Fort de 80 sièges, Rassemblement et modernité, regroupant PAM et RNI, a raflé la commission de l'Intérieur et les 7e et 8e vice-présidences du Parlement. Arrivé deuxième, le groupe de l'Istiqlal a gardé les Finances. Loi de finances, code électoral, charte communale…, les députés auront du pain sur la planche cette année. Au niveau du gouvernement, si un bloc PAM, RNI, MP et UC commence à émerger, officiellement le PAM reste membre de l'alliance gouvernementale. Quatre jours après l'ouverture de la session d'automne, vendredi 10 octobre, les parlementaires de la Chambre des représentants n'ont pas perdu de temps pour mettre en œuvre la distribution des tâches. Convoqués dans l'après-midi du mardi 14 octobre par le président de la Chambre des représentants, Mustapha Mansouri, les députés ont procédé, en l'espace de quelques heures, au partage des sièges de président des six commissions permanentes de la Chambre, réalisant un découpage sans nouveauté majeure. Quelques courtes batailles ont été livrées durant la soirée, rapidement oubliées face à l'ampleur de la tâche qui attend les parlementaires cette année, une année marquée par les échéances électorales, et, pour commencer, par les élections communales fixées au 12 juin. Tour d'horizon. Le choix étant donné aux groupes parlementaires en fonction de leur importance numérique, c'est le groupe Rassemblement et modernité qui a ouvert le bal. Issue de la fusion des groupes parlementaires du Rassemblement national des indépendants (RNI) et du Parti de l'authenticité et de la modernité (PAM), cette nouvelle équipe, dont la constitution avait été annoncée le 28 septembre, constitue, avec ses 80 députés, le groupe parlementaire le plus important. Le groupe a donc pu se servir en premier, avant même le parti du Premier ministre, l'Istiqlal, dont le groupe ne compte que 54 députés. Toutefois, l'alliance n'en a pas profité pour le dépouiller : Rassemblement et modernité a opté pour la commission de l'intérieur, de la décentralisation et des infrastructures, jusque-là dirigée par les harakis, laissant au groupe istiqlalien Unité et égalitarisme celle des finances. Istiqlal : on prend les mêmes et on recommence Côté responsables, si les Istiqlaliens ont gardé les mêmes – Latifa Bennani Smirès a été reconduite à la présidence du groupe parlementaire, Ammar Cheikh à celle de la commission des Finances, et Nourredine Moudiane à la première vice-présidence du Parlement -, l'alliance PAM-RNI a procédé à une redistribution des rôles entre les dirigeants des deux groupes. Ainsi, Abdelaziz Alaoui Hafidi, président du groupe RNI à la dernière session parlementaire, a pris la direction de Rassemblement et modernité. Pendant ce temps, Najib El Ouazzani, ex-secrétaire général d'Al Ahd et président du groupe Authenticité et modernité lors de la dernière législature, a pris la tête de la commission de l'Intérieur. Présidence RNI du Parlement oblige, Hamid Narjiss (PAM) et Nourredine Lazrak (RNI), respectivement 5e vice-président du Parlement et vice-président de la commission des Secteurs sociaux lors de la dernière législature, se voient attribuer les postes de 7e et 8e vice-présidents du Parlement. Au PJD, pas de changement majeur non plus. Fort de 46 députés, le parti de Abdelilah Benkirane a reconduit son chef de groupe, Mustapha Ramid, et remplacé Abdellah Baha par Lahcen Daoudi au poste de vice-président du Parlement. Ayant échangé la commission de la Justice contre celle des Affaires sociales, le parti a placé une femme à la tête de cette dernière, sa tête de liste aux dernières élections, Bassima Hakkaoui. Cette dernière n'est pas une novice en la matière : elle avait déjà dirigé la commission en question durant l'avant-dernière législature. La rivalité MP/USFP avantage-t-elle Rassemblement et modernité ? Jusque-là, pas de révolution. Mais le match du jour se déroulera dans le peloton des poursuivants, précisément entre l'USFP et le Mouvement populaire. Visant la commission des Secteurs publics, chasse gardée de l'USFP durant la dernière session parlementaire, les harakis, réunis derrière un nouveau président de groupe, Driss Sentissi, président du Conseil de la ville de Salé, se sont heurtés à une forte résistance des Ittihadis, qui les ont accusés d'avoir volontairement retardé la distribution des commissions au niveau du Parlement pour se donner le temps de renforcer leurs rangs. Les représentants de l'USFP ont même pris la parole en début de séance, avant le vote, pour protester contre ce qu'ils qualifient de «nomadisme» des parlementaires. «Comment se fait-il que des listes soient présentées avec un certain nombre d'élus et que, 24 heures plus tard, ce nombre ait changé ?», s'insurge Ahmed Zaïdi, président sortant du groupe parlementaire ittihadi. Ce dernier a pu, toutefois, s'assurer du retour définitif dans ses rangs de deux parlementaires qui l'avaient quitté. Mais, même avec ses 41 députés, et malgré ses protestations, l'USFP a quand même perdu contre le MP, avec seulement un siège de différence. Une défaite qui lui aura coûté la commission des Secteurs productifs, qui est échue à l'ex-dirigeant haraki de la commission de l'Intérieur, Mohamed Moubdii. L'Ittihadi Mohamed El Mostapha Ibrahimy a, pour sa part, succédé au député PJD Lahbib Choubani à la tête de la commission de la Justice. A l'heure où nous mettions sous presse, mercredi 15 octobre, une réunion du bureau politique de l'USFP était prévue pour désigner le président du groupe parlementaire ittihadi. Le groupe PPS-FFD, victime collatérale de la bataille MP-USFP ? Enfin, en queue de peloton, on retrouve le groupe de l'Union constitutionnelle (UC). Arrivé en sixième position avec 27 députés, dont un Abdallah Reffouch, fraîchement réélu à Marrakech, le groupe de l'UC, de nouveau dirigé par le député du Gharb Chaoui Belassal, a pu enlever la dernière commission disponible, celle des Affaires étrangères, à l'ex-ministre délégué à l'Intérieur, Ali El Himma. Arrivé en 7e position avec 22 députés, le groupe de l'Alliance des forces progressistes et démocratiques n'a pas eu autant de chance : non seulement le groupe conjoint du PPS et du FFD, dirigé par le député PPS de Tiflet-Rommani, Rahhou El Hilaa, n'a obtenu aucune commission, mais, il semble avoir perdu en route deux de ses membres, dont l'un ne serait autre que Mohamed Benattia, 6e vice-président du Parlement lors de la dernière session parlementaire. Ce dernier ferait en effet partie des députés inscrits sur les listes de plusieurs groupes parlementaires à la fois et qui, convoqués par la présidence du Parlement pour donner leur choix final auraient opté pour le groupe RNI/ PAM. Notons qu'ils auraient été au moins trois à s'inscrire sur les listes de l'alliance PPS/FFD ou du MP et, en même temps sur celle de Rassemblement et modernité. Désormais constituées, les six commissions de la Chambre des représentants auront pour mission de traiter une série de textes en attendant leur vote en séance plénière. Parmi ces textes, la Loi de finances, le code électoral, la charte communale, ou encore le code de la route. Les changements à venir sur le plan légal ne devraient cependant pas occulter la mutation en cours au sein de l'hémicycle. En effet, un an seulement après l'élection de M. El Himma à la tête d'une liste SEP de trois députés, le groupe formé par son parti avec le RNI domine déjà largement les autres et se trouve être le plus important depuis celui de l'UC au lendemain des législatives de septembre 1984. Visiblement, il ne compte d'ailleurs pas s'arrêter en si bon chemin, y compris au niveau de l'Exécutif. Déjà, en effet, le PAM commence à faire du pied à l'UC et au MP, tous deux dans l'opposition, et il ne s'en cache pas, bien qu'il reste officiellement membre de l'alliance gouvernementale dirigée par l'Istiqlal. Du côté de ses alliés potentiels, l'on souligne qu'il n'y a rien de définitif pour le moment, mais l'idée d'une alliance à quatre entre le PAM, le RNI, le MP et l'UC est déjà dans l'air, même si elle ne peut être réalisée qu'une fois dépassé le clivage opposition-majorité. La coopération entre les partis nécessitera, sans aucun doute, des mois de négociations puisque son avantage jouerait essentiellement en dehors de l'hémicycle, au niveau des conseils communaux, des arrondissements, des conseils provinciaux, ou encore des Chambres professionnelles. En attendant, laisse entendre Mohamed Abied, secrétaire général de l'UC, le quatuor pourra toujours coordonner ses décisions sur des lois sans impact sur l'alliance gouvernementale, comme la charte communale. Du côté de l'Istiqlal, l'on se dit non concerné tant que le duo PAM -RNI reste du côté de la majorité. Mais pour combien de temps ? Une chose est sûre, l'idée d'un bloc parlementaire des partis de la Koutla (Istiqlal, USFP, PPS) n'est pas à l'ordre du jour. Pouvant peser 117 députés, soit bien plus que Rassemblement et modernité, un tel bloc ne pourrait voir le jour que si les trois partis parvenaient rapidement à dépasser leurs contradictions.