Deux mois après la hausse du taux directeur de Bank Al-Maghrib, les effets escomptés ne sont pas encore palpables sur l'inflation, malgré une légère décélération des prix en octobre. Une nouvelle hausse en décembre du taux de BAM paraît inévitable. Durant le mois d'octobre, et pour la toute première fois depuis décembre 2021, l'inflation a décéléré, en variation annuelle, après plusieurs mois consécutifs d'accélération soutenue. A en croire le Haut-Commissariat au Plan, l'Indice des prix à la consommation, instrument de mesure de l'inflation, a enregistré une hausse de 8,1% au cours du mois d'octobre 2022 comparé au même mois de l'année précédente. C'est 0,2 point de moins que l'IPC de septembre, mois où cet indice avait grimpé de 8,3% par rapport à septembre 2022. Cette décélération de la hausse des prix, bien que minime, intervient près de deux mois après la hausse du taux directeur de la Banque centrale de 50 points de base, décidée par le Conseil de Bank Al-Maghrib, le 27 septembre dernier, pour atténuer la poussée inflationniste. Faudrait-il dès lors y voir une relation de cause à effet ? Ou serait-ce trop tôt pour se prononcer ? Selon Omar Bakkou, économiste et spécialiste en politique de change, sollicité par La Vie éco, les raisons de cette décélération sont ailleurs. Elle serait due essentiellement aux produits alimentaires, dont les prix ont légèrement décéléré (+14,7% en septembre contre +13,8% en octobre). «Ce sont des produits qui, quelque part, sont insensibles à l'évolution de la demande globale», argumente Omar Bakkou, expliquant que «quelle que soit l'évolution de nos revenus, nous sommes appelés à consommer les produits alimentaires, qui sont essentiellement constitués de produits de base». Et notre interlocuteur de résumer: «A l'échelle macroéconomique, la rubrique des produits alimentaires est décorrélée de la politique monétaire. Celle-ci agit, en principe, sur la demande globale, c'est-à-dire sur les dépenses des agents économiques». De ce fait, l'effet de la hausse du taux directeur n'est pas encore palpable sur les niveaux des prix, estime cet expert. Pour que la hausse du taux directeur puisse impacter durablement les prix à la baisse, il faut qu'elle agisse sur le coût de l'argent, en renchérissant le coût des ressources bancaires. Cette hausse du coût des ressources bancaires exerce une pression à la hausse sur les taux des prêts des banques à l'économie (crédits à la consommation, prêts aux entreprises, taux des bons du Trésor, etc.) et, partant, limite la capacité des agents économiques (ménages et entreprises notamment) à emprunter et donc limite, en théorie, la masse monétaire en circulation. L'impact de la hausse du taux directeur ne s'est d'ailleurs pas encore fait véritablement ressentir sur les taux des crédits bancaires. C'est le cas en particulier pour les taux assortissant les crédits immobiliers pour les acquéreurs, qui représentent la part du lion des crédits bancaires distribués aux ménages (voir encadré). Selon Omar Bakkou, il faut un certain délai pour que la hausse du taux directeur se transmette efficacement aux taux débiteurs appliqués par les banques. Encore faut-il que les crédits bancaires soient «élastiques», ajoute-t-il. En effet, explique-t-il, les ménages qui souhaitent acquérir un bien immobilier ne seront pas forcément sensibles à une légère hausse du taux débiteur. De même, les entreprises qui souhaitent investir en contractant un crédit à l'équipement fondent leur décision sur les perspectives à 5 ou 10 ans et non uniquement sur une petite augmentation du coût du crédit. En réalité, estime notre interlocuteur, cette hausse du taux directeur de 50 points de base est plus un «ajustement technique» qui doit permettre de rétablir les taux d'intérêt réels en territoire positif pour atténuer les pressions sur la rémunération de l'épargne. «La politique monétaire, globalement, est un instrument de promotion du marché des capitaux comme moyen de canaliser l'épargne, dans un contexte où les taux d'intérêt réels sont négatifs», affirme-t-il. Il faut ainsi parvenir à un taux d'intérêt neutre entre l'épargne et l'investissement, trouver un point d'équilibre entre les deux. Aujourd'hui, les taux d'intérêt réels sont toujours en territoire négatif, et, par conséquent, une nouvelle hausse du taux directeur en décembre paraît souhaitable. «Tant qu'il y a une inflation assez importante, il faut un ajustement du taux à la hausse pour parvenir à un équilibre entre épargnants et investisseurs, et pour que le marché des capitaux soit un moyen de canaliser les capitaux existants afin qu'ils n'aillent pas dans d'autres canaux néfastes pour notre économie», conclut-i. Crédits immobiliers: Très léger impact sur les taux, pour le moment Deux mois après la hausse du taux directeur de BAM, les taux assortissant les crédits immobiliers aux acquéreurs restent plutôt stables. Comme l'explique Bachir Benslimane, PDG de Afdal.ma, simulateur et comparateur en ligne de crédits au Maroc, «la répercussion de la hausse du taux directeur de BAM sur les taux d'intérêt des banques s'est ressentie de manière très légère pour le moment». Selon cet expert, «la plupart des banques n'ont toujours pas modifié leurs grilles des taux, et n'ont pas répercuté cette hausse sur leur grille tarifaire, surtout pour les offres conventionnées». L'accès à certaines offres promotionnelles a toutefois été limité, voire arrêté, notamment pour les offres à taux variables et taux variables capés, fait-il savoir. Dans les cas où des hausses ont été constatées, les taux d'intérêt ont augmenté environ de 10 à 30 points de base. «Sur les durées au dessous ou égales à 7 ans, les taux avoisinent les 4% fixes pour la plupart des montants de crédit. Sur les durées plus longues, ils avoisinent les 4,2% fixes. Néanmoins, le profil et le projet de financement peuvent impacter ce taux vers la baisse, tout dépend du risque lié à la mise en place du crédit», affirme-t-il.