Si cette forme de flexibilité existe au Maroc depuis belle lurette, elle attire surtout les candidats en quête d'une première expérience. Les entreprises peuvent aussi y recourir pour de hauts calibres. Loin de représenter une contrainte, le travail intérimaire est un choix de vie pour certains salariés. Mohamed Bahej, la trentaine bien entamée et informaticien de réseaux de profession, l'a choisi depuis une dizaine d'années. «J'avais le choix entre le freelancing et l'intérim au départ. Par manque d'expérience, je n'ai pas pu réussir dans le freelancing et c'est la raison pour laquelle j'ai choisi la deuxième voie. Je me suis mieux débrouillé depuis en décrochant des missions grâce au soutien de l'agence d'intérim qui dispose d'un carnet d'adresses étoffé». Si l'intérim cadre existe au Maroc depuis belle lurette, le mode est loin d'attirer du monde, surtout les cadres. Pourtant, les entreprises peuvent recourir à cette alternative pour des hauts calibres, notamment des DRH, des directeurs financiers ou des directeurs SI. «C'est une option supplémentaire pour les recrutements. Des entreprises étrangères ou des filiales de multinationales l'utilisent pour des missions ponctuelles au Maroc. C'est aussi un moyen pour tâter le terrain, savoir s'il faut s'implanter localement ou intervenir ponctuellement», note Abderrahmane Mkadmi, DG de VHP Assist, filiale du groupe Proman, spécialisé dans l'intérim. Organiser son temps en liberté C'est aussi un mode de travail qui attire principalement les candidats débutants qui y voient un sérieux tremplin pour lancer leur carrière. «En effet, l'intérim reste le meilleur moyen, même s'il est précaire, de faire ses preuves en attendant de décrocher un poste stable. Autre avantage, on en profite pour enrichir son CV car une mission temporaire constitue toujours une expérience enrichissante», souligne le DG de VHP Assist. C'est le constat qu'a tiré Mohamed B. de ses quelques contrats d'intérim. «J'ai connu des secteurs variés, des organisations différentes. Mon parcours m'a permis justement de renforcer mes compétences que j'ai pu facilement valoriser», explique-t-il. Un discours qu'on n'aurait pas pu tenir il y a quelques années. En effet, trop de mouvements, aux yeux des recruteurs, signifierait un manque de stabilité. Il constitue également un choix de vie pour certains. Après plusieurs années dans l'immobilier, Rajaa Benslimane, chargée de clientèle, a refusé trois propositions de CDI en 2018. «Ce que je veux, c'est garder ma liberté et varier les expériences. Par conséquent, je préfère opter pour l'intérim». Depuis qu'elle a tenté l'expérience, elle ne jure que par cette formule. Par le biais d'une agence spécialisée, elle parvient à décrocher ses premières missions. «J'ai tantôt été responsable de magasin, chargée de clientèle, et même directrice de création dans une petite agence de communication. En restant en CDI, je n'aurais jamais pu obtenir ces différents postes». Et de poursuivre que «ce mode de travail me permet aussi de faire des pauses dans ma vie pour me consacrer à des actions humanitaires à travers le Royaume». Pour les seniors rattrapés par les restructurations ou qui ont volontairement choisi d'opter pour une retraite anticipée, l'intérim permet de se remettre sur le marché du travail, avec l'avantage d'organiser leur temps en toute liberté. «Les entreprises peuvent toujours profiter de leur expertise sur des missions pointues, notamment en matière d'organisation ou en gestion des ressources humaines», note Abderrahmane Mkadmi. Si toutes les classes d'âge sont concernées, les profils des intérimaires se sont aussi largement diversifiés. Réservé auparavant à un cercle fermé de compétences, telles que les informaticiens ou les comptables qui intervenaient pour des missions ponctuelles, l'intérim touche aussi plusieurs domaines : force de vente, achat & logistique, assistanat de direction… Peu utilisé par les PME La PME, qui devrait en profiter, reste assez timide sur ce créneau. C'est le signe que les entreprises, les grandes en particulier, s'y intéressent davantage, sachant qu'il présente plusieurs avantages. En période de croissance, elles peuvent s'attacher rapidement et à moindre coût les services d'un personnel qualifié et directement opérationnel. C'est aussi un moyen de maîtriser la masse salariale. Un avantage qui doit d'ailleurs beaucoup attirer l'attention des PME. Pour le moment, l'intérim cadre ne constitue encore qu'une faible part de l'activité pour les entreprises d'intérim. Les grandes sociétés qui constituent le marché le plus important préfèrent souvent se réorganiser en interne pour pallier l'absence d'un cadre. Il y a aussi le fait que beaucoup de demandeurs d'emploi préfèrent de loin la stabilité. C'est le cas de Mohamed Bahej qui finalement peut se rétracter et changer de statut. Sa raison principale : «Je compte acheter une maison et fonder une famille. Je cherche donc un CDI. Si mes dix ans d'expérience dans l'intérim sont reconnus dans le monde du travail, ils ne le sont pas forcément auprès des banques». Un choix donc qui dépend aussi des moments de la vie.