Alors que le gouvernement et les employeurs ont honoré leurs engagements en termes d'amélioration du pouvoir d'achat, les syndicats lèvent le pied pour ce qui est de la loi sur la grève. Dans pratiquement un mois, l'actuelle session parlementaire d'automne prend fin. Avec elle, le délai que s'étaient fixé les partenaires sociaux, à l'occasion de la signature du pacte du 30 avril, pour injecter dans le circuit législatif le projet de loi organique sur la grève attendu depuis... 1962. Il est en effet écrit noir sur blanc que ce texte allait être déposé au Parlement au plus tard avant le 31 janvier. Manifestement, les trois partenaires sociaux, le gouvernement, les syndicats et la CGEM sont loin de tenir ces délais. D'après un représentant du Patronat, c'est sur insistance de la Confédération que le gouvernement a convoqué une première réunion, mercredi 4 janvier, pour relancer les négociations sur ce volet. Le rendez-vous est confirmé par le ministère de l'Emploi, qui, à l'écriture de ces lignes, parlait d'un agenda très chargé et a promis «du concret». Un optimisme que la CGEM ne partage pas forcément. «Ce n'est pas normal, nous sommes très en retard par rapport au calendrier fixé», commente notre source patronale. Cela d'autant que le sujet n'est manifestement pas prioritaire pour les syndicats, «ils y vont donc à reculons». La CDT, l'un des syndicats représentatifs signataires de l'accord du 30 avril, est claire sur ce point, «le plus important c'est d'abord préserver les emplois et le pouvoir d'achat. La loi sur la grève n'est pas prioritaire». L'UMT, également signataire de l'accord, concentre toute son attention sur l'amélioration du pouvoir d'achat des citoyens et reproche au gouvernement de «ne pas avoir pris des mesures suffisantes pour renforcer le pouvoir d'achat des salariés et de l'ensemble des citoyens». Il ne faut pas oublier que dans le lot, il y a aussi la loi organique des syndicats qu'il faudra adopter et l'arsenal législatif électoral relatif aux centrales qu'il faut réviser. Dans le premier cas, les directions des syndicats, vieillissantes dans leur majorité, ont tout intérêt à négocier, sinon faire pression pour préserver leur statut dans un nouveau cadre juridique. L'élaboration de celui-ci est guidée par la logique selon laquelle les travailleurs actifs doivent nécessairement être représentés par des syndicalistes en âge d'activité. Dans le second cas, il y va tout simplement de la définition du poids et de la représentativité des centrales syndicales. Les négociations trainent De toutes les manières, les craintes du patronat sont donc clairement justifiées. Le projet de loi sur la grève ne sera pas prêt à temps. «Pour être réaliste, nous sommes loin de tenir les délais fixés, d'autant plus que les partenaires syndicaux sont très frileux. Ils ne sont pas très ouverts à l'éventualité d'aborder ce dossier. Pour eux, c'est le pouvoir d'achat qui est prioritaire. La question de la loi sur la grève peut être reportée à plus tard», souligne ce représentant de la CGEM. Devant un tel tableau, il ne faut pas espérer que les tractations portant sur ce projet de loi aboutissent dans moins de trois mois. En d'autres termes, le texte ne devrait être présenté au Parlement qu'à l'ouverture de la prochaine session du printemps et espérer qu'il soit adopté avant la fin de la session l'été prochain. La CGEM temporise De toutes les manières, et sans l'avoir annoncé officiellement, la CGEM n'a pas l'intention d'appliquer la deuxième augmentation du SMIG, qui est de 5% et qui est prévue en juillet. Ce n'est pas encore une condition émise clairement par le Patronat, mais elle en a tout l'air. La CGEM préfère attendre, en effet, une réaction d'ici la fin du mois du Chef de l'Exécutif. Cela dit, «en lisant le texte de l'accord du 30 avril, il y est bien question d'un tout indissociable. C'est un package, avec un volet financier et un autre législatif qui vont ensemble», relève-t-on auprès du Patronat. Plus encore, il faut noter que pour la première fois, sur le plan réglementaire, l'augmentation du SMIG de 10% n'a pas été décrétée d'un seul coup. Le décret promulgué par le gouvernement en septembre dernier porte uniquement sur la première tranche d'augmentation de 5%. La deuxième est tributaire de la publication d'un second décret qui est prévu courant 2023. «Et si l'on n'avance pas sur le dossier de la grève, la CGEM va s'y opposer», affirme ce responsable de la Confédération. En attendant, pour le moment, la CGEM – qui avec le gouvernement sont les seuls à avoir honoré leurs engagements – ne voit pas d'un bon œil le déroulement du dialogue social. Mais elle préfère adopter une attitude «wait and see». «Nous ne voulons pas faire pression sur le gouvernement, nous sommes optimistes quant à une évolution positive de la situation», conclut notre source. Tant qu'il y a du dialogue, il y a de l'espoir… Entre-temps, du pain sur la planche Les négociations sur la réforme du code du travail, un autre chantier épineux, sont prévues en juillet. C'est-à-dire dans moins de six mois. En parallèle, le gouvernement, les syndicats et le patronat plancheront, dans le cadre d'une commission ad hoc, sur la réforme des régimes de retraite. Encore un dossier aussi complexe que problématique. Là encore, il semble que les choses traînent. «Les délais de mai 2023 seront certainement largement dépassés», affirme notre source de la CGEM. «Nous avons tenu jusque-là trois réunions, la première est une réunion introductive, la deuxième est consacrée au diagnostic et la dernière à la présentation des scénarios proposés par une étude réalisée par un cabinet privé pour le compte du gouvernement», poursuit notre interlocuteur. Les résultats de cette étude n'ont pas encore été avalisés par l'Exécutif, il faut le préciser. Du coup, les partenaires sociaux en sont encore à établir un état des lieux. Les réunions vont se poursuivre de fin janvier à fin mai. Mais là, non plus, il ne faut pas se faire d'illusions quant à une éventuelle avancée sur le dossier. Les syndicats ont déjà brandi leur «niet». De toutes les manières, le Chef du gouvernement s'est engagé à clore ce dossier avant la fin de son mandat. Contrairement à ses prédécesseurs, il n'est pas question qu'il lègue ce chantier à ses successeurs, comme il l'a affirmé à plusieurs reprises.