Promulguée en 2002, elle est jugée inapplicable par les promoteurs. Ces derniers ont déposé une vingtaine de propositions d'amendement auprès de l'Habitat. La commercialisation et la prénotation sont les deux points de discorde. La loi sur la vente en l'état futur d'achèvement (Vefa) sera enfin adaptée à l'évolution du secteur. Cette fois-ci, ce sont à la fois le ministère de l'habitat et de l'urbanisme et les promoteurs immobiliers qui sont décidés à dépoussiérer la loi 44.00 qui complète le dahir formant code des obligations et des contrats. Il est vrai, depuis sa publication au Bulletin officiel en novembre 2002, cette loi n'a jamais été appliquée, notamment pour des raisons d'incohérence. Les deux parties ont donc convenu de se rencontrer au courant de ce mois de juillet pour discuter des correctifs à apporter, annonce Mounia Lahlou, directrice de la promotion immobilière du ministère de l'habitat. «Après les séances de travail programmées avec le ministère, une mouture définitive des amendements revus et corrigés sera aussitôt déposée au Secrétariat général du gouvernement», se réjouit Youssef Iben Mansour, le président de la Fédération nationale de la promotion immobilière (FNPI). Une vingtaine d'observations critiques au texte ont déjà été déposées au ministère de tutelle. Globalement, cette loi dispose qu'«est considérée comme vente d'immeuble en l'état futur d'achèvement, toute convention par laquelle le vendeur s'oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé et l'acquéreur s'engage à en payer le prix au fur et à mesure de l'avancement des travaux». Mais ce sont les détails entourant cette Vefa qui en compliquent l'application. Les promoteurs mettent en évidence deux gros points. D'abord la question du financement. «Dans le cadre de la Vefa, vous n'avez pas le droit de commencer la commercialisation de votre projet avant la sortie du sol de l'ensemble des fondations. Par exemple, dans le cas où un promoteur développerait un complexe immobilier sur 40 hectares qui prévoit un ensemble de maisons individuelles et d'appartements collectifs, il est obligé d'attendre, selon la loi, que l'ensemble des fondations des habitations soit visible. Or, dans la pratique, cela s'avère impossible, si l'on se réfère à la logique d'autofinancement des projets par l'acquéreur qui est favorisée par la Vefa», constate Mehdi Koutbi, directeur délégué de la FNPI. Dans la pratique, donc, les promoteurs ne respectent pas cette loi et la seule obligation à laquelle ils se plient est de ne percevoir les premiers arrhes de l'acquéreur que lorsque les fondations de l'immeuble dans lequel se trouve l'appartement ou la villa sont réalisées. L'Habitat déclare rester ferme sur la protection des droits des acquéreurs L'autre grande source de discorde est le 618-10. Il stipule que «lorsque l'immeuble est immatriculé, et après accord du vendeur, l'acquéreur peut, pour la conservation de son droit, requérir du conservateur de la propriété foncière la mention d'une prénotation (NDLR : mention portée sur le titre foncier pour la conservation provisoire d'un droit prétendu sur un immeuble immatriculé) et ce, sur production du contrat préliminaire de vente. La prénotation demeure valable jusqu'à l'inscription du contrat définitif de vente sur le titre foncier de l'immeuble objet de la vente. Dès la mention de la prénotation, il est interdit au conservateur de délivrer au vendeur le duplicata du titre foncier. Le contrat définitif prend rang à la date de la mention de prénotation» . En théorie, cette disposition donne à l'acquéreur un droit qui, dans la pratique, n'en est pas un, explique, en substance, M. Koutbi. Mais c'est du côté du promoteur que les choses se compliquent. «Mettez-vous un instant à la place du promoteur qui doit vendre un projet composé d'un millier d'appartements et que, pour dix appartements déjà vendus, les acquéreurs aient inscrit une prénotation à la conservation foncière. Ce promoteur devient prisonnier de ces clients et ne peut plus donc éclater aucun de ces titres sans l'accord préalable de l'annulation des prénotations», s'alarme-t-il. Le directeur délégué de la FNPI précise toutefois que «ce genre de problème n'a pas été constaté, pour la bonne raison qu'aucun promoteur n'a donné son accord pour une prénotation», mais le client qui pousserait la logique jusqu'au bout serait en droit d'obtenir sa prénotation. Le ministère de l'habitat reconnaît le bien-fondé de certaines remarques formulées par les promoteurs. Il en est ainsi du démarrage de la commercialisation (conclusion du contrat préliminaire de vente). A ce propos, Mounia Lahlou souligne qu'«il serait plus pertinent d'appliquer un pourcentage minimal de fondations surgies du sol pour autoriser la commercialisation et ainsi alléger la contrainte des promoteurs». Par contre, elle reste ferme quant aux droits des acquéreurs. «Nous avons un devoir de protection vis-à-vis du citoyen. Nous prendrons en considération les amendements proposés par les promoteurs, mais il est évident que nous ne répondrons pas de manière favorable à l'ensemble des requêtes», prévient-elle. Quelles que soient les divergences, il est certain que les deux parties tiennent à un compromis. Pour les promoteurs, c'est une loi d'avenir, mais il faudra bien l'assouplir pour qu'elle puisse apporter plus de transparence dans les transactions et donner de l'impulsion aux projets immobiliers.