Après un début d'année 2023 tourmenté, l'indice boursier a enregistré un rebond prolongé au cours de la semaine du 6 au 13 février, lui permettant d'effacer la quasi-totalité de ses pertes. Explications. Les semaines se suivent mais ne se ressemblent pas à la Bourse de Casablanca. Mis au tapis en début d'année suite au choc obligataire du 9 janvier, puis évoluant par la suite sans véritable cap, le marché actions a repris de la hauteur, sur d'importants volumes, la semaine dernière. Le Masi a en effet gagné 3,80% entre le 6 et le 10 février, effaçant quasiment l'intégralité de ses pertes cumulées depuis le début de l'année, se permettant même un passage en territoire positif, à l'issue de la séance du vendredi (+0,8% à 10.728,31 points). Un petit miracle au regard des conditions actuelles du marché, marquées par l'inflation et le resserrement de la politique monétaire de Bank Al-Maghrib, qui restent défavorables aux actions. Le rebond du marché boursier s'est interrompu lundi 13 février, lors d'une séance de prises de bénéfices, ramenant la performance annuelle du Masi légèrement en territoire négatif (-0,52% à 10.664 points). Les raisons derrière cette «remontada» sont nombreuses, mais les analystes interrogés en privilégient deux : le mouvement de détente sur les taux qui se dessine sur le marché des bons du Trésor (BDT) et un particulier regain d'intérêt de la part d'investisseurs étrangers pour certains titres cotés à la Bourse de Casablanca. Accalmie sur les taux Pour le premier point, on constate en effet que la hausse des taux a enregistré un certain ralentissement lors des dernières séances d'adjudication du Trésor, ce qui profite au marché actions. Cette accalmie s'est manifestée notamment lors de la séance du 7 février, où le Trésor a pu réaliser une importante levée de 14 MMDH (dont 5,1MMDH sur la maturité 2 ans indexée sur le taux 13 semaines, sans concéder de hausse sur le taux). Le rendement primaire sur le bon à 52 semaines a même reculé de -7 points de base, à 3,46%. Le succès de l'opération d'échanges de titres réalisée le 9 février, au cours de laquelle le Trésor a échangé des BDT dont le remboursement était prévu le 14 par des titres de moyen terme, pour un montant de 4,5 MMDH, a également contribué à détendre le marché et apaiser les tensions sur les maturités courtes. Cette accalmie sur les taux a par ailleurs été accompagnée d'une série de signaux positifs sur l'inflation envoyés récemment par le wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, qui a affirmé, lors du Symposium du Conseil du développement et de la solidarité (CDS) à Rabat, que «les prémices d'un retournement apparaissent». «Les investisseurs ont apprécié le ton non offensif du wali de Bank Al-Maghrib lors du Symposium», analyse Farid Mezouar, directeur de FL Markets et spécialiste des marchés. «Abdellatif Jouahri a précisé que les conditions monétaires restent largement accommodantes malgré la hausse du taux directeur. Cette déclaration a pu dédramatiser le niveau actuel des taux, surtout que ces derniers se sont plutôt stabilisés après la flambée initiale», ajoute notre interlocuteur. Retour des flux étrangers Pour ce qui est du second facteur qui a alimenté le rebond de la Bourse, les opérateurs du marché font état d'un regain d'intérêt «palpable» de la part d'investisseurs étrangers pour les actions au Maroc. Bien qu'il soit difficile de le mesurer quantitativement pour le moment, car les données compilées ne sont communiquées que trimestriellement, ce retour des investisseurs étrangers peut se lire sur l'évolution du MSCI Frontier Markets (indice des marchés pré-émergents de Morgan Stanley où le Maroc est représenté par 10 valeurs). «Le MSCI Frontier Markets a pris 4,4% en 2023, ce qui dénote d'un regain d'intérêt des investisseurs internationaux pour ces marchés boursiers, dont celui du Maroc. En effet, l'anticipation d'une hausse modérée des taux de la FED profite aux actifs risqués, dont les marchés boursiers Frontier», explique notre source. Le Maroc, étant le deuxième marché le plus important du MSCI FM derrière le Vietnam, avec une pondération de 9,39% dans cet indice qui regroupe une trentaine de pays, profite naturellement de cette évolution. Et ce sont les grosses capitalisations, représentées dans cet indice, qui en bénéficient le plus. «En général, les gérants qui investissent dans les Frontier Markets optent pour une gestion indicielle ou benchmarkée, ce qui profite aux poids lourds de la cote comme Maroc Telecom ou Attijariwafa bank (les deux plus grosses capitalisations de la place casablancaise). Ces deux valeurs ont d'ailleurs vu leurs cours augmenter de respectivement 3,5% et 5,9% lors de la semaine précédente», fait remarquer F. Mezouar, tirant vers le haut le Masi. Les deux mastodontes de la Bourse casablancaise ont également drainé les plus gros volumes de transactions avec des montants respectifs de 116 et 119 MDH durant la même période. Marges : Disway donne le ton Cette embellie boursière est-elle durable ou n'est-elle que passagère ? Difficile de se prononcer tant la situation reste volatile et remplie d'incertitudes, en particulier sur le plan international. Au niveau local, la prudence reste de mise, comme préconisé par le stratégiste en chef d'Attijari Global Research pour les secteurs de la cote autres que les secteurs bancaires et miniers, en attendant que le marché intègre les annonces des résultats 2022 qui donneront une idée précise de l'impact de l'inflation sur les marges des sociétés cotées. Disway, première d'entre elles à rendre publics ses indicateurs d'activités au titre du quatrième trimestre 2022, a donné le ton cette semaine : en dépit d'une hausse de son chiffre d'affaires de 6,9% pour atteindre 1,95 MMDH au terme de l'exercice 2022, le leader de la distribution de matériel informatique au Maroc a informé le marché qu'il anticipe une baisse de -25% de son résultat net consolidé par rapport à celui de 2021. La profitabilité du groupe a été impactée par la volatilité des devises et la hausse des prix d'achat, répercutées partiellement sur les prix de vente, ainsi que par le niveau élevé des stocks, a expliqué la société dans son communiqué financier. Une configuration qui devrait être similaire à celle de nombreux secteurs de la cote, pareillement exposés en 2022, sinon plus, aux devises et à la flambée des prix des intrants.