Environ trois quarts des magasins sont ouverts, mais la reprise se fait attendre. Si le tissu d'ameublement a été sérieusement touché, l'alimentation a pu sauver la mise. Le transport routier de marchandises a pu garder un rythme régulier depuis le début de la pandémie. Derb Omar, la célèbre plaque tournante du négoce à Casablanca, est presque une zone piétonne du centre-ville, sauf que les passants se mêlent aux véhicules le plus normalement du monde. Les trottoirs sont totalement occupés par les marchands ambulants. Alors les piétons préfèrent marcher entre les voitures, les pick-up et les camions (voir encadré). En cet après-midi du lundi 31 août, l'affluence n'était heureusement pas à son apogée, ce qui a rendu la mobilité moins complexe. En temps normal, le marché est un vrai dédale congestionné. Les magasins, selon les marchandises exposées, ne connaissent visiblement pas le même niveau d'affluence. C'est ce que l'on peut constater de visu. Certaines activités, comme l'agroalimentaire, n'ont pas connu de répit, malgré le confinement et la fermeture des frontières pendant plus de deux mois. D'autres comme les marchands de demi-gros du tissu d'ameublement et d'argenterie chôment presque en continu, depuis la mi-mars. Pour d'autres, le constat est mitigé. Les vendeurs de fournitures scolaires, en détail et en demi-gros, sont sollicités en cette période. En face, les vendeurs de produits de passementerie de Kissariat Zitoune broient du noir. L'agroalimentaire est une valeur sûre à Derb Omar Enfin, s'il y une activité qui ne connaît pas de répit, c'est bien celle des camionneurs. A l'exception du Boulevard Mohamed Smiha, situé à l'extrémité ouest du marché, ces derniers souffrent pour pouvoir se rendre à leurs zones de parking où ils se garent en attendant le chargement des marchandises… Derb Omar n'est pas un marché où seuls les Casablancais font leurs achats, car presque toutes les régions du Royaume s'y approvisionnent. C'est la raison pour laquelle les rideaux n'y ont pas tous été baissés pendant le confinement et après. Ce jour là, l'activité battait son plein, avec moins d'affluence que d'habitude. Certes, cette activité ne s'est jamais arrêtée depuis le début du confinement, mais il y a comme un air morose qui semble planer sur ses ruelles et kissariats. En effet, l'incertitude qui touche l'économie nationale et la mauvaise passe des ménages y sont pour quelque chose. Certaines activités, comme l'agroalimentaire, n'ont pas été impactées négativement par la pandémie. Au contraire, il y a eu une grande vague d'achat due à la panique au début de la pandémie et cela a été bénéfique pour certains commerces annexes comme le carton d'emballage ou le transport de marchandises. Malheureusement, cette exception n'a pas convaincu certains magasins de maintenir leur activité durant et après le confinement. C'est le cas du magasin de vente de gros Benjelloun, spécialisé en vente de carton d'emballage. Selon le gérant, ce magasin a même fermé durant la grande partie du mois d'août, coïncidant avec l'après-Aid Al Adha cette année. Les fournitures scolaires ont envahi le marché Comme c'est le cas chaque année à la même période, les fournitures scolaires ont envahi Derb Omar depuis quelques semaines. Les kissariats et magasins spécialisés ont renforcé leurs stocks. Cela se voit clairement grâce aux entassements de marchandises pas encore complètement traitées et stockées. Certains magasins de la vente en gros, tenus par des commerçants chinois, vendent uniquement des cartables. Commerce saisonnier, la fourniture scolaire est un secteur qui ne tardera pas à reprendre son rythme normal, moins effréné en l'occurrence. On fait donc le maximum pour écouler les stocks. Une partie de ces derniers est même livrée au ferrachas, car ils sont plus accessibles pour les clients du détail. Ces marchands sont indésirables, mais on fait quand même appel à eux en cas de besoin. C'est là tout le problème. Le tissu d'ameublement asphyxié Actuellement, environ 75% des magasins sont ouverts, comme on peut le constater ce lundi 31 août. Mais, pour des commerces comme le tissu d'ameublement, ouverture ne signifie pas automatiquement que les affaires reprennent. Selon Mohamed Chihab Eddine, commerçant de demi-gros et de détails, la combinaison de plusieurs éléments a causé l'asphyxie de cette activité, et ce depuis le mois de mars. En premier lieu, la succession des périodes de confinement, du déconfinement, des vacances scolaires et de la rentrée ont été néfastes pour ce métier. «Les parents ont priorisé les dépenses les plus urgentes comme celles liées à la scolarité. Aussi, les commerçants qui s'approvisionnent chez nous n'ont pas liquidé leurs stocks et ils viennent à peine de reprendre l'activité. Globalement, les ménages sont dans l'incertitude actuellement», souligne ce propriétaire d'un magasin qui a pignon sur rue. Les charges fixes sont celles qui pèsent le plus. La dépense la plus importante reste le loyer, réputé très cher à Derb Omar, l'un des grands marchés de la capitale économique. «En sus, il y a les factures de l'électricité et les salaires des employés à payer. Chaque magasin a jusqu'à quatre salariés», poursuit M. Chihab Eddine. Que font donc tous ces commerces pour tenir le coup ? «Il faut être préparé. Nous avons appris à mettre des ressources de côté», réplique-t-il. Sans cela, il est impossible de supporter cette crise qui risque de se poursuivre encore longtemps. En tout cas, les commerçants du tissu d'ameublement doivent écouler leur stock, resté presque le même depuis des mois. Les magasins de demi-gros spécialisés en agroalimentaire n'ont jamais arrêté de travailler. Durant le confinement, il fallait contribuer à fournir les épiceries casablancaises et les régions. A l'annonce du confinement, les Marocains se sont approvisionnés en grandes quantités. La de mande a donc augmenté de manière considérable sur les produits agroalimentaires, surtout durant les mois de mars et avril. Actuellement, l'activité chez ces commerçants semble se poursuivre de manière normale. Les magasins sont occupés de la même manière qu'avant la pandémie, si ce n'est plus. Bien évidemment, les camionneurs ont été sollicités pour assurer l'acheminement des denrées vers toutes les régions. Selon plusieurs camionneurs à Derb Omar, leur activité n'a pas cessé, ni durant le confinement, ni après. Si l'activité a baissé au sein de certains business, l'augmentation de la demande sur certains produits a permis de maintenir l'équilibre du marché. A Derb Omar, les camionneurs sont organisés selon les villes et les destinations. Les transporteurs qui desservent, par exemple, le Sud-Est du Royaume se réunissent tous dans les mêmes ruelles du quartier. Ceux qui font la liaison avec Marrakech sont tous garés au Boulevard Strasbourg, en plein Derb Omar. Et ainsi de suite. Selon un système de rotation, les camionneurs chargent différents types de marchandises pour les acheminer aux clients. En cet après-midi du lundi 31 août, les conducteurs, courtiers et ouvriers vaquaient à leurs occupations. Généralement, ils finissent de charger en fin d'après-midi, mais il y en a qui attendent la tombée de la nuit pour prendre la route. Ceux qui desservent les destinations lointaines ne livrent ainsi leurs marchandises à leurs clients que le lendemain matin. Les marchands de détail très touchés Les commerces de détail ont été sérieusement atteints durant le confinement. Ayant été contraints à fermer pendant presque trois mois, ils ont également dû cesser toute activité durant le mois d'août. Omnium Accessoires Bureau, spécialisé en vente de matériel bureautique, fait partie de cette catégorie de commerces. Selon un des vendeurs, le magasin n'a pas pratiquement entamé sa période de reprise à cause de ces deux fermetures. Des magasins limitrophes ont même choisi de retarder leurs réouvertures, car le moment n'est pas encore propice. D'autres types de commerces sont pratiquement à l'arrêt à cause de la nature de la marchandise. L'Etablissement Berrada Abdelmajid, spécialisé en import et export d'argenterie, est presque sans commandes depuis des mois. La pandémie a éliminé tout goût pour les mondanités. Les kissariats, des zones à part La plupart des kissariats de Derb Omar sont occupées par les marchands de tissu d'ameublement. On en compte une vingtaine dans le quartier. L'activité chez ces derniers, comme précisé plus haut, ne semble pas redécoller de sitôt. C'est pour cela que ces centres commerciaux ne sont pas submergés de clients, d'autant plus qu'il s'agit globalement de grands espaces biens organisés. Activité très liée au tissu d'ameublement, la passementerie, vendue essentiellement à Kissariat Zitoune sise au Boulevard de Strasbourg, vit également des moments difficiles. Livrant d'habitude leurs produits aux quatre coins du pays, les passementiers disent attendre des jours meilleurs pour rattraper les pertes enregistrées durant le confinement. D'autres kissariats sont dédiées à différents produits liés à l'ameublement. Toutes semblent très calmes. En revanche, à l'entrée du Boulevard de Strasbourg venant de la Place de la Victoire se trouve un mini-marché dédié aux dattes et aux fruits secs. Ces denrées connaissent une demande qui ne tarit presque jamais. Les ferrachas