 années aux appels d'offres du ministère de la santé. Son offre variait souvent entre 20 et 25 DH le flacon de 10 ml. «Notre prix sur le marché public est un prix préférentiel accordé par NovoNordisk au Maroc. Ce coût s'inscrit dans le cadre d'une stratégie du fabricant danois qui a décidé d'uniformiser le prix de vente de son insuline à travers le monde pour aider les pays à assurer l'accessibilité de ce traitement aux diabétiques», expliquent les responsables de Laprophan. Aujourd'hui, on compte 3,5 millions de diabétiques insulino-dépendants et le marché public est estimé à 2,7 millions d'unités (flacons), ce qui représente 52 millions de DH en valeur selon le prix proposé par Laprophan. Pour sa part, le laboratoire Sothema, unique producteur d'insuline au Maroc, n'a pas souhaité se prononcer sur le dossier. Ses responsables prévoient de se prononcer officiellement dans les jours qui viennent. Cependant, on retiendra, selon des sources proches du dossier, que le laboratoire a proposé un prix de 23 DH contre les 19 DH par son concurrent. Dans le milieu de l'industrie pharmaceutique, on dit ne pas comprendre «l'offre de prix de Sothema qui est fabricant local et qui n'est pas compétitif face à son concurrent qui, lui, est importateur et doit en plus supporter les frais de transport et les taxes douanières !». C'est en fait l'étude des différentes composantes des coûts qui devrait permettre au Conseil de la concurrence de trancher. Mais pour des membres de la profession, le problème réside ailleurs. Ce laboratoire a réalisé, selon ces mêmes sources, un investissement démesuré et surdimensionné par rapport au marché. «C'est une erreur stratégique de la part de Sothema et l'on ne peut demander à l'Etat de subventionner cet investissement en achetant de l'insuline cher alors qu'il existe une offre compétitive», commente un industriel de la place. Il ne manque pas d'ajouter que le Maroc, malgré tous les efforts déployés, achète cher son insuline. Et pour cela, il cite l'exemple d'un appel d'offres lancé en France, pour la région d'Aquitaine, portant sur des flacons de 10 ml vendus à 0,9 euro. «Comment Sothema peut parler de dumping alors que le prix reste élevé par rapport à la France ?» , s'interroge ce même industriel.