Beaucoup d'Américains ont «déshumanisé» les Arabes. Pour ce pays où, il y a quarante ans, les Noirs luttaient encore pour leurs droits civiques, Israël est une enclave blanche et développée dans un océan de «bougnoules». Légalement, c'est-à-dire au regard du droit international, l'existence d'Israël est fondée sur la résolution 181 de l'ONU, prise en novembre 1947. Cette résolution prévoyait la création d'un «Etat juif» et d'un «Etat arabe», respectivement sur 55% et sur 45% du territoire de la Palestine. C'est là l'acte de naissance d'Israël et c'est dire qu'Israël et l'Etat palestinien sont des jumeaux. La légitimité d'Israël est, quant à elle, multiforme. Aux yeux de la plupart des juifs, elle a un fondement biblique puisque la terre de Palestine est une terre sacrée, «promise». Cette légitimité-là n'est évidemment pas opposable aux non-juifs, un tout petit peu majoritaires au sein de l'humanité. Le second fondement de la légitimité d'Israël est la Shoah, l'abominable extermination programmée par les nazis. Mais les Palestiniens n'y étaient pour rien, et en plus, l'immigration juive en Palestine a commencé à la fin du XIXe siècle. Le troisième élément qui, lui, est incontestable, c'est le peuplement. Aujourd'hui, il y a plusieurs générations d'Israéliens qui se sont succédé dans la Palestine historique. Au total, nous avons donc une légitimité fondée uniquement sur le peuplement et une légalité internationale incontestable mais qui n'est pas respectée par Israël. Les Arabes ne comprennent pas que dans une situation pareille, les Etats-Unis continuent à s'aligner systématiquement sur Israël. Et quand on dit les Etats-Unis, on désigne quand même un pays qui a été l'ardent défenseur des décolonisations, le vainqueur de l'Allemagne hitlérienne, le protecteur des musulmans de l'ex-Yougoslavie… Plusieurs thèses ont été avancées pour expliquer cet alignement américain sur Israël : lobby sioniste (mais les juifs américains votent majoritairement démocrate alors que les Républicains de Bush sont plus pro-israéliens que Sharon), sionistes chrétiens (ils sont majoritaires dans l'électorat républicain, mais toutes les administrations américaines sont pro-israéliennes), effets de la propagande sioniste et des manipulations des médias… Aucune ne suffit à expliquer cet alignement systématique. En fait, beaucoup d'Américains ont «déshumanisé» les Arabes. Aux yeux de ce pays où, il y a quarante ans, les Noirs luttaient encore pour leurs droits civiques, Israël est, comme le fut l'Afrique du Sud de l'apartheid, une enclave blanche et développée dans un océan de «bougnoules». Et évidemment, quand quelques bougnoules minoritaires se comportent en coupeurs de têtes (Irak) et en assassins d'enfants (Palestine), ils ne font que renforcer cette perception .