De gauche ? de droite ? conservateur ? progressiste ? Personne n'arrive à définir avec précision le référentiel idéologique du parti. Pour l'heure, une tactique basée d'abord sur le recrutement de militants de tous bords. L'extrême diversité des appartenances de ses acteurs complique la définition d'un positionnement clair. Ça bouge au Mouvement de tous les démocrates (MTD). A l'heure où nous mettions sous presse, mercredi 29 octobre, une réunion était prévue le jour même pour faire le point sur la situation des structures locales du mouvement, en cours de développement, et, surtout, pour poursuivre les préparatifs de sa première assemblée générale, prévue dans les semaines à venir. Mis en veilleuse depuis l'été dernier, plus particulièrement depuis la création du Parti Authenticité et modernité (PAM), le MTD avait failli passer à la trappe, certains ayant remis en question sa raison d'être une fois que le parti tant attendu a vu le jour. Aujourd'hui plus rassuré sur son sort, le MTD devra tout de même revoir ses objectifs en tenant compte de la nouvelle donne. La situation est différente pour son bras partisan, le PAM. Du côté de ce dernier, les coups d'éclat se succèdent au niveau du Parlement, avec la création de groupes parlementaires communs PAM-RNI dans les deux Chambres (Rassemblement et modernité), ou encore sur le terrain, où, malgré leur défaite aux élections législatives partielles de septembre, bon nombre de candidats du parti de Hassan Benaddi ont raflé les deuxièmes places en termes de voix, dépassant les concurrents issus de formations plus anciennes. Les hommes d'abord, les idées ensuite : la charrue avant les bœufs ? En revanche, et alors que le PAM avec ses alliés a réussi à devenir la première force politique du Parlement, les choses semblent aller plus lentement au niveau de la mise en place des structures du parti. Samedi 25 octobre dernier, une rencontre était organisée entre le bureau national temporaire du PAM et les cadres de l'ex-Parti de l'environnement et du développement (PED) de Ahmed Alami. Objectif : concrétiser l'intégration du PED dans le PAM, d'abord par une prise de contact entre les cadres du premier et les responsables du second. Une manœuvre déjà opérée avec les militants du PND, d'Al Ahd ou encore de l'Alliance des libertés, et qui devrait se répéter une dernière fois ce samedi 1er novembre avec une cinquième rencontre, destinée aux responsables d'Initiative citoyenne pour le développement (ICD), de Mohamed Benhamou. C'est seulement après cette étape que des rencontres régionales réunissant les militants des différentes structures, fusionnées dans le cadre du PAM, devraient être organisées. «Nous commençons par faire une évaluation de l'existant en matière de compétences et de militants dans les régions, ensuite, nous nous déplacerons dans les différentes régions du Royaume pour mettre en contact les membres des différents partis. Cela va prendre du temps, mais lorsqu'on se marie, il faut d'abord connaître son partenaire», plaisante Ahmed Alami, vice-secrétaire général du PAM et ex-patron du PED. Parallèlement, le PAM vient tout juste, en ce début de semaine, de procéder à la mise en place de la commission de préparation de son congrès. Il faudra donc encore un peu de temps pour l'étape suivante, celle de la sélection des congressistes. Annoncé dans un premier temps pour novembre, le congrès constitutif devrait être reporté à décembre. Rien de bien surprenant dans le cas d'une fusion à cinq. Reste que, avec le congrès, c'est la présentation d'un programme ou du moins d'une plate-forme idéologique qui risque d'être de nouveau reportée et, avec elle, la clarification de l'identité même du parti. Et c'est là le nœud du problème. Voilà un parti qui dispose, à travers un jeu d'alliances de 77 députés (officieusement, plus de 80) et 73 conseillers – qui, selon les indiscrétions, a les moyens d' aller plus loin -, mais dont on ne connaît toujours pas le référentiel idéologique, les grands principes, les valeurs. Bizarre ! Sur quelle base, quelles promesses, les autres formations politiques l'ont suivi dans sa «conquête» ? Le PAM est-il un parti orienté à gauche, comme le suggère la présence d'anciens «gauchistes» dans ses rangs, à l'instar d'un Salah El Ouadie ou d'une Khadija Rouissi ? Ses sympathies vont-elles plutôt à droite, vers une option libérale, même, comme pourraient le laisser entendre ses contacts avec le MP et l'UC en vue d'une alliance potentielle, de même que la présence de plusieurs acteurs économiques dans ses rangs, via le MTD ? Ou bien est-il une créature du centre, comme le laisseraient entendre ses alliances actuelles avec la majorité gouvernementale, ou son allié, le RNI? Interrogé sur le (ou les) dénominateur(s) commun(s) qui a (ont) motivé et permis la création d'un groupe parlementaire unique, Abdelaziz Alaoui Hafidi, président du groupe Rassemblement et modernité (RNI-PAM), cite, entre autres, «le programme du gouvernement, sur lequel nous sommes d'accord, et pour lequel nous avons voté, et aussi la Loi de finances, c'est-à-dire le programme que soutient toute la majorité, dont le PAM et le RNI». Selon lui, les points de rapprochement vont même au-delà : ils concernent des propositions d'amendements communs concernant la Loi de finances, et s'étendent à des thèmes comme la démocratie, la décentralisation, la régionalisation, le mode de scrutin. Cela suffit-il ? Bien évidemment non, on ne construit pas des alliances sur la base d'une Loi de finances, par essence conjoncturelle, ni sur un programme de gouvernement appelé à changer. On ne comprendrait pas plus que des fusions soient scellés sans bases d'idées. En attendant que les instances du parti dévoilent clairement son référentiel idéologique, il existe des indices sur la direction qu'il pourrait prendre. Issu de la fusion de cinq partis, ayant chacun sa propre idéologie, ou du moins sa plateforme, et de l'intégration de cadres issus du MTD, le PAM devrait a priori conserver quelque chose de chacune de ces structures. Mais cet héritage ne risque-t-il pas d'en faire un deuxième RNI ? Après tout, trois des partis qui se sont fondus dans ses rangs, le PND, ADL et le PED, puisent leurs racines dans la formation de Mustapha Mansouri. Le premier est issu d'une scission qui remonte à 1981, quant au deuxième et au troisième, ils ont vu leurs dirigeants transiter par le parti de la colombe avant de fonder leur propre structure. La piste du MTD, dont l'influence est déjà dominante au sein de la structure, semble, elle, orienter vers une autre direction. Dans son communiqué initial, l'association s'est présentée comme un mouvement, «dont les fondamentaux de la nation marocaine sont le socle, les valeurs démocratiques la référence, les constituants de notre identité plurielle et de notre authenticité sont le credo, la modernité est l'horizon». Une définition qui semble avoir été reprise par les responsables du parti et de l'association, et plus particulièrement Fouad Ali El Himma, l'ex-ministre de l'intérieur, qui se trouve aujourd'hui au centre de la constellation MTD-PAM. Ces derniers font ainsi allusion, dans différentes interventions et entretiens, à des documents tels que le Rapport du cinquantenaire, celui de l'IER, le Code de la famille. Fouad El Himma a également laissé entendre au cours de certains entretiens, qu'il n'existe que deux projets de société en lice sur la scène politique marocaine : «le projet islamiste, avec sa logique, sa cohérence, ses référentiels, et le projet démocratique et moderniste». Auquel cas le PAM serait considéré comme relevant davantage du deuxième projet. Certes, mais cela ne le distingue pas pour autant des partis plus anciens. Dans ce cas peut-on considérer le PAM comme un parti atypique et, à la limite, «apolitique» ? «Ce parti n'a pas de référentiel, il n'a pas encore d'idéologie, ni de stratégie, ni de programme», explique le politologue Mohamed Darif, qui doute de voir les choses évoluer d'ici le congrès. Et d'ajouter : «Normalement, c'est le référentiel qui détermine l'idéologie. Cette dernière fixe alors les composantes de la stratégie, qui s'exprime à travers un programme». Or, selon lui, des rapports de l'Etat ne peuvent pas constituer un référentiel. Authenticité et restructuration du champ politique : le credo du PAM ? Deux éléments, toutefois, semblent, d'une certaine manière, caractériser le PAM. Le premier réside dans cette association «authenticité et modernité», que l'on retrouve dans le nom même du parti, et qui semble impliquer la recherche d'une voie vers la modernité pour le pays, fidèle à ses racines mais pas forcément prisonnière de la tradition. L'autre élément porte sur la volonté marquée des dirigeants du PAM d'œuvrer à la rationalisation de la scène politique, à sa re-crédibilisation, et à la politisation des masses, plus particulièrement des élites. Des objectifs qu'il semble déjà avoir atteint, en unissant des partis autour de lui ou contre lui, avec un succès que lui reconnaît l'ex-président de la défunte association «2007 Daba», qui avait échoué à atteindre ces mêmes objectifs. «Le PAM ne correspond pas vraiment à ma vision des choses sur le plan idéologique, mais je pense qu'il apporte du bien dans la mesure où il clarifie le paysage politique marocain, et où il participe à la création de groupes, de blocs», explique Noureddine Ayouche. Tout en précisant qu'il reste fidèle à ses orientations politiques, plutôt à gauche, ce dernier se réjouit: «Un grand bloc va se former du côté libéral. En face, il me paraît indispensable pour la démocratie de ce pays qu'il y ait un grand bloc de gauche et un bloc conservateur. Les trois se battront pour le pouvoir, et la victoire reviendra à celui qui l'emportera par son programme, ses idées, ses initiatives, sa proximité sur le terrain, sa formation et son encadrement des jeunes, sans oublier son ouverture sur les femmes et les élites». Problème : aussi indéniable soit-il, le travail du PAM en faveur de la rationalisation de la scène politique est-il finalement une manière de compenser son manque d'épaisseur idéologique ? Une chose est sûre : les dirigeants du PAM semblent pour l'instant faire de ce credo leur principale ligne d'action, même si certains compromis trouvés dans son cadre risquent, à terme, de porter atteinte à son image. En effet, alors que, dès le départ, les discours des responsables du PAM et du MTD ont été marqués par une volonté de rationalisation de la scène politique, notamment par la lutte contre la balkanisation, ou encore la transhumance des parlementaires, des compromis semblent avoir été faits par rapport à certaines de ces positions. Ainsi, durant la dernière session parlementaire, une attention particulière a été portée au choix des premiers députés du groupe parlementaire Authenticité et modernité. Certains élus n'appartenant pas aux partis ayant passé un accord avec ce dernier ont été triés sur le volet, et parfois invités à démissionner de leurs partis avant de rejoindre le groupe. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Bien plus, le groupe conjoint du PAM et du RNI est accusé par certains de chercher à profiter de la transhumance des parlementaires pour grossir ses rangs, alors même que certains des concernés proviennent des partis qui le composent. Il n'en reste pas moins que ces alliances parlementaires comportent une part de danger : à trop vouloir rassembler le champ politique, quitte à intégrer un très grand nombre de personnalités «politiquement grillées» dans les rangs de son groupe parlementaire, le PAM ne risque-t-il pas de se décrédibiliser, en tant que parti, aux yeux des élites apolitiques qu'il prétend viser, avant même l'organisation de son premier congrès ? Pire, ne risque-t-il pas de donner le sentiment de ne pas savoir où il va ? La situation risque de se compliquer encore pour lui car de tels profils sont connus pour leur mobilité et risquent donc de partir comme ils sont venus, s'ils n'y trouvent pas leur compte, en représentation électorale, ministérielle ou autre…