Candidat unique des réformateurs, Salaheddine Mezouar sera officiellement élu à la tête du RNI samedi 23 janvier. Les poids lourds du parti ont rejoint le camp du renouveau, entraînant avec eux l'adhésion de la majorité. La tenue du Conseil national pourrait déboucher sur la présentation d'une nouvelle doctrine pour le RNI après 23 ans de positionnement dans la démocratie sociale. Salaheddine Mezouar deviendra-t-il le troisième président du RNI ? Prévu à l'ordre du jour de la réunion du Conseil national du parti de la colombe, samedi 23 et dimanche 24 janvier au Palais des congrès de Marrakech, de même que la question de la régionalisation ou l'affaire du Sahara, le débat sur la situation du RNI devrait très probablement déboucher sur la destitution de l'actuel président du parti, Mustapha Mansouri, par la structure même qui l'avait désigné fin mai 2007. L'élection de son successeur s'annonce sans surprise : vendredi 15 janvier à Bouznika, Salaheddine Mezouar était officiellement désigné candidat unique du camp réformateur qui mène bataille depuis septembre dernier pour imprimer une nouvelle dynamique au parti. Toutefois, assure-t-on, la reprise en main du RNI ne devrait pas s'arrêter là. «Le gros du travail va démarrer le 24 janvier. A ce moment-là, nous pourrons lancer la restructuration, organiser, donner les impulsions qu'il faut, et préparer un parti qui peut jouer les premiers rôles à l'issue des législatives de 2012», explique Anis Birou, membre du comité exécutif du parti et secrétaire d'Etat chargé de l'artisanat. «C'est un événement qui va changer la physionomie et la position du RNI», promet-il. En effet, le camp «réformateur» se prépare à soumettre, à la réunion de Marrakech, un document en vue de réformer la doctrine du parti de la colombe : «En 1983, le RNI avait opté pour la démocratie sociale. En 27 ans, beaucoup de choses se sont passées au niveau international, mondial, régional ou national», poursuit-il. Mustapha Mansouri aura résisté jusqu'au bout Il y a quelques jours, cette réforme avait failli se perdre dans les méandres de la justice. Le président du parti Mustapha Mansouri est en effet allé jusqu'à intenter un procès aux partisans de Mezouar pour faire annuler la réunion de Marrakech. Toutefois, son procès, qui s'est déroulé sur deux jours mardi et mercredi au tribunal de première instance de Rabat, s'est soldé par un verdict favorable au camp réformateur. Ces derniers, qui, avant même d'en connaître l'issue, avaient annoncé leur intention de faire appel si la justice venait à trancher en faveur de M. Mansouri, se disent aujourd'hui soulagés. «En se référant aux statuts du parti et en examinant la liste des deux tiers du conseil national, le tribunal a conclu à la conformité de la réunion avec les statuts du parti», explique Mohamed Boussaïd, qui souligne que c'était M. Mansouri lui même qui avait pris la décision d'aller devant les tribunaux. Alors que l'élection de M. Mezouar ne semble plus qu'une simple formalité, M. Mansouri continuera-t-il de faire de la résistance en faisant appel ? A quelques jours de la clôture de la session d'automne à la Chambre des représentants, le président du RNI et numéro un de la première Chambre était allé jusqu'à rejeter l'offre d'accord amiable lancée par son rival samedi dernier, lui proposant de quitter la direction du parti en échange du soutien du RNI pour un nouveau mandat à la tête de la Chambre des représentants lorsque le siège sera remis en jeu à l'ouverture de la session d'avril. «Je respecte la légalité, les institutions, la démocratie interne que nous avons initiée lors du quatrième congrès et les décisions de la base du RNI. Par conséquent, je ne céderai pas au marchandage», affirmait lundi Mustapha Mansouri. «Ces ministres ne sont pas des parlementaires. Le choix du président de la Chambre des représentants n'est pas entre leurs mains. D'autres partis, d'autres considérations doivent être pris en compte», avait-il ajouté. Largement favorisé, le camp Mezouar semble avoir déjà gagné la partie. Quoi qu'il arrive, sa démonstration de force du samedi 16 janvier, au cours de laquelle il a fait échouer la tenue du comité central par manque de quorum, lui a permis de démontrer que Mansouri n'avait plus les soutiens nécessaires pour continuer un combat dans ce qui semble s'être transformé en une fuite en avant initiée il y a un mois… Les prémices de la défaite depuis le 24 décembre déjà Flash-back. Casablanca, 24 décembre 2009. Salaheddine Mezouar, fort d'une délégation de pouvoir octroyée par Mansouri lui-même, plus de deux mois auparavant, et accompagné d'un nombre non négligeable de cadres membres du camp réformateur, annonce, pour les 23 et 24 janvier, l'organisation d'une réunion du Conseil national du RNI. Mustapha Mansouri, qui était revenu sur sa décision de lui confier les rênes du parti, répliquait en convoquant le comité central, structure intermédiaire entre le congrès et le Conseil national pour le samedi 16 janvier. Dans un premier temps, les réformateurs annoncent leur intention de participer à cette rencontre. Ils changeront d'avis 24 heures seulement avant l'événement. Réunis le vendredi 15 janvier au complexe Moulay Rachid de Bouznika, les détracteurs de Mustapha El Mansouri sont désormais assurés d'avoir l'avantage du nombre avec 271 personnes sur les 405 qui constituent le comité central. Ayant proclamé Salaheddine Mezouar candidat au poste de président, les participants décident de faire une démonstration de force devant le local où doit se réunir le comité central. Samedi 16 janvier. Les 271 militants dénombrés dans la nuit du vendredi, rejoints par une trentaine d'autres, venus des régions d'Agadir, Taza, Al Hoceima et Taounate, se rendent en bus à Rabat. Ils se postent à l'entrée du Club du ministère de l'équipement, à Hay Riad, où la réunion prévue par Mustapha Mansouri doit démarrer à 9 h du matin. A l'intérieur, près de 200 personnes sont venues assister à la rencontre. Toutefois, selon le décompte effectué par un huissier de justice dépêché par les détracteurs de Mustapha Mansouri, seules 43 figurent sur la liste officielle des membres du comité central, telle que déposée auprès du ministère de l'intérieur. Parmi eux, quatre seraient des «réformateurs» envoyés en éclaireurs. Ces effectifs sont très loin du quorum nécessaire pour assurer la validité de la réunion. «A mon avis, ils n'ont pas voulu entrer car ils évitent d'aborder les problèmes du parti», protestait Mustapha Mansouri. «La réunion du comité central était illégale dès le départ puisque le comité exécutif ne s'est pas réuni pour la décider, il n'a décidé ni le lieu ni l'ordre du jour», indique pour sa part Abdelaziz Alaoui Hafidi. Du côté des «réformateurs», certains expliquent également le refus d'entrer par la volonté d'éviter la confrontation avec les personnes amenées sur place par le camp adverse. Un face-à-face d'autant plus inutile qu'ils avaient déjà atteint leur objectif en montrant que la majorité était de leur côté. Arrivé sur les lieux vers 11h du matin, M. Mansouri est contraint d'entrer par la porte de derrière. La réunion à proprement parler ne démarrera que vers 12h30, sans le quorum nécessaire. Décision est alors prise de lever la séance, le temps d'aller déjeuner. Organisée dans l'après-midi, une nouvelle réunion des 43 membres du comité central restés fidèles à M. Mansouri appellera à la «démission ou au gel du bureau exécutif du parti» et charge la commission juridique d'étudier le sujet. Elle appelle aussi à l'annulation de la délégation accordée à Salaheddine Mezouar pour gérer les affaires du parti. Faute de quorum, les décisions de la structure n'ont aucun poids juridique. Seule alternative restante pour M. Mansouri : lancer une nouvelle convocation à l'intention de l'ensemble des membres du comité central, ou s'avouer vaincu. Les anciens prennent parti Elu en mai 2007 à l'occasion du IVe congrès du RNI, Mustapha Mansouri avait remporté la majorité des voix contre un Mustapha Oukacha donné favori, qui, selon les bruits de l'époque, comptait passer le flambeau au bout de deux ans à Salaheddine Mezouar. Toutefois, quelques mois seulement après son élection, sa gestion du parti faisait l'objet de critiques. La contestation ne débutera véritablement qu'en septembre 2009, lorsque ses sorties médiatiques en relation avec l'affaire Jouahri et la défaite du candidat RNI au poste de président de la Chambre des conseillers, qui n'avaient pas fait l'objet d'une concertation suffisante malgré leur gravité, ont suscité la colère des siens. Entre les deux camps, certaines voix critiquent la gestion Mansouri mais reconnaissent que le mouvement de contestation est parfois allé trop loin. Le déballage de linge sale effectué dans le cadre de la crise, ainsi que les accusations émises en relation avec la gestion des finances du parti sont également jugés excessifs. Quoi qu'il en soit, la lutte pour le pouvoir au sein du RNI semble désormais terminée : si le fondateur du parti Ahmed Osman s'est cantonné dans la neutralité, les poids lourds, tout comme les anciens du parti bleu, ont clairement choisi leur camp. Idem pour une vingtaine de membres fondateurs du parti, à l'instar d'un Abdelhadi Alami, qui avait claqué la porte à deux reprises, sous la présidence Osman, puis sous M. Mansouri depuis plus d'un an, pour protester contre le mode de gestion du parti, et qui est aujourd'hui de retour sous l'étendard des réformateurs. A l'instar aussi d'un Haddou Chiguer, Ahmed Kraffes, Mohamed Bentaleb, Taïeb Bencheikh, etc. Désormais, si personne ne se fait d'illusions quant à l'identité du vainqueur, certains estiment que le parti sort affaibli de cette crise. «Politiquement, c'est le cas, moralement aussi, toutefois, numériquement, le parti reste le même. Vis-à-vis de l'échiquier politique, le RNI risque de renouer rapidement avec l'image de parti de l'administration dont il a essayé de se débarrasser. Il faudrait faire attention», avertit Ahmed Laâmarti, ex-parlementaire RNI. Désormais, si les dés semblent jetés pour M. Mansouri, il reste beaucoup à faire pour préparer le parti aux élections de 2012, même si les dernières élections communales ont montré que la machine électorale RNI avait toujours un bon allant.