Au cours des trois dernières années, le budget de l'organisation panafricaine a oscillé autour de 650 millions de dollars. Pas de quoi mener large, selon un haut responsable de la Commission africaine, croisé en prélude à la session inaugurale de la 14e édition des Medays. Les Medays de Tanger sont de retour. Comme mise en bouche de cette première édition post-crise sanitaire, qui se tient du 2 au 5 novembre, une table ronde consacrée à l'intégration politique et économique en Afrique a été organisée. Point d'orgue des interventions : le financement. Nous avons posé quelques questions à Alexander Tordeta Ratebaye, chef de cabinet adjoint du Président de la Commission Africaine. Edifiant. La Vie éco : Quel que soit le sujet à travers lequel on appréhende l'Union Africaine, on bute sur la question centrale du financement. Où est-ce que le bât blesse, le mécanisme de financement de l'UA en lui-même ou le manque de contribution des Etats ? Tordeta Ratebaye : Je crois qu'il faut souligner clairement que c'est un problème structurel lié à la constitution même de l'Union Africaine où le financement repose sur les contributions volontaires des Etats membres, devenus certes statutaires et réparties en 3 catégories, mais le niveau de décaissement pose problème et n'arrive pas à financer tout ce que l'UA s'est fixé comme objectifs à travers ses programmes. N'y a-t-il pas de sanction en cas de non-paiement ? Il y en a effectivement. Quand un pays ne s'acquitte pas de sa contribution de l'année, il se retrouve privé de plusieurs droits lors de l'année n+1, le problème est que certains pays ne paient qu'à la fin de l'année, pour ne pas se retrouver sanctionnés, ce qui retarde les programmes, mais de toutes les façons le montant global reste insuffisant. C'est-à-dire que même si tout le monde payait à temps cela ne suffirait pas... Oui, c'est exact. Il fallait dès lors réfléchir à des sources alternatives, il y a eu plusieurs études et rapports à ce sujet. En 2014, par exemple, sur proposition de l'ancien Président nigérian Olusegun Obasanjo, des taxes sur les billets d'avion, les nuits d'hôtel et les SMS sur téléphone portable, avaient été adoptées. Mais l'applicabilité de ces mesures a fait défaut. Il fallait faire plus simple et moins complexe. En 2016, lors du 26e sommet de l'UA, tenu en Afrique du Sud, le principe d'un prélèvement de 0,2% sur les importations des 54 pays de l'UA a été acté. Il a été entériné un an après, à l'issue du 27e sommet au Rwanda. Le montant prévisionnel des ressources à générer avait été estimé à 1,2 milliard de dollars. A la suite de ce sommet, une quinzaine d'Etats ont même souscrit volontairement, ouvert des comptes dédiés et payé sur la base de 0,2% de leurs importations. Malheureusement, c'est resté timide et sans grande étendue. Faute de sanctions ? Oui, sans doute, car à l'inverse de la contribution classique, ce mécanisme est basé sur le volontariat des pays. La question du financement reste donc d'actualité et se pose avec insistance. L'Union Africaine a besoin de quel budget pour déployer ses ambitions ? C'est une question intéressante qu'il faudrait poser aux Etats membres qui mettent en place un plafond de contribution en fonction de ce qu'ils sont disposés à payer. Mais de quelle fourchette parle-t-on. Quel est le budget actuel de l'Union Africaine ? Le budget de l'Union Africaine pour l'année 2023, voté en juillet dernier à Lusaka par son Conseil exécutif, a été établi à 654,8 millions de dollars, mais il faut savoir, par exemple, que les Etats ont plafonné leur apport au cours des trois dernières années à une moyenne de 250 millions de dollars. Le reste provient des partenaires internationaux. 650 millions de dollars, c'est tout ? Pour un continent d'un milliard de personnes et 54 Etats ! Savez-vous que le budget du FC Barcelone est de 1,25 milliard d'euros ? On parle là d'environ de deux fois le budget de l'UA... Non, je ne connaissais pas ce chiffre. Quel serait le budget idéal ? Tout dépend. Il faut savoir ce que l'on veut en faire et appréhender l'étendue des programmes à mettre en œuvre et les chantiers sont nombreux : Paix et sécurité, développement, sécurité sanitaire, sécurité alimentaire, infrastructures. Finalement, c'est quoi le schéma idéal de financement ? Il doit bien y avoir des modèles qui inspirent... Il y a des modèles qui marchent. Par exemple, au niveau des pays de la CEDEAO, il y a la taxe communautaire d'intégration qui est prélevée directement par la Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest (BCEAO). A l'échelle du continent cela n'a pu être réalisé... Il y a plus que 40 monnaies et autant de Banques centrales, plus de 50 gouvernements... Comment arriver à consolider tout cela. Plusieurs schémas d'organisation, à l'instar de la Banque centrale africaine, la Banque d'investissement, le Fonds monétaire africain restent à l'état de vœux pieux. Ils ont été ratifiés mais jamais mis en œuvre. Vous avez déclaré lors de la table ronde que l'UA avait recours à l'aide de l'Union Européenne pour certains programmes ? Ce sont des prêts ? Des dons ? Je préfère ne pas commenter de manière précise ce point, pour respecter la souveraineté de certains de nos Etats membres. Mais il y a des mécanismes qui sont mis en place, par exemple en matière de paix et sécurité et notamment la menace terroriste qui est du ressort du Conseil de sécurité de l'ONU. Il y a donc des organisations partenaires qui nous appuient sur ces volets. Pays membres : Une contribution à la carte Le barème actuel des contributions des Etats membres au budget de l'Union fixe des taux de contribution selon une «classification hiérarchique» des pays. Les Etats considérés de «niveau 1» sont censés apporter 45,151% du budget estimé de l'Union. L'apport des pays de «niveau 2» correspond à 32,749% du budget, alors que celui des membres de «niveau 3» correspond à 22,100% du budget évalué de l'Union. Le même barème prévoit que chaque Etat membre ne verse pas moins de 350 000 dollars ni plus de 35 millions, à titre de contribution pour le budget ordinaire et le fonds pour la paix réunis.Pour la période 2016-2018 les plus grosses contributions ont été celles de l'Algérie, l'Egypte et l'Afrique du Sud avec 20,4 millions de dollars chacun. A l'autre extrémité, on trouve la République Centrafricaine avec 140 000 dollars, le Libéria avec 220 000 dollars, ou encore l'Erythrée avec 330 000 dollars. Nous n'avons pas pu avoir les chiffres concernant la contribution du Maroc.