Le ministre de l'Agriculture a livré, jeudi à Casablanca, sa vision pour atteindre la sécurité et la souveraineté alimentaire dans notre pays. Pour lui, l'un des acquis du Maroc pour la réussite de cette ambition est la présence active de l'investissement privé dans le secteur. Les besoins et les conditions nécessaires pour assurer la sécurité et la souveraineté alimentaires ont été au cœur d'un débat organisé par Aujourd'hui Le Maroc, jeudi soir à Casablanca, en présence du ministre de l'Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et forêts, Mohamed Sadiki. En préambule à son intervention, Sadiki a rappelé le contexte de «polycrise» qui impact en profondeur le secteur agricole, marqué par deux années de sécheresse aigues, la baisse des ressources hydriques, le conflit Russie-Ukraine, sans oublier bien sûr la crise du Covid-19. Des chocs qui ont révélé la nécessité d'une transformation du système alimentaire du Royaume et d'investir davantage dans la résilience, et qui ont remis au-devant de la scène les notions de sécurité et de souveraineté alimentaires. Encore faut-il bien définir ces deux concepts de sécurité et souveraineté alimentaires. Comme l'a souligné le ministre, la sécurité alimentaire est un objectif. Il vise à assurer la disponibilité des produits alimentaires de qualité dans des marchés bien organisés. Mais ce concept ne définit pas comment y parvenir. La souveraineté alimentaire est justement l'une des voies pour atteindre la sécurité alimentaire. Elle met en parallèle la politique alimentaire d'un pays et sa politique agricole. Dans ce domaine, le Maroc a réalisé des pas de géant cette dernière décennie. «Grâce aux efforts déployés dans le cadre du Plan Maroc Vert (PMV), dont l'adoption des contrats-programmes de développement des filières agricoles, les productivités agricoles affichent des résultats satisfaisants, ce qui a permis d'atteindre des taux de couverture des besoins alimentaires parmi les plus élevés dans la région», s'est félicité le ministre. «Nous sommes à un taux de 100% pour les viandes rouges et blanches, le lait, et les fruits et légumes. Nous sommes à 46% pour le sucre et 53% en moyenne pour les céréales», a-t-il affirmé. L'investissement privé au rendez-vous Plusieurs leviers de transformation du système alimentaire du Royaume ont par ailleurs été actionnés. Le ministre a cité à cet égard une levée de fonds de plus de 40 milliards de dirhams (MMDH) auprès des bailleurs de fonds, la production de plus de 4.500 textes juridiques, ou encore la signature de 19 contrats-programmes avec les interprofessions dans le cadre du Plan Génération Green (2020-2030). Pour Mohamed Sadiki, l'un des acquis du PMV est que le secteur agricole est devenu un secteur d'investissement, où on peut gagner de l'argent, qu'on soit petit ou grand exploitant. «L'investissement est au cœur de l'équation de développement. Ce n'est pas du social», a-t-il martelé. Selon les chiffres présentés par le ministre, l'investissement étatique dans le secteur a culminé à 54 MMDH en 2020, contre 79 milliards d'investissements privés. «Cela veut dire que les investisseurs font confiance au secteur et à sa stratégie. C'est primordial», a souligné Sadiki. Ces investissements concernent différentes composantes de la stratégie étatique dont les aménagements hydro-agricoles. «Pratiquement 50% de l'effort porte sur les questions d'irrigation», a précisé le ministre. Dans ce domaine crucial du financement, le Crédit agricole du Maroc joue un rôle fondamental. Mohamed Fikrat, président du directoire de la banque, a d'ailleurs mis l'accent sur l'importance du financement dans la construction et la consolidation de la sécurité et la résilience alimentaire. Selon lui, le financement du monde agricole et l'écosystème agro-business représente entre 3% et 4% du produit intérieur brut (PIB), dont 85% de cette quote-part est financée par le CAM. Pour Fikrat, les stratégies PMV et Génération Green contribuent à construire une industrie agro-alimentaire résiliente, qui a été mise à l'épreuve, compte tenu des différentes crises qui se sont succédées. S'agissant des défis à relever pour atteindre la souveraineté et la sécurité alimentaires, le président du directoire du CAM a évoqué le stress hydrique, consécutif au changement climatique et à la sécheresse. Un avis partagé par Rachid Benali, président de la Confédération marocaine de l'agriculture et du développement rural (COMADER), qui estime que la ressource hydrique est la principale contrainte sur la production. «4,6 milliards de mètres cubes d'eau sont nécessaires pour la production annuelle. Cette année, le secteur agricole s'est contenté de moins de 700 millions de mètres cubes», a-t-il affirmé. Le montant en puissance progressive des techniques d'irrigation, en particulier le goutte-à-goutte (plus de 700.000 hectares de surfaces irrigués avec l'objectif d'atteindre 1 million d'hectare d'ici 2027) et la mise en œuvre du programme national pour l'approvisionnement en eau potable et l'irrigation doté de 150 milliards de dirhams, devraient contribuer à sensiblement améliorer la situation. En parallèle à ces efforts qui produiront leurs effets sur le moyen et long termes, l'Exécutif déploie, sur instructions royales, le nouveau programme de soutien aux agriculteurs, doté d'une enveloppe de 10 milliards de dirhams. «C'est une véritable bouffée d'oxygène pour les agriculteurs», s'est félicité Rachid Benali. Et d'ajouter : «c'est la première fois que nous recevons une aide directement à la production. Jusqu'à aujourd'hui nous avions des subventions à l'investissement ou à l'exportation, mais jamais aux produits et au financement des intrants».