Une aide directe à l'acquéreur, exonération de la taxe sur les profits fonciers et réimposition des revenus locatifs à l'IR, après abattement de 40%. L'ère des avantages fiscaux est révolue, tout le monde va devoir passer à la caisse. Les dispositions fiscales accordées aux promoteurs immobiliers ne seraient pas reconduites. D'ailleurs, elles ont pris fin en 2020. Le gouvernement a donc vu bon d'orienter son aide directement aux ménages éligibles et de rompre ainsi avec les aides en termes de fiscalité et de mise à disposition du foncier. Le ministre chargé du Budget, Faouzi Lakjaa, a annoncé, lors de la conférence de présentation du PLF, que cette aide serait destinée surtout à la classe moyenne, pour les logements ne dépassant pas 300 000 DH. Sauf que les promoteurs ne sont pas satisfaits de cette démarche. Ils cherchent à décrocher d'autres types d'avantages, bien qu'ils aient bien tiré profit des mesures de l'ancien programme. Selon l'un d'eux, «plusieurs paramètres ont changé entre la date de la mise en place de ce dispositif et cette période. Les coûts de l'ensemble des matériaux de construction et la main-d'œuvre ont augmenté. Quand bien même ils seraient restés inchangés, le coût du foncier, à lui seul, viendrait plomber les calculs». Il ajoute : «Il est fort probable que cette disposition soit adoptée. Mais il est possible aussi que les promoteurs n'adhèrent pas au nouveau dispositif, en l'absence de toute incitation, qu'elle vienne du gouvernement, des banques ou des administrations intervenant dans le secteur». D'autant que l'une de leurs requêtes concerne aussi la levée de l'obligation de construire une superficie précise. Ils réclament une fixation du prix de vente au m2, accompagnée d'une liberté de choix dans la superficie, de sorte à diversifier l'offre en studios, appartements, duplex... Une concertation serait souhaitable L'on ignore toujours l'ampleur de cette aide directe, son montant et encore moins le profil des bénéficiaires ciblés. Les formes et les modalités d'octroi seront fixées par voie réglementaire. Seules sont annoncées les conditions d'éligibilité à ces aides, à savoir la non possession d'un bien immobilier à la date d'acquisition et l'obligation de s'adresser à un notaire pour la conclusion du compromis de vente et du contrat définitif. Ce dernier doit mentionner l'engagement que devra prendre l'acquéreur à occuper les lieux en tant que logement principal pendant 4 ans. Comme ce dispositif concerne une aide financière étatique, une hypothèque devra être consentie au profit de l'Etat, de 1er ou 2e rang, en garantie de la restitution de ladite aide, si le bénéficiaire revient sur ses engagements. Pour lever cette hypothèque, l'intéressé devra fournir les documents nécessaires prouvant l'habitation principale. Dans tous les cas, une concertation globale avec toutes les parties prenantes dont les promoteurs, les banques, les professionnels des matériaux de construction et administrations est nécessaire, pour éviter de rater le virage de ce nouveau dispositif à mettre en place. Parallèlement, le coût fiscal devra être étudié minutieusement. Dans le cas de l'ancien programme, 12,6% des dépenses fiscales sont attribués au secteur immobilier, soit 4,8 milliards de DH sur les 8 premiers mois de cette année, contre près de 7 milliards, sur toute l'année 2021. Elles incluent aussi bien les exonérations accordées aux promoteurs à hauteur de 900 MDH que les avantages dont profitent les ménages d'un montant de 4,6 milliards de DH. Réorientation à la location informelle ? Les revenus locatifs et les profits fonciers sont également concernés par le PLF 2023. Le régime fiscal des premiers qui serait appliqué n'est autre qu'un retour aux dispositions antérieures à 2019. Les revenus issus de la location seraient ainsi soumis à l'IR au taux du barème progressif, après abattement de 40%. Pour rappel, la Loi de finances 2019 avait introduit deux taux d'imposition, en fonction des revenus locatifs cumulés. S'ils sont inférieurs à 120 000 DH, le taux était de 10% et s'ils sont égaux ou supérieurs à ce montant, le taux monte à 15%. «Ayant pour objectif d'assurer une équité fiscale entre les différents types de revenus, cette mesure pourrait avoir pour effet de réorienter une bonne partie des revenus locatifs vers l'informel qui n'offre aucune protection au bailleur», souligne un opérateur. Les avantages accordés aux profits fonciers, de leur côté, seraient de l'histoire ancienne. Toujours dans ce PLF, il est proposé de supprimer l'exonération de la Taxe sur profits fonciers (TPI), des opérations de cession d'un logement occupé de manière permanente à titre d'habitation principale, avant l'expiration d'un délai de 6 ans. Qu'on habite le bien pendant 6 mois ou 10 ans, la TPI reste redevable. Précédemment, la Loi de finances 2020 avait apporté une disposition, selon laquelle l'exonération peut prendre effet même si l'obligation du délai d'occupation n'est pas remplie, à condition que le montant généré soit investi dans l'acquisition d'un autre bien destiné à une résidence principale et ce, pendant une durée qui ne dépasse pas 6 mois. Le marché de l'immobilier est déjà en léthargie, avec un retrait des intentions d'achat et une baisse de la demande. De l'avis d'un autre expert, «cette disposition pourrait favoriser la spéculation, phénomène qui a fait des dégâts au secteur et fut à l'origine, entre autres, de la crise de 2008». Le rythme de production de logements fléchit Le programme de logements sociaux lancé en 2010, accompagné de son lot d'incitations fiscales a attiré plusieurs promoteurs, à tel point qu'entre 2010 et 2015, la production a suivi un trend haussier avec un rebond de 237% à 74 850 unités. Le rythme de progression a fléchi les années suivantes pour afficher une hausse de 12% entre 2016 et 2019, année d'inflexion de la production. Il a ainsi subi une diminution de l'ordre de 15,6% en 2020 et de 4,6% en 2021. Effet Covid certes, mais aussi, résultat de la fin des dispositions fiscales avantageuses. En plus, le programme n'attirait plus, vu le relèvement des exigences des clients, notamment en termes d'équipement. Un désintérêt est manifesté à l'égard de ce programme. Cela s'est traduit par un ralentissement de la cadence d'écoulements et par une accumulation de stocks d'invendus. Même avec ce constat, les promoteurs n'avaient le choix que de continuer à construire pour respecter le cahier des charges, sur lequel se basent les exonérations accordées. En tout cas, entre 2010 et jusqu'à juillet de cette année, la production totale de logements sociaux à 250 000 DH a totalisé 602 368 unités. C'est ce programme qui a eu le plus de succès et a même dépassé ses objectifs. Un peu moins réussi, le programme de logements à 140000 DH a cumulé 28 530 unités et celui destiné à la classe moyenne 253 logements seulement.