Les femmes sont souvent lésées suite aux cas de conflit ou de divorce. Leur implication dans la gestion et la fructification du patrimoine n'est pas reconnue. Une requête a été déposée par le milieu associatif pour la modification des articles 49, 51 et 322 de la Moudouwana. Une pétition sera incessamment lancée. «Ce que nous avons acquis en commun, partageons-le équitablement». C'est l'idée principale de la requête déposée, le 12 juillet 2021, par, et c'est un paradoxe, une association qui évolue dans le milieu islamiste, pour la révision des articles 49,51 et 322 de la loi 7-03 portant Code de la famille. Le projet de révision des articles précités ne s'inscrit pas, explique Asmaa Moudden, représentante de la commission chargée de la requête, «dans le cadre de la réforme de la Moudouwana. Une réforme globale du Code de la famille étant politiquement lourde et difficile à gérer, on ne peut actuellement qu'opter pour une réforme partielle. Ainsi, les associations œuvrant pour la défense des droits des femmes proposent, chacune de son côté, des projets de réformes ponctuels, notamment en ce qui concerne la reconnaissance de l'affiliation, le mariage des mineurs ou encore le droit de garde des enfants. Et dans notre cas, la requête concerne le partage des biens du couple en cas de conflit, de divorce ou encore de décès». L'idée est partie des conclusions d'une enquête de terrain réalisée par l'association en question qui ont révélé, que la contribution de la femme et son travail domestique ne sont pas du tout reconnus lorsque survient un conflit ou une séparation. Ce n'est d'ailleurs pas une découverte. L'étude souligne également ce que l'association islamiste considère comme «une large méconnaissance» de l'article 49 de la Moudouwana. Celui-ci décide que «les deux époux disposent chacun d'un patrimoine propre. Toutefois, les époux peuvent se mettre d'accord sur les conditions de fructification et de répartition des biens qu'ils auront acquis pendant leur mariage. Cet accord fait l'objet d'un document distinct de l'acte de mariage. Les adouls avisent les deux parties, lors de la conclusion du mariage, des dispositions précédentes». Ceux qui auront contracté mariage depuis l'adoption de ce texte le confirment, les adouls rappellent systématiquement cette clause au moment de la rédaction de l'acte de mariage. Malgré ce devoir d'informer les futurs époux, très rares sont les cas où ces derniers décident d'établir un contrat en plus de l'acte de mariage. Selon les statistiques du ministère de la justice, sur les 17 dernières années, soit depuis l'adoption du Code de la famille en 2004, seulement 0,5% des unions conclues ont été accompagnées d'un contrat régissant la gestion et le partage des biens du couple. Ce qui a fini par donner lieu à une perception totalement négative de cet accord pourtant prévu par le Code de la famille et donc parfaitement légal. En son absence, se pose la problématique du partage des biens et la reconnaissance de l'implication et de la contribution de la femme à l'acquisition et à la gestion des biens et des ressources financières du couple durant la période du mariage. L'article 49 du Code de la famille stipule «qu'à défaut de l'accord susvisé, il est fait recours aux règles générales de preuve, tout en prenant en considération le travail de chacun des conjoints, les efforts qu'il a fournis et les charges qu'il a assumées pour fructifier les biens de la famille». Ce qui fait référence à l'article 404 du Code des obligations et des contrats (COD) qui prévoit le recours à des preuves, notamment la preuve littérale et écrite et la preuve testimoniale. Mais là encore, des limites existent malheureusement dans la mesure où la preuve testimoniale n'est valable que pour des biens d'une valeur inférieure ou égale à 10 000 dirhams. Après les élections, une campagne de vulgarisation Le projet de révision préconise un partage des biens en fonction du niveau de la contribution de chacun des époux dans l'acquisition et la fructification du patrimoine. «Nous avions, au départ, prévu de stipuler l'obligation de l'établissement d'un contrat parallèlement à l'acte de mariage mais l'idée a été abandonnée, car nous avions craint que cela ne conduise à une forte abstention au mariage», indique Mme Moudden. Par ailleurs, les auteurs de la requête sont conscients que la seule révision de l'article 49 ne suffira pas à garantir les droits de la femme en cas de partage du patrimoine du couple. Ce pourquoi le projet porte également sur la réforme des articles 51 et 322 du Code de la famille. L'article 51 stipule «la prise en charge par l'épouse conjointement avec l'époux, de la responsabilité de la gestion des affaires du foyer et de la protection des enfants», et «la concertation dans les décisions relatives à la gestion des affaires de la famille, des enfants et de planning familial». La révision prévoit l'inclusion de la reconnaissance du travail domestique de la femme comme une contribution à la fructification du patrimoine familial. Là encore, il ne s'agit que de formaliser une pratique ancestrale qui existe dans certaines régions, comme le Souss, où la veuve a droit de facto au tiers du patrimoine constitué, soit lors du divorce ou avant même de procéder au partage de l'héritage lors du décès. Bref, pour une répartition équitable, le projet prévoit aussi une modification de l'article 322 qui traite des cinq droits de la succession. Pour l'association, il est suggéré de retirer également les parts et les contributions de la femme avant de procéder au partage de l'héritage entre les héritiers. Ce qui pourrait être une petite révolution en matière d'héritage dont les règles sont puisées dans le Coran. La requête porte donc sur la modification de ces trois articles de la Moudouwana en vue d'une répartition équitable des biens acquis durant le mariage en cas de conflit et de divorce dans le souci d'une protection des droits des femmes et aussi d'une reconnaissance de leur participation à la gestion du patrimoine. Suite au dépôt de cette requête, sera incessamment lancée une pétition pour la collecte de 25 000 signatures. Deux pages Facebook ont été également créées pour, souligne Asmaa Moudden, «expliquer, vulgariser et informer de la nécessité de cette réforme». Une campagne sera lancée après les élections de septembre prochain.