Les Débats de La Vie éco ont braqué les projecteurs sur le secteur du tourisme et sa nouvelle feuille de route qui, de l'avis des professionnels, contient les ingrédients pour que le Maroc puisse jouer dans la cour des grands. Compte-rendu. "Entre 2010 et 2019, le Maroc n'a attiré que 3,6 millions de touristes supplémentaires, contre 8 pour la Croatie, 10 pour le Portugal, 16 pour la Grèce et 19 pour la Turquie. Le temps est venu de sortir de notre torpeur et de faire preuve de plus d'ambition et d'audace si nous voulons jouer dans la cour des grands», Fatim-Zahra Amor, ministre du Tourisme, a d'emblée planté le décor sur la situation du tourisme national, qui est loin d'exploiter son plein potentiel. Après la crise sanitaire qui a durement impacté le secteur, suivie d'une année 2022 prometteuse rendue possible par le plan d'urgence mis en place par le gouvernement, l'heure était donc venue d'élaborer une nouvelle vision pour le tourisme, en tirant les leçons des précédents plans d'action, aux résultats pour le moins mitigés. Et la barre est placée très haut. «Aujourd'hui, notre vision est claire : nous voulons doubler le nombre d'arrivées touristiques pour atteindre 26 millions en 2030, et positionner ainsi le Maroc parmi les plus grandes destinations mondiales», a affirmé la ministre. La nouvelle feuille de route 2023-2026 du secteur, dévoilée vendredi 17 mars, fruit d'une longue concertation entre le gouvernement et les professionnels, fixe un objectif intermédiaire de 17,5 millions d'arrivées touristiques en 2026, soit une croissance de 10% par an. Elle prévoit aussi, a rappelé la ministre, de créer 200.000 emplois supplémentaires et d'atteindre 120 MMDH de recettes (au lieu de 90 MMDH en 2022). Devant une assistance composée de nombreux opérateurs touristiques représentant toutes les filières, Amor a décliné les grandes lignes de cette feuille de route, qui repose d'abord sur une nouvelle logique de l'offre structurée autour de 9 filières thématiques (Beach & sun, Desert & Oasis, tourisme d'affaires, Nature, etc.) et 5 filières transverses (gastronomie, festivals, etc). «Ces filières reflètent les marchés matures au Maroc et mettent en avant le potentiel naturel et les spécificités authentiques du pays, et nous allons leur donner tous les moyens de se développer», a-t-elle souligné. La consolidation de l'offre hôtelière, le renforcement de la promotion et du marketing digital, le renforcement du capital humain, ou encore le doublement de la capacité aérienne, sont également au programme. L'une des grandes nouveautés de cette feuille de route, et l'un de ses facteurs clés de succès, réside dans la refonte de la gouvernance du secteur et l'ancrage de la stratégie au niveau le plus haut de l'Exécutif, avec la Commission nationale interministérielle du tourisme (CNIT), qui sera présidée par le chef du gouvernement. La CNIT s'appuiera sur deux commissions nationales (aérien et produits) et sur 12 commissions régionales. Autres innovations: 10 laboratoires «d'impulsion» public-privé seront créés pour le développement des filières. Un gros travail est déployé dans ce sens par la Société marocaine d'ingénierie touristique (SMIT) sur des thématiques, telles que le digital, la culture et la gastronomie, afin d'améliorer les produits, les offres et la capacité hôtelière. Son président, Imad Barrakad, explique à ce propos que «la variété des paysages et les merveilles naturelles ne sont pas suffisantes pour fidéliser les clients». Le financement étant le nerf de la guerre, la feuille de route n'a pas lésiné sur les moyens. Pas moins de 6,1 MMDH ont été sécurisés pour son déploiement auprès du ministère des Finances. «Cette enveloppe vient s'ajouter au budget alloué dans le cadre de la Loi de finances 2023 (près de 700MDH, Ndlr.), aux subventions de la Charte de l'investissement et à la contribution des collectivités locales». Au final, tout en capitalisant sur le momentum positif que connaît actuellement la destination Maroc, dont l'image s'est considérablement renforcée depuis la Coupe du Monde au Qatar, les conditions sont désormais réunies pour «faire du Royaume l'une des plus grandes destinations touristiques au monde». Le lancement de cette feuille de route a été accueillie avec enthousiasme par les professionnels du secteur. «Cela fait longtemps que l'on milite pour que ce secteur, qui fait vivre plus de 2,5 millions de Marocains soit enfin considéré comme une véritable locomotive de l'économie marocaine. Nous en rêvions», a déclaré Hamid Bentahar, président de la Confédération nationale du tourisme (CNT), qui n'hésite pas à qualifier ce moment «d'historique». Renforcer l'aérien Pour cet opérateur touristique, «l'effet Mondial est positif, et la notoriété [du Maroc] est exceptionnelle. Le plan d'action doit permettre de ramener un maximum de visiteurs chez nous». Mais pour cela, la connectivité aérienne doit être considérablement améliorée. «Les Brésiliens nous adorent. Mais s'il n'y a pas de vols pour les faire venir, on fera des petits chiffres», a-t-il averti. Et d'ajouter: «La notoriété c'est un sujet. Mais en face, il y a la connectivité qui est un fondamental». Sur ce point précisément, Adel El Fakir, directeur général de l'ONMT, a indiqué que l'objectif est de doubler la capacité des sièges d'ici 2030, pour la faire passer de 14 millions à 28 millions. «L'aérien est la porte d'entrée du Maroc. 85% des arrivées en 2019 se sont faites à travers l'aérien, ce qui fait du Maroc quasiment une destination insulaire», a-t-il fait remarquer. Raison pour laquelle l'ONMT, en plus de l'élaboration de campagnes promotionnelles d'envergure autour de la marque «Maroc», multiplie les accords et les partenariats avec les compagnies aériennes. L'Office a notamment ouvert, en partenariat avec 10 compagnies aériennes, 35 nouvelles lignes aériennes desservant 8 destinations marocaines pour la saison estivale 2023. Pour le président du CNT, il faut continuer à mettre le paquet sur l'aérien, en particulier sur les longs-courriers. «Aujourd'hui, on fait 80% de notre business avec quelques marchés émetteurs traditionnels. Le monde est vaste. Nous avons besoin d'aller chercher les touristes, en Inde par exemple. Nous devons tous nous mobiliser pour avoir plus d'avions», a-t-il expliqué. Connectivité à renforcer, ressources humaines à former, écosystèmes touristiques à bâtir, etc. Les défis sont nombreux. Mais l'impression générale qui s'est dégagée des débats est clairement à l'optimisme. «On ne peut plus dire que nous n'avons pas les moyens de nos ambitions», a affirmé Hamid Bentahar, appelant l'ensemble des professionnels du secteur à se mobiliser, car «le travail ne fait que commencer». ILS ONT DIT : Fatim-Zahra Amor, Ministre du Tourisme «La feuille de route n'est que le début du travail. Nous devons absolument la mettre en œuvre le plus vite possible parce que le Maroc a aujourd'hui un incroyable momentum à l'international. C'est le moment de le saisir pour pouvoir faire un vrai saut qualitatif et quantitatif.»
Imad Barrakad, Président du directoire de la SMIT «La variété des paysages et les merveilles naturelles ne sont pas suffisantes pour fidéliser et capter les clients. Il faut aujourd'hui se renouveler. C'est là où intervient l'ingénierie touristique pour créer une offre qui devient attractive en termes d'intensité. Il faut offrir au touriste autre chose que ce qu'il voit.» Adel El Fakir, Directeur Général de l'ONMT «37 % des voyageurs passent par les agences de voyages. Il est nécessaire de travailler sur les outils de fidélisation des visiteurs et sur la force de frappe des plateformes de conseil et de ces agences afin de gagner la confiance des potentiels voyageurs. Il y a un potentiel incroyable pour la marque Maroc.»
Hamid Bentahar, Président du CNT «Il y a beaucoup de raisons de se réjouir. La feuille de route contient des ambitions mais aussi des moyens importants. Nous considérons qu'elle est crédible avec des objectifs priorisés, une gouvernance renouvelée. Tous ces éléments nous rendent confiants.»